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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Désamiantage et démantèlement de l’ex-Clemenceau

Par / 7 février 2006

Madame la Ministre, je souhaite interroger le gouvernement au sujet du chantier de désamiantage et de démantèlement de l’ex-Clemenceau.

Au regard des divers et trop nombreux aléas juridiques que rencontre ce chantier, je ne peux en premier lieu que vous interroger sur le nombre de rapports parlementaires, de drames qu’il vous faudra et qui nous sont révélés chaque jour pour que le gouvernement prenne la pleine dimension de la catastrophe de l’amiante et de ses conséquences.
Il nous paraît tout à fait incompréhensible que le ministère de la défense dont vous avez la charge, qui a été condamné plus de 500 fois pour faute inexcusable, vis à vis de salariés exposés sur les chantiers de la défense, par les juridictions des affaires de sécurité sociale, n’en ait pas tiré tous les enseignements.
Ainsi à ce jour, vous n’avez pu apporter aucune des garanties essentielles et nécessaires au désamiantage du Clemenceau.

Aucun diagnostic amiante n’a été effectué dans les règles d’indépendance indispensables à ce genre de chantier.
Et au final, nous ne savons pas quelle quantité d’amiante et de matières dangereuses restent à bord du Clemenceau. Certains experts annoncent des quantités très importantes de 500 à 1000 tonnes. Quand bien même le chiffre avancé de 45 tonnes serait exact, cette quantité représente tout de même un risque majeur pour les ouvriers indiens !
Nous ne pouvons que constater à ce jour, alors que le Clemenceau poursuit sa route, qu’aucun plan de retrait amiante, tel que notre législation le prévoit et l’impose n’a été établi.
Qu’aucun suivi médical n’a été envisagé pour les travailleurs indiens exposés et ce dans un pays où aucune législation, l’amiante n’étant pas interdite dans ce pays, ne les protège des risques encourus lors du désamiantage.
Vous affirmez pourtant, Madame la Ministre, que ce chantier s’effectuera dans le respect de la réglementation française !

Comment pourrions nous croire sérieusement un instant que les ouvriers de la Baie d’Alang recrutés à plus de 1000 Km de là, payés à la journée et qui acceptent ces travaux dangereux pour tenter d’échapper à la misère la plus totale, bénéficieront de protections et de suivis médicaux équivalents aux travailleurs français ?
Nous savons tous que le chantier indien de recyclage des navires est totalement informel, qu’il ne tient sa relative rentabilité que par des salaires extrêmement bas et des conditions de sécurités absolument minimales et non contrôlées. Même si quelques améliorations ont vues le jour grâce aux interventions des syndicats indiens et de la Cour suprême.

Ce constat n’est du reste pas une offense exclusive à l’Etat indien, et là je reprends vos propos, puisque la société SDI chargée des travaux en inde n’est autre que la filiale du géant de l’acier Allemand Thyssen Group !
Madame la ministre, l’affaire du Clemenceau en annonce beaucoup d’autres ! Pendant des dizaines d’années la construction navale a utilisé des milliers de tonnes d’amiante, toute la flotte doit être à l’image du Clemenceau. Nous connaissons aujourd’hui, après avoir tant tardé à décréter son interdiction, le prix à payer en maladies et en vies humaines. 3000 par an, 100.000 morts annoncés d’ici 2025.

C’est la raison pour laquelle les associations de défense des victimes, celles de l’environnement vous alertent avec tant d’insistance. Elles sont animées par le « plus jamais ça » (je cite les veuves de Dunkerque) et se sentent solidaires des travailleurs indiens.

Ne pensez-vous pas, Madame la Ministre, comme elles le proposent, qu’il serait plus judicieux, pour affronter une situation lourde et difficile, de s’orienter vers un projet industriel innovant français ou européen pour le traitement et le recyclage de l’ensemble des navires marchands ou nationaux mais également des voitures, motrices ou citernes de la SNCF et de la RATP.

Car enfin, ne sommes nous pas en capacité dans notre pays et en Europe, de réunir toutes les conditions pour créer une véritable filière industrielle susceptible de répondre aux exigences de sécurité des travailleurs et de l’environnement. Nous disposons, même s’il convient de les améliorer encore, de l’expertise, des compétences, des dispositifs de prévention et des mesures de contrôle médicales et techniques qui permettraient de répondre aux très nombreux chantiers de désamiantage à venir.
Alors que la commission européenne rappelle, par son commissaire à l’environnement, que nous sommes tenu par la directive européenne sur le transport des matières dangereuses, qui intègre la convention de Bâle, et qu’elle précise en outre qu’il ne saurait y avoir de dérogation militaire.

Alors que la France est passible de sanction pour violation des lois communautaires, comment l’Etat français peut-il s’obstiner encore dans cette voie catastrophique ?
Avant que la cour suprême indienne le 13 février, ne rende sa réponse quant à l’accueil du Clemenceau dans la Baie d’Alang, pourquoi ne prenez vous pas la décision de rapatrier le Clemenceau ?

Je vous demande solennellement, Madame la Ministre, de bien vouloir nous éclairer sur les dispositions concrètes que le gouvernement envisage de prendre pour assurer la pleine sécurité du désamiantage et du démantèlement du Clemenceau dans le respect intégral des règles européennes et internationales de protection des ouvriers et de l’environnement.

Réponse de Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de la défense

Je voudrais d’abord remercier Mme Demessine de me poser cette question qui me permettra de répondre sur un sujet où, derrière les positions, se cache plus d’intérêt personnel que d’honnêteté intellectuelle. Je me ferai donc un plaisir, madame Demessine, de répondre point par point aux questions que vous avez soulevées.

Tout d’abord, il reste à bord du Clemenceau 46 tonnes d’amiante, soit moins de 0,2 % de la masse totale, ce qui correspond à des parties du navire qui ne peuvent être touchées sans mettre en cause sa navigabilité. L’estimation initiale était de 220 tonnes, mais l’analyse a permis de déduire que les 59 tonnes de matériaux contenues dans la cheminée étaient en fait du verre filé, et non pas de l’amiante.

Du chantier de désamiantage à Toulon sont parties 115 tonnes, selon les propres estimations de la société Technopure.

Il n’y a pas d’amiante dans les dalles de sol et les ciments des planchers. Ce fait est prouvé par une analyse d’expert, madame Demessine.

Certains cadres du chantier indien ont été formés en France. Environ trente ouvriers seront employés pour le désamiantage. Ils seront formés par les cadres indiens, eux-mêmes formés en France, et aidés par les ingénieurs des sociétés françaises qui ont réalisé le chantier de Toulon. C’est la première fois qu’est mis en place un tel suivi de la société qui est intervenue sur le désamiantage préalable.

La sécurité du démantèlement du Clemenceau sera pleinement assurée parce que le chantier indien a été choisi pour sa qualité, je rappelle qu’il est en norme iso, et pour sa capacité à mettre en oeuvre les techniques de désamiantage avec l’aide des sociétés françaises.

Les normes techniques de désamiantage françaises seront appliquées là-bas. Le matériel de protection individuel et collectif des salariés sera envoyé de France. Ce sera donc le même matériel que celui qui est utilisé chez nous.

Bien sûr, un plan de retrait amiante sera établi après l’arrivée du navire.

En outre, il est faux de dire qu’il n’y aura pas de suivi médical des salariés indiens. Un suivi médical des opérateurs sera mis en place. Il prévoit un examen médical initial - radio pulmonaire, biométrie - pour chacun des cadres et ouvriers travaillant en zone amiante. Un examen à la fin du chantier sera pratiqué une année après. De même, est prévue la traçabilité des durées d’exposition des travailleurs.

Le cahier des charges cité correspond à un contrat passé avec la société espagnole GDRS.

Vous vous souvenez sans doute que ce contrat avait été rompu après que nous nous fumes aperçus que la société envoyait la coque vers la Turquie et non vers l’Espagne, comme cela était prévu initialement

S’agissant du caractère proprement technique de cette opération, il est inexact de dire que le désamiantage du Clemenceau en Inde ne correspond à aucune nécessité. En effet, il n’existe aujourd’hui en Europe aucun chantier capable d’effectuer ce travail ; d’ailleurs, vous le reconnaissez vous-même, madame la sénatrice.

Quant au respect des réglementations française et internationale, le Clemenceau ne saurait être considéré comme un déchet. En tant que navire de guerre, il peut parfaitement être exporté et je vous signale, au passage, qu’il a navigué pendant des années, comme bien d’autres navires. Ce point a été confirmé par la justice, madame Demessine, et reconnu par les autorités égyptiennes qui avaient soulevé le problème à un certain moment.

Le projet Clemenceau respecte donc les instructions de principe de l’Organisation maritime internationale et de l’Organisation internationale du travail qui ont été fixées pour le démantèlement du navire, à savoir, d’une part, l’engagement des États propriétaires et, d’autre part, le respect de la sécurité des travailleurs.

Enfin, je tiens à vous préciser qu’un expert indépendant contrôlera, sur le chantier, le respect des normes européennes spécifiées dans le contrat et qu’il en rendra compte à l’État français, qui demeure, je le rappelle, propriétaire du navire jusqu’à la fin du désamiantage.

Il est vrai, madame Demessine, que beaucoup de navires militaires et surtout civils doivent aujourd’hui être démantelés dans le monde. Je tiens à faire remarquer que l’État français a fait dans ce domaine bien plus que n’importe quel autre détenteur de navires militaires ou civils

C’est la raison pour laquelle il me semble que nous devons faire très attention à l’aspect méprisant de certains propos qui pourraient être émis à l’encontre d’un grand pays qui se situe, en outre, à la pointe du modernisme dans un certain nombre de secteurs, je veux parler de l’Inde, pays qui se montre aujourd’hui soucieux de créer une filière moderne pour répondre à un problème qui concerne non pas simplement la France ou l’Europe, mais le monde entier.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je voudrais remercier Mme la ministre de sa réponse complète et détaillée.

Cela étant dit, je ne vois pas à quel intérêt personnel elle fait référence.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je vous le dirai en privé !

Mme Michelle Demessine. J’ai bien noté toutes les précisions qui ont été apportées par Mme la ministre, même si j’ai quelques doutes.

Quoi qu’il en soit, je continuerai à suivre avec beaucoup d’attention ce problème. S’il était si aisé de garantir la sécurité nécessaire à une telle distance et avec des interlocuteurs au contact desquels nous ne serons pas en permanence, je croirais bien volontiers Mme la ministre.

Un rapport du Sénat a montré que plus des trois quarts des entreprises de désamiantage situées en France ne respectaient pas la réglementation. Le ministère du travail est obligé d’intervenir très sérieusement afin de faire respecter les conditions de sécurité sur ces chantiers dans notre pays.

Par conséquent, nous allons faire tout notre possible pour qu’il soit remédié à cette situation.

Je veux bien croire à votre optimisme, madame la ministre, mais je ne le partage pas entièrement.

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