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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Il faut plus d’écoles maternelles, et de meilleure qualité !

Jardins d’éveil -

Par / 21 octobre 2009

Monsieur le président, madame la secrétaire d’état, mes chers collègues, voilà un an, était publié, au Sénat, un rapport d’information sur l’accueil des jeunes enfants, issu des travaux du groupe de réflexion conduit par Mme Papon et M. Martin, et auquel j’avais participé.

Ce rapport, dont j’avais alors dénoncé les conclusions, ainsi qu’une partie du constat qu’il dressait, préconisait la création de « jardins d’éveil » et, de fait, la fin de la scolarisation des enfants de deux ans. Cette proposition était dans l’air du temps, puisque, quelques mois plus tôt, Mme Michèle Tabarot, député UMP, proposait, elle aussi, de créer une nouvelle structure, « le jardin d’éveil ».

Ces deux rapports ont donc apporté de l’eau au moulin du ministre Xavier Darcos, hostile à la scolarisation des enfants de deux ans. Ses propos sur les enseignants des écoles maternelles avaient traduit, outre le mépris (Mme la secrétaire d’État fait un signe de dénégation), une profonde méconnaissance du travail de ceux-ci. Pourtant, lors de la visite d’une classe de très petite section de l’école maternelle Grésillons située à Gennevilliers, notre groupe de réflexion avait été le témoin privilégié du travail formidable et passionnant qu’ils réalisent. Malheureusement, ces classes se raréfient du fait de la diminution constante, depuis 2000, de la scolarisation des enfants de deux ans.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la décision du Gouvernement d’expérimenter 8 000 places en « jardins d’éveil » payants à destination des 2-3 ans, avec l’objectif de créer au moins 200 000 offres de garde supplémentaires d’ici à 2012, un objectif qui ne cesse d’ailleurs d’être revu à la baisse, puisque vous aviez annoncé, en 2008, madame la secrétaire d’État, 350 000 places d’ici à 2012. Entre-temps, la promesse de campagne de Nicolas Sarkozy de garantir aux parents, d’ici à la fin de son quinquennat, un « droit de garde opposable » est passée à la trappe !

Pour justifier la création de cette nouvelle structure, vous parlez d’une « diversification des solutions d’accueil ». Pourtant, celles-ci ne manquent pas : accueil individuel chez les assistantes maternelles, accueil collectif en établissements, avec les crèches traditionnelles, parentales ou de personnel, les haltes-garderies, les jardins d’enfants, les établissements multi-accueil, les crèches familiales, les micro-crèches même, créées à titre expérimental en 2007 dans les zones rurales et pour lesquelles vous avez assoupli les règles d’encadrement en matière de personnel !

On ne peut donc pas parler de « pauvreté » en termes de structures d’accueil. Non, ce qui fait défaut, c’est bel et bien le nombre de places offertes : 200 000 à 400 000 selon les estimations ! L’objectif des 75 000 places nouvellement créées entre 2000 et 2007 n’a pas été atteint ; seules 32 280 places seront créées d’ici à 2011.

De plus, au regard des structures déjà existantes, je m’inquiète du fait que le jardin d’éveil ne remplira que des conditions a minima au niveau de l’encadrement, alors que l’amplitude horaire sera semblable à celle d’un établissement d’accueil du jeune enfant.

En effet, le taux d’encadrement défini est flou, mentionnant « une fourchette de 8 à 12 enfants pour un adulte, selon les moments de la journée et les coopérations possibles avec d’autres structures d’accueil ». Soit seulement 2 adultes pour 24 enfants ! Dans les crèches, le ratio est de 1 adulte pour 5 enfants qui ne marchent pas et de 1 adulte pour 8 enfants qui marchent.

Quid de l’encadrement au moment des repas ? La lettre circulaire évoque, sans plus de précision, que « l’organisation des plannings devra permettre de renforcer le personnel au moment du repas ». Quid aussi des liens avec la PMI, la protection maternelle et infantile ? De même, se pose la question des locaux, mais j’y reviendrai ultérieurement.

Tous ces éléments expliquent sans doute les raisons pour lesquelles les candidats ne se sont pas bousculés depuis l’appel à candidatures lancé en avril dernier.

Cette nouvelle structure, nous dites-vous, madame la secrétaire d’État, doit aussi être une réponse « aux contraintes et aux besoins des parents et des territoires ». Mais en quoi une structure réservée aux seuls 2-3 ans répondra-t-elle aux besoins des parents ?

Quand les deux parents travaillent, le problème du mode de garde se pose non pas à partir de deux ans, mais dès les premiers mois suivant la naissance. En France, les deux tiers des enfants âgés de moins de six ans ont deux parents actifs. Parmi ces couples, 36 % des mères travaillent à temps partiel : 23 % d’entre elles souhaiteraient travailler davantage et 13 % sont à temps partiel par manque de place dans les structures d’accueil ou en raison du coût de la garde.

De plus, pourquoi créer une nouvelle structure à destination des seuls 2-3 ans, alors même que l’école maternelle se fait fort, depuis le début de sa création, d’accueillir ces enfants, du moins si on lui en donne encore les moyens ! Car, derrière la mise en place des jardins d’éveil, c’est bien de cela qu’il est question !

Nous le savons tous, la scolarisation des deux ans est en chute libre, non pas parce que les parents lui sont devenus hostiles, mais parce que les écoles, faute de moyens, de personnels suffisants et de places disponibles, sont sous l’effet de la reprise démographique : plus il y a d’enfants âgés de 3 à 5 ans à scolariser et plus, mécaniquement, l’offre de scolarisation des 2 ans en pâtit. De plus, les statistiques dont nous disposons montrent une disparité extrême entre les territoires.

Aujourd’hui, le phénomène d’éviction de la scolarisation des enfants de deux ans, combiné aux restrictions budgétaires, touche aussi les 3 ans nés en fin d’année.

Il résulte de cette situation un transfert du financement de l’accueil de ces enfants vers les collectivités territoriales, les caisses d’allocations familiales et les familles. En effet, pour le Gouvernement, et le ministère de l’éducation nationale, ce sont autant de postes économisés en maternelles – on évoque le chiffre de 10 000 postes – pour accueillir cette tranche d’âge !

Cette évolution est pourtant jugée « peu cohérente au regard de la bonne utilisation de l’argent public » par la Cour des comptes dans son rapport 2008 sur les comptes de la sécurité sociale. En effet, le coût moyen d’un enfant scolarisé en école maternelle est trois fois moins élevé que celui d’un enfant placé en crèche. Pour le jardin d’éveil, le prix de revient annuel ne devrait pas dépasser, en moyenne, 8 000 euros, une somme prise en charge par les CAF, ou caisses d’allocations familiales, le porteur de projet et les familles en fonction de leurs revenus. S’amplifie donc ici un peu plus le mouvement actuel de transfert de financement.

Car nous sommes là dans une logique purement comptable, guidée par la RGPP, la révision générale des politiques publiques. D’ailleurs, la boucle est bouclée, puisqu’il est prévu d’installer les jardins d’éveil dans des « locaux communaux », afin, dites-vous, madame la secrétaire d’État, « d’optimiser les moyens existants ». Surtout quand il s’agit des moyens des écoles maternelles ! Sinon, de quels bâtiments parlons-nous ? Des centres de loisirs ? Ils sont souvent installés dans les écoles. Des crèches familiales gérées par les municipalités ? Au maximum de leur capacité, comment pourraient-elles accueillir de nouveaux enfants ?

Que verrons-nous alors ? Des écoles maternelles publiques fermées pour faire place à des jardins d’éveil payants, qui ne remplaceront en aucune façon la maternelle, ni même la crèche au niveau de la conception des besoins éducatifs du petit enfant ?

Dans mon département, les Hauts-de-Seine, la municipalité de Levallois-Perret a été, vous le savez, mes chers collègues, « précurseur » en la matière.

Dès 2005, elle a ouvert trois « jardins de découverte », gérés par la caisse des écoles et implantés dans les locaux des centres de loisirs maternels. Parallèlement, la mairie a annoncé la fermeture d’une école maternelle et de deux classes dans une autre. Bilan : une baisse continue du nombre de places et de classes dans les écoles maternelles publiques. Celles-ci sont passées de 87 en 2004 à 78 à la rentrée 2009 avec, pour conséquence directe, une remontée des effectifs dans toutes les écoles.

Par ailleurs, pour justifier la création de ces jardins d’éveil, vous expliquez que l’enfant de deux ans, qualifié de « bébé », n’a pas sa place à l’école maternelle. Vous citez certains experts, mais d’autres affirment le contraire. Des études attestent effectivement les effets positifs de la scolarisation précoce sur la scolarité, même si, il faut le reconnaître, ceux-ci s’amoindrissent dans le temps.

Je crois, pour ma part, que l’accès à la maternelle des enfants de deux ans doit absolument rester une possibilité offerte aux parents, en fonction des enfants, de leur maturité, du cadre familial... De nombreux travaux ont montré que beaucoup de choses se jouent chez l’enfant entre deux ans et quatre ans. C’est une période d’intense activité et d’acquisition au niveau du langage, de la pensée logique, de la construction de la personnalité, de la conscience de soi dans la relation aux autres ; c’est un moment propice aux apprentissages durant lequel des mécanismes peuvent – ou non – se mettre en place.

L’école maternelle a donc un rôle formidable à jouer : c’est là que l’enfant apprend à apprendre, apprend à devenir « élève », et l’on sait l’importance que cela a dans son devenir scolaire.

Cependant, la question des tout-petits n’est que l’un des éléments de la réflexion concernant la maternelle. En effet, cet outil précieux qu’est la maternelle ne demande qu’à être amélioré pour réduire les inégalités, et non pour créer de l’inégalité scolaire. Il faut, tout au contraire, relancer l’école maternelle, ce qui implique de s’interroger sur les effectifs, la classe, les locaux, les rythmes, les pédagogies employées, mais cela suppose de garantir aux enseignants une formation de haut niveau, spécifique, initiale et continue en liaison avec la recherche.

Enfin, il faut assurer une complémentarité avec un service public de la petite enfance de zéro à deux ans. Ce lien entre les structures d’accueil et les écoles a existé, mais il s’amenuise, quand il n’a pas totalement disparu, faute, là encore, de moyens. Il ne faut donc pas moins d’écoles maternelles, mais plus d’écoles maternelles, et de meilleure qualité !

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