Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

Lire la suite

Avenir de la formation professionnelle en France

Par / 22 janvier 2008

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on ne peut qu’être d’accord avec le constat de notre collègue Jean-Claude Carle sur le fait que la formation professionnelle ne bénéficie pas suffisamment à toutes et à tous, mais essentiellement aux salariés les plus diplômés, nonobstant de grosses disparités selon la taille de l’entreprise.

Chaque année, 60 % des salariés ne profitent pas de leur droit à formation ; environ 25 % des titulaires d’un CAP y ont accès, contre près de 45 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Selon une récente étude de la direction de l’animation, de la recherche, des études et statistiques, ou DARES, sur la formation des demandeurs d’emploi, seuls 8,1 % des chômeurs suivaient une formation professionnelle à la fin 2005. Ils étaient 8,7 % en 2006.

Je rejoins également son analyse sur la complexité de l’offre de formation et du manque de lisibilité pour le salarié au moment où il est confronté au choix, parfois insuffisamment conseillé, et dans une situation d’urgence : perte d’emploi ou reconversion. L’existence de 45 000 organismes de formation et de 98 organismes paritaires collecteurs agréés, ou OPCA, témoigne de cette lourdeur.

Nous avons largement constaté ces difficultés lors des auditions et des déplacements de notre mission d’information, comme notre collègue Jean-Claude Carle l’a précisément rappelé à l’instant.

Je ne contesterai pas non plus sa description des aspirations des salariés sur le droit individuel à la formation attaché à la personne, transférable tout au long de sa vie, destiné à satisfaire ses besoins en matière de développement professionnel et personnel.

Oui, s’il est vrai qu’il faut réformer la formation professionnelle, c’est avant tout pour donner les mêmes droits à toutes et à tous, salarié comme demandeur d’emploi, quel que soit son âge, son niveau de formation initiale, dans les petites, comme dans les grandes entreprises. Et, comme vous le savez, mes chers collègues, j’ai toujours dans mes préoccupations les territoires ruraux, très présents dans mon département, l’Isère. Ce droit doit donc également être à la portée de tous nos concitoyens, quel que soit le territoire de leur résidence.

Mais, et vous n’en serez pas surpris, mon accord avec notre collègue Jean-Claude Carle s’arrête à ces constats.

M. Guy Fischer. Heureusement !

Mme Annie David. Selon moi, si la formation professionnelle ne bénéficie pas aux ouvriers les moins qualifiés, c’est de par la volonté du patronat qui, la considérant comme un retour sur investissement, a besoin d’un noyau dur de personnel à qualification élevée et, à côté de cela, d’un bataillon de salariés non qualifiés, d’intérimaires, destiné à faire de la productivité. Cela peut paraître simpliste pour celles et ceux qui ne fréquentent pas la sortie des usines, mais c’est pourtant la réalité.

Aujourd’hui, alors que se préparent un ou des projets de loi sur cette question fondamentale, alors que le Président de la République a déclaré vouloir réaliser des milliards d’euros d’économies en réformant la formation professionnelle et en la recentrant sur ceux qui en ont le plus besoin, « chômeurs et salariés les moins qualifiés », le rapport Carle ouvre un questionnement qui appelle des réponses de la part du patronat et du Gouvernement.

Je me propose donc de les résumer brièvement et de mettre le doigt sur les menaces qui me semblent pointer à l’horizon.

J’ai relevé dans l’intervention de Mme Lagarde - dont je regrette moi aussi l’absence ce matin - devant notre assemblée que « le Gouvernement avancera, en 2008, en associant régions et partenaires sociaux ; je vais mettre en place un groupe de travail sur la formation professionnelle continue afin de clarifier les priorités stratégiques et de distinguer ce qui relève de la négociation collective et du législateur ».

Voilà donc la problématique posée. Il en découle une question fondamentale.

Je suis profondément attachée au principe de solidarité de la formation professionnelle, tout comme de l’UNEDIC, notre système de protection sociale contre la privation involontaire d’emploi, je le rappelais ici même dans notre débat sur le service public de l’emploi. Car la protection contre le chômage, l’emploi, la formation continue et, en amont, la formation initiale sont étroitement liés.

Je voudrais donc rappeler le rôle primordial de l’État. Les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ne veulent pas son désengagement de la formation, pas plus que de la protection contre le chômage. Si le paritarisme a fait ses preuves, notamment dans la gestion de l’assurance chômage, il n’est pas question d’y trouver matière à un nouveau désengagement de l’État, qui consisterait à renvoyer dos à dos les branches ou les entreprises pour financer chacune « leur » formation professionnelle.

Évoquant les nécessaires partenariats, notre collègue Jean-Claude Carle définit des « chefs de file ». Qui seront-ils ? Les régions ? Les bassins d’emploi ? Les branches ?

Le débat de ce jour devrait d’ailleurs être le moyen de clarifier le rôle des régions, qui détiennent la compétence en matière de formation des moins de 26 ans, des publics les plus éloignés de l’emploi et, désormais, des adultes non salariés.

Dans ma région, Rhône-Alpes, nous notons que les transferts de compétences se sont effectués sans le transfert des moyens afférents. Il en est ainsi des carrières sanitaires et sociales, avec 62 écoles d’infirmières, désormais à la charge de la région, destinées à répondre aux besoins énormes en matière de formation d’infirmières.

Toujours dans ma région, on estime à plus de 10 millions d’euros le déficit des centres de formation d’apprentis, ou CFA, à la suite de la baisse de la collecte de la taxe d’apprentissage, consécutive à la réforme nationale de sa collecte.

Enfin, le transfert des AFPA - 12 centres en Rhône-Alpes et 20 000 stagiaires par an - avec à terme, sans doute, le transfert à venir des locaux et des personnels, est également d’un coût élevé.

Au sujet des AFPA, et bien qu’il ne soit pas fait mention de ce point dans la question de notre collègue, je tiens à réaffirmer ici notre opposition à l’amendement proposé par le rapporteur du texte, Mme Catherine Procaccia, et voté au cours du débat sur la réforme du service public de l’emploi.

Cet amendement, devenu article nouveau, nous inspire beaucoup d’inquiétude, car il nous apparaît comme la première étape du démantèlement de l’AFPA, dont les demandeurs d’emplois eux-mêmes seraient les premières victimes.

M. Guy Fischer. C’est exact !

Mme Annie David. Cet amendement démontre aussi un manque de connaissance de cet organisme, dont l’orientation est une mission indissociable de la formation, car indispensable au retour vers l’emploi des chômeurs les plus en difficulté.

Qui plus est, cet amendement a été proposé sans discussion préalable avec les partenaires sociaux, et à quelques semaines de nouveaux textes sur ce sujet. Il n’y avait vraiment pas urgence en la matière ! Je souhaite que l’Assemblée nationale puisse revenir sur ce nouvel article !

Mais j’en viens à la question d’aujourd’hui et à la mesure phare préconisée par Jean-Claude Carle qui est de supprimer l’obligation légale pour le plan de formation, au motif que cela déresponsabiliserait l’entreprise, et d’y substituer le financement attaché à la transférabilité du DIF dynamisé - et monétisé - au travers d’un compte épargne formation.

Certes, la proposition d’un compte épargne-formation est intéressante. Mais l’on prend le risque, en l’instaurant, parallèlement à la suppression des 0,9 %, de remettre en cause l’un des fondements de l’accord national interprofessionnel de 2003. Cet accord consiste à développer les compétences collectives à travers le plan de formation, l’autre fondement étant le développement du droit individuel à la formation, donc deux axes très complémentaires. N’y a-t-il pas là un détournement du DIF issu de l’ANI ?

Et, au bout du compte, qui va payer ? L’État, les régions, les OPCA, l’ANPE ? Sont également évoqués l’instauration d’une participation des individus via les indemnités de licenciement ou encore le compte épargne-temps.

Il est à craindre, à l’opposé des dires de notre collègue Carle, un affaiblissement de la responsabilité de l’employeur, notamment au regard de son obligation de permettre aux salariés d’acquérir de nouvelles compétences en vue de nouvelles tâches ou responsabilités.

Par ailleurs, comme le soulignent certaines organisations syndicales, la participation de beaucoup de petites entreprises se situe au minimum légal, et la mutualisation des fonds n’est rendue possible que grâce à l’obligation. On est ainsi fondé à se demander ce qu’il adviendrait sans cette mutualisation qui permet le financement d’actions de formation dépassant largement la contribution annuelle de l’entreprise. Ce serait, sans aucun doute, la fin d’une équité déjà mise à mal en matière de formation professionnelle.

Le regroupement des OPCA, en portant par la voie réglementaire le plancher de collecte de 15 millions à 50 millions d’euros, devrait avoir pour conséquence la disparition des plus petits d’entre eux.

« À terme, une seule collecte, un seul collecteur, un seul contrat ». Tel est le credo de notre collègue Jean-Claude Carle. Une conséquence sur laquelle il ne faut pas fermer les yeux est le financement du paritarisme via la formation professionnelle et, y compris, la représentativité des organisations syndicales, des employeurs comme des salariés.

C’est un enjeu qu’il serait certainement honnête de mettre à plat. En tout état de cause, il faut un financement pérenne du paritarisme pour garantir la démocratie. On pourrait le trouver ailleurs - pourquoi pas ? - mais dans une nécessaire transparence.

Par ailleurs, ce plancher de collecte des OPCA est-il un argument valable ? Permettez-moi d’en douter. Certains organismes font du bon travail avec une collecte modeste,...

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai !

Mme Annie David. ...d’autres, à plus large surface financière, ne remplissent pas leurs missions de proximité. Gardons-nous donc des décisions à l’emporte-pièce et regardons précisément les résultats. Sans doute faut-il « faire le ménage » au sein des OPCA. Mais il ne faudrait pas le faire sans un état des lieux préalable.

J’estime qu’il conviendrait également et surtout, ai-je envie de dire, de nous interroger sur le contenu de la formation et sur sa durée.

Je reprends à mon compte une remarque faite par la CFE- CGC selon laquelle la formation n’est pas seulement une « seconde chance ». C’est aussi un outil de promotion sociale.

Gardons-nous donc bien de ne considérer la formation continue que par le petit bout de la lorgnette, autrement dit, par le seul objectif du patronat de former en fonction exclusivement des besoins de l’entreprise, ou dit encore autrement, sous le seul angle financier !

Notons que le droit individuel à la formation est actuellement de 20 heures par an, cumulables sur 5 ans. Cela représente approximativement 15 jours tous les 5 ans. Cela me semble notoirement insuffisant pour accéder à une formation qualifiante. Et quid des grosses entreprises qui organisent leurs propres formations ? Seront-elles exonérées de contribution ? Leurs formations seront-elles reconnues en cas de changement d’entreprise du salarié ? Seront-elles prises en compte pour la validation des acquis de l’expérience, par exemple ?

Dernière question, mais non la moindre, pourquoi cette hâte ? L’accord national interprofessionnel signé le 5 décembre 2003 par toutes les organisations syndicales, peine à se mettre en place. Aucune évaluation n’a été faite, aucune concertation n’a eu lieu. Cela me semblerait pourtant un préalable. Un groupe de travail a été constitué au sein du comité paritaire national pour la formation professionnelle. Les premiers résultats devraient précisément être connus en ce début d’année. Pourquoi ne pas attendre cette évaluation avant de proposer de nouveaux mécanismes ?

En guise de conclusion, je rappellerai brièvement les propositions portées par le groupe communiste, républicain et citoyen.

Nous défendons, et nous nous attacherons à la défendre au cours des futurs débats, une vision humaniste et à long terme de la formation tout au long de la vie : un droit individuel, attaché à la personne, quel que soit son contrat de travail, garanti collectivement, transférable et opposable. Ce droit doit s’accompagner d’un nouveau statut progressiste du salariat, permettant à chaque salarié ayant suivi une formation d’obtenir une promotion professionnelle et sociale et sa reconnaissance par l’employeur en termes de qualification, de classification, de rémunération, de conditions de travail.

Cela pourrait se concrétiser, selon nous, par la création d’un pôle de service public, en quelque sorte, une « maison de la formation et de l’emploi », dans laquelle, bien sûr, les associations oeuvrant en direction des salariés handicapés auraient toute leur place, aux fins de promouvoir une insertion professionnelle durable pour toutes et tous.

C’est fort de cette conviction que notre groupe entend tenir toute sa place dans les débats à venir sur la réforme de la formation professionnelle.

Les dernieres interventions

Les questions orales Manque de places d’accueil pour les jeunes autistes adultes dans le département du Nord

Question orale à la Ministre chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé - Par / 14 février 2023

Les questions orales Quels moyens scolaires et périscolaires en faveur des élèves en situations de handicap ?

Question orale de Mme. Marie-Claude Varaillas, posée le 15 février 2022 - Par / 15 février 2022

Les questions orales Prise en charge pluridisciplinaire du covid long à 100 %

Question orale au ministre des solidarités et de la santé - Par / 23 septembre 2021

Les questions orales La fin de la taxe d’habitation prive les communes d’accueil de ressource pour les futures constructions de logement sociaux

Suppression de la taxe d’habitation et conséquences sur les politiques locales en matière de logement social - Par / 25 mars 2021

Les questions orales Ce transfert est un serpent de mer !

Projet de suppression de la greffe cardiaque-Hôpital Henri Mondor Créteil - Par / 11 mars 2021

Les questions orales Démantèlement du réseau des finances publiques  

Question orale au Ministre des Finances, de l’Economie et de la Relance - Par / 5 novembre 2020

Les questions orales La recherche historique ne doit pas être entravée

Réglementation concernant la communication des archives - Par / 20 février 2020

Les questions orales Jumelage avec des villes du Haut-Karabagh

Question orale à C. Castaner, ministre de l’intérieur - Par / 22 janvier 2019

Les questions orales La protection du patrimoine en danger

Question orale à F. Nyssen, Ministre de la culture - Par / 24 juillet 2018

Administration