Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

Lire la suite

Commission d’enquête sur la panne d’électricité du 4 novembre 2006

Par / 13 décembre 2006

Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont saisi le Sénat d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les causes de la panne d’électricité du 4 novembre 2006 et sur l’état de la sécurité d’approvisionnement en France dans le cadre des politiques européennes d’ouverture à la concurrence du secteur énergétique.

Nous regrettons que la commission des affaires économiques ait conclut au rejet de la proposition de création de cette commission d’enquête tant en raison de la gravité du sujet que des arguments avancés dans le rapport. Si le Sénat venait à suivre la position de notre rapporteur, Monsieur Poniatovski, nous nous contenterions de la mise en place d’une mission d’information. Force serait alors de constater l’impuissance des parlementaires français face à un problème majeur qui touche directement notre pays et nos concitoyens.

Rappelons que la création d’une commission d’enquête illustre la volonté politique de l’assemblée de se saisir d’un problème significatif et relativement grave. A ce titre, vous nous opposez que la panne n’est un sujet ni assez lourd ni assez sensible pour justifier la mise en œuvre d’une telle procédure, et vous citez a contrario l’affaire d’Outreau, les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires etc. Nous vous laissons la responsabilité de ces comparaisons qui nous paraissent aussi hasardeuses qu’inutiles.

Pour notre part, nous tenons à souligner que la survenance d’une panne générale d’électricité n’est pas une hypothèse d’école, qu’elle a un coût important, et qu’elle est susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes. Il nous paraît donc essentiel de ne pas minimiser les risques en présence et de tout mettre en œuvre pour éviter au maximum qu’ils ne se réalisent.

A cela s’ajoute que contrairement à ce qui s’est passé en 1978, pic de consommation et grand froid, la panne ait intervenue dans un contexte où la consommation d’électricité correspondait à ce qui est habituellement constaté. De plus elle a été déclenchée par une manœuvre habituelle et préparée à l’avance ! Vous comprendrez dès lors, Monsieur le rapporteur que l’argument tiré l’absence de commission d’enquête en 1978 ne convainc absolument pas !

L’absence de conditions favorables à la survenance d’une panne, nous pousse au contraire à croire que la création d’une commission d’enquête parlementaire dotée de pouvoirs étendus d’investigation, est plus que nécessaire.
En effet, les pouvoirs accordés aux parlementaires dans la cadre de la commission d’enquête, le droit de citation, la possibilité pour les rapporteurs d’exercer leur mission sur pièce et sur place, de demander à la cour des comptes des enquêtes sur la gestion des services et des organismes, mais surtout la possibilité de se faire communiquer tout document de service ne nous paraissent pas inutiles pour aboutir à une analyse approfondie des causes de la panne.
Rappelons, que l’état actuel du droit international ne nous permet évidemment pas, sauf mise en œuvre de la coopération judiciaire internationale, d’exercer ces pouvoirs à l’égard d’une personne se trouvant à l’étranger. Cependant, au titre de la puissance territoriale la commission d’enquête pourrait exercer ces prérogatives en France. En bref, au nom de pouvoirs qu’il ne détient pas et qu’il n’entendait bien sûr pas usurper, vous privez le Parlement des outils efficaces pour accomplir sa mission de contrôle.
Je voudrais désormais aborder les arguments qui font vraiment débat à notre sens.

Lorsque nous avons déposé notre proposition de résolution le mardi 7 novembre, et nous n’avons jamais dit le contraire, un certain nombre d’éléments était effectivement à notre disposition. Mais les tentatives d’explication de la panne étaient faibles et peu abouties. D’ailleurs le gouvernement allemand lui-même demandait à cette même date des précisions au gestionnaire de réseau E. ON.
Nous savions que E.O.N Netz avait mis hors service une ligne électrique à très haute tension afin de laisser passer un navire de croisière. Des flux d’électricité plus importants que prévus chargeant les lignes en service dans le sens Est-Ouest, des protections de surcharge ont mis alors hors service deux lignes de 400 kV acheminant les flux Est-Ouest. De nombreux ouvrages de transport en ont fait de même en quelques secondes sous l’action d’automates de protection. A 22h10 le réseau d’Europe continentale était coupé en trois régions déconnectées les unes des autres.

L’ensemble des pays des pays concernés a procédé a de délestage. Les délestages par les protections fréquence-métrique installées sur le réseau de distribution français environ 40% des 13 300MW délestés au total) ont très clairement permis de sauver le réseau national et de façon simultanée avec l’ensemble des distributeurs européens, de sauver l’Europe d’une grave crise. La production hydraulique comme le soulignait très justement le rapport a permis de remettre à niveau rapidement les réseaux national et européen. Les gros moyens de production, notamment nucléaires, ont maintenus le réseau au moment de l’écroulement de fréquence. Enfin, il faut saluer la réaction du personnel de RTE qui dans une logique de service public intégré a assuré une coordination des actions prises depuis la production jusqu’à la distribution.

Cependant, plus d’un mois après les évènements des zones d’ombre demeurent. RTE confesse sur son site que « l’enchaînement précis et les causes de cet évènement ne seront connus avec exactitude qu’à l’issue des enquêtes européennes lancées par ETSO et l’UCTE ».
De plus, notre information reste limitée. Votre rapport qui s’est essentiellement fondé sur le rapport de RTE, témoigne de la diversité réduite des sources d’information.
Les enquêtes conduites par l’UCTE et le Conseil des régulateurs européens de l’énergie sont une bonne chose, mais contrairement à ce qui est soutenu dans le rapport, nous ne considérons pas qu’elles fassent perdre de son intérêt à la création d’une commission d’enquête nationale. Ces documents constitueront autant d’éléments utiles à l’exercice par la commission d’enquête de sa mission de contrôle.

D’ailleurs, dans son rapport intermédiaire l’UCTE fournit un début d’analyse intéressant. En effet, l’organisation estime que l’incident est imputable à quatre causes.
D’abord, le manque d’anticipation des électriciens allemands, aggravé par le manque absolu de coordination entre les quatre gestionnaires de réseau et notamment entre RWE et E.ON. Ce constat montre la nécessité de maintenir un seul gestionnaire du réseau du transport de l’électricité en France comme c’est le cas à l’heure actuelle avec RTE, filiale à 100% d’EDF. On a constaté que les structures héritées du service public intégré EDF ont sauvé le réseau.
Ensuite, l’UCTE a remarqué que les électriciens ont mis un certain temps à réduire la puissance véhiculée sur leurs réseaux pour ne pas compromettre la tenue, je cite « engagements commerciaux trop importants ».

En bref la sûreté a été sacrifiée au nom de la rentabilité. Enfin, il semblerait que les champs d’éoliennes espagnols et allemands aient été un facteur aggravant de la panne.
Si les éléments envisagés dans ce rapport constituent de précieux renseignements, nous pensons que d’autres questions peuvent être posées. On ne voit pas pourquoi l’étendue du champ d’investigation serait laissée au bon vouloir des organismes précités. C’est dans cette optique que la pertinence d’une commission d’enquête nationale s’affirme.

En effet, il nous faut déterminer les raisons qui ont transformé une manœuvre planifiée et connue en incident incontrôlé. Les analyses à mener sont complexes et ne doivent pas s’arrêter l’identification des causes directes de l’incident. Il est primordial de s’interroger sur l’influence de la mise en place de la libéralisation du marché de l’énergie à l’échelle européenne. Libéralisation qui est beaucoup plus avancée dans d’autres pays que la France.

Les critères de marché génèrent des flux supplémentaires sur le réseau électrique européen (ici importation importante de la zone Est de l’Europe car moins chère). Ils restent à déterminer si ces flux ont contribué à une aggravation de l’incident. La financiarisation du système électrique européen entraîne des risques pour celui-ci, comme en témoignent les précédents incidents qui ont touché l’Italie, la Californie...

Avant les logiques de libéralisation, l’interconnexion des réseaux européens d’électricité était motivée par des considérations de sécurité et de solidarité plus que par des logiques commerciales. Les différentes entreprises électriques en cas de difficultés sur le réseau réglaient les problèmes à travers les échanges « à bien plaire ». Désormais les logiques commerciales rendent difficiles ces échanges comme le note d’ailleurs l’UCTE.

De plus, les marges permettant d’assurer l’équilibre production-consommation se dégradent partout en Europe. Les 3000 MW de réserves primaires sont très largement insuffisants quand on sait que cela représente une marge de 2 à 3 degrés centigrades. Aussi augmenter les capacités des interconnexions pour répondre à des exigences purement commerciales n’est pas sans danger.

Cela me porte à aborder la question cruciale de l’implantation des moyens de production. Celle-ci et les maillages des réseaux avec une forte notion de proximité par rapport aux lieux de consommation sont des éléments essentiels. L’entreprise intégrée ne réfléchissait pas uniquement en terme de rentabilité à court terme pour implanter un moyen de production mais aussi en fonction des problématiques réseaux.

La marchandisation de l’électricité induit que les producteurs implantent les nouveaux moyens de production dans des lieux qui rentabilisent au maximum les investissements. On se retrouve donc avec des projets d’implantation sur les mêmes sites (terminal gazier, port) qui ignorent les contraintes du réseau. RTE est alors obligé d’avoir recours à un appel d’offre pour localiser au mieux certains moyens de production. Encore un coût supplémentaire généré par la déréglementation. Cette logique s’applique également au cadre européen, comme en témoigne l’incident du 4 novembre dernier.

Ensuite, le comportement de la production décentralisée (éolienne, cogénération) dans la zone Ouest a été largement mis en cause. Lorsque la fréquence a atteint 49Hz, une grande partie de cette production s’est séparée du réseau (2800 MW en Espagne, 1600 MW en France). Cela a aggravé l’ampleur de l’incident et aurait pu conduire à un black-out. Cela montre qu’il est nécessaire d’avoir à coté de ces productions renouvelables ou de pointe, utiles par ailleurs, une structure de parcs de production permettant de sécuriser le réseau et de compenser leur versatilité. Il est également nécessaire que les recherches soient accélérées pour fiabiliser la tenue des éoliennes face aux aléas pouvant survenir sur un réseau électrique.

Enfin, le rapport considère que le délai de six mois, imposé par les textes, à une commission d’enquête pour achever ses travaux n’est pas adapté en l’espèce. Compte tenu de l’ouverture totale du marché de l’énergie fixé par l’Europe au premier juillet 2007 et de l’intérêt de connaître les causes de la pannes et l’état de la sécurité d’approvisionnement dans le cadre de ces politiques européennes, nous ne considérons pas que ce délai imposé constitue une entrave.

L’actualité politique avec la promulgation de la loi relative au secteur de l’énergie, la privatisation de GDF, la remise en cause du maintien des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité par la décision du conseil constitutionnels, montre l’urgence de mettre un arrêt net à la déréglementation du secteur énergétique.
Aujourd’hui le gouvernement organise la privatisation de GDF, demain EDF sera sans aucun doute concernée. On voit déjà les dommages collatéraux à travers la volonté de suppression des tarifs réglementés. L’opposition n’est pas la seule à considérer que « la libéralisation du secteur de l’énergie est suicidaire pour le consommateur » (comme le déclarait Dominique Paillé député UMP).
De plus, la fuite en avant engendrée par la politique folle de l’Europe n’est pas de nature à nous rassurer. La commissaire européenne à la Concurrence Nelly Kroes a répété jeudi 30 novembre à Calais sa volonté d’une séparation "une fois pour toute" entre les réseaux de transport d’énergie et les producteurs.

Elle a précisé que cela passait par la "séparation patrimoniale", autrement dit faire sortir les réseaux du périmètre de leurs maisons mères. Cette déclaration ouvre la voie a une nouvelle directive imposant la séparation totale des réseaux de transport des producteurs.
Pour toutes ces raisons et devant l’urgence de la situation nous vous demandons d’adopter notre proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête.

Les dernieres interventions

Les questions orales Manque de places d’accueil pour les jeunes autistes adultes dans le département du Nord

Question orale à la Ministre chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé - Par / 14 février 2023

Les questions orales Quels moyens scolaires et périscolaires en faveur des élèves en situations de handicap ?

Question orale de Mme. Marie-Claude Varaillas, posée le 15 février 2022 - Par / 15 février 2022

Les questions orales Prise en charge pluridisciplinaire du covid long à 100 %

Question orale au ministre des solidarités et de la santé - Par / 23 septembre 2021

Les questions orales La fin de la taxe d’habitation prive les communes d’accueil de ressource pour les futures constructions de logement sociaux

Suppression de la taxe d’habitation et conséquences sur les politiques locales en matière de logement social - Par / 25 mars 2021

Les questions orales Ce transfert est un serpent de mer !

Projet de suppression de la greffe cardiaque-Hôpital Henri Mondor Créteil - Par / 11 mars 2021

Les questions orales Démantèlement du réseau des finances publiques  

Question orale au Ministre des Finances, de l’Economie et de la Relance - Par / 5 novembre 2020

Les questions orales La recherche historique ne doit pas être entravée

Réglementation concernant la communication des archives - Par / 20 février 2020

Les questions orales Jumelage avec des villes du Haut-Karabagh

Question orale à C. Castaner, ministre de l’intérieur - Par / 22 janvier 2019

Les questions orales La protection du patrimoine en danger

Question orale à F. Nyssen, Ministre de la culture - Par / 24 juillet 2018

Administration