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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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L’IVG garde une place fragile dans notre système de santé

Politique de contraception et d’interruption volontaire de grossesse -

Par / 15 juin 2010

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord féliciter notre collègue Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes, d’avoir pris l’initiative de cette question orale avec débat sur un tel sujet, tant les enjeux en la matière sont importants.

Ces enjeux auraient à mon sens mérité d’être discutés dans l’hémicycle ; mais sans doute, s’agissant d’une question qui concerne uniquement les femmes, cette salle Médicis a-t-elle été jugée suffisante ! (Protestations sur certaines travées de l’UMP.)

Cependant, mes chers collègues, ne vous y méprenez pas ! Je ne suis pas contre la tenue de cette séance, car, comme le note l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans son rapport publié en octobre dernier, « l’IVG est loin d’être un élément exceptionnel dans la vie des femmes ».

Exceptionnelles, en revanche, sont les difficultés pour les femmes d’accéder à cette « composante structurelle de la vie sexuelle et reproductive », comme le souligne également ce même rapport de l’IGAS. Et que dire de l’accès à la contraception pour tous et des moyens de la gynécologie médicale, axes pourtant majeurs de la prévention des grossesses non désirées !

Certes, des évolutions législatives et réglementaires, dont nous avons d’ailleurs pu débattre ici, ont permis de réels progrès ces dix dernières années. Malgré tout, alors que 40 % des femmes y ont recours dans leur vie, l’interruption volontaire de grossesse garde une place fragile dans notre système de santé.

Les raisons ? Toujours selon le rapport de l’IGAS déjà cité, l’un des premiers obstacles rencontrés par les femmes est l’accès difficile à des structures réalisant de tels actes. Le maillage territorial en la matière est loin d’être assuré, et les disparités régionales demeurent fortes.

Psychologiquement difficile, la décision d’interrompre sa grossesse peut se révéler pour une femme, selon son lieu de résidence, un parcours véritablement semé d’embûches. L’Île-de-France est particulièrement touchée par ces difficultés. Le nombre d’IVG y reste très élevé, avec un taux de recours de 19 pour 1 000 femmes – contre 14 pour 1 000 femmes en régions –, soit, selon la Statistique annuelle des établissements de santé, 56 255 IVG pratiquées en Île-de-France en 2006. Or cette région connaît une diminution importante des établissements pratiquant cet acte : alors qu’on en comptait 176 en 1999, il n’en reste désormais que 124 pour toute l’Île-de-France, dont six ne réalisent que des interruptions thérapeutiques de grossesse. L’un de nos collègues a cité précédemment les chiffres nationaux.

Je ne m’attarderai pas à énumérer des chiffres ni à faire la distinction entre établissements privés et établissements publics : le désarroi de toutes ces femmes montre, mes chers collègues, combien la situation est catastrophique dans notre région, où la demande est pourtant en constante augmentation.

L’offre se réduit tellement que certaines femmes des départements franciliens sont contraintes de se tourner vers des établissements des départements voisins, pourtant eux-mêmes déjà fortement affectés par le manque de places. Ainsi, 30% des Val-de-Marnaises ayant choisi d’interrompre leur grossesse ont dû se diriger, faute de places disponibles, vers des structures des départements limitrophes.

De plus, alors qu’aucun centre ne pratique l’IVG médicamenteuse, l’hôpital Jean-Rostand d’Ivry-sur-Seine a fermé ses portes, et l’hôpital intercommunal de Créteil est surchargé. Il ne reste donc plus que trois établissements publics pour réaliser des IVG dans un bassin de population dense où la demande va croissant. Pour les Val-de-Marnaises, le repli vers des établissements privés est loin d’être assuré puisque seuls cinq établissements sont répertoriés, mais ont souvent peu de places disponibles.

Madame la ministre, quand allez-vous cesser de fermer les yeux sur les menaces très graves qui pèsent sur l’accès à l’avortement et à la contraception ? Faut-il vous rappeler l’obligation légale d’organiser l’offre de soins en matière d’avortement à l’hôpital public et l’indispensable présence de centres IVG partout sur le territoire ?

Mes chers collègues, je suis certaine que l’état des lieux de l’accès à l’avortement dans mon département n’est pas différent de celui que l’on pourrait dresser dans le vôtre et que les associations œuvrant en la matière, tel le Planning familial, vous ont déjà alertés sur leurs difficultés.

Dans une entrevue récente, Mme Simone Veil, à qui nous, les femmes d’aujourd’hui, devons en partie notre liberté de choix, s’est dite inquiète de la situation actuelle !

Il est inutile de se poser longuement la question du pourquoi de cette inquiétude, tant la réponse est évidente. La réforme de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris à laquelle il est procédé dans la loi hôpital, patients, santé et territoires et, plus largement, la politique actuellement menée sont les principales sources de l’inquiétude des professionnels de santé ou des militants associatifs.

La restructuration de ces services dédiés aux femmes ne peut pas s’effectuer selon des critères de rentabilité financière, dont l’application a des conséquences trop nombreuses : fermeture de centres ou de services spécialisés, refus de pratiquer la méthode chirurgicale faute de blocs opératoires disponibles, difficultés pour recruter des médecins, multiplication du recours aux IVG médicamenteuses sans accompagnement suffisant…

Par exemple, l’Est parisien, notamment le XXe arrondissement, où se situe l’hôpital Tenon, est particulièrement touché par l’application de la loi HPST. Cet arrondissement d’origine sociale et géographique variée n’a plus de centre IVG. Les femmes sont donc dirigées vers l’hôpital Saint-Antoine, situé dans le XIIe arrondissement – mais sa maternité et son centre IVG vont fermer au début de l’année prochaine ! –, et vers l’hôpital Trousseau, qui est en pleine restructuration et dont on ne sait pas s’il aura les moyens de répondre à toutes les demandes.

De ce fait, les délais s’allongent, ce qui fait courir des risques inacceptables aux femmes !

Par ailleurs, ces centres IVG sont trop souvent regroupés dans les services de gynécologie-obstétrique où l’IVG, considérée comme non rentable, est loin d’être une activité prioritaire.

Mes chers collègues, comment ne pas songer à la souffrance et à la détresse de toutes ces femmes qui souhaitent interrompre leur grossesse et sont contraintes de patienter dans des salles d’attente dont les murs sont tapissés de photos de nourrisson ou de conseils aux futures mères !

Pourtant, le rapport de l’IGAS indique « qu’une offre de qualité, respectant le choix éclairé des femmes, exige un lieu dédié, une équipe formée et des temps de blocs opératoires réservés ».

Ces recommandations sont plutôt aujourd’hui à contre-courant de la tendance du Gouvernement de mutualiser les moyens et les personnels pour comprimer les coûts. Le rapport de l’IGAS reconnaît aussi que, « en l’absence d’un responsable impliqué et influent, l’orthogénie tend à se voir reléguée à un moindre niveau de priorité ».

Fragile, soumise aux pressions économiques des établissements et des actions anti-IVG, l’interruption volontaire de grossesse demeure encore et toujours, quarante ans après sa légalisation, un parcours d’obstacles, et l’application de son droit est loin d’être garanti à toutes les femmes qui le souhaiteraient !

Les premières victimes du désengagement du secteur public, notamment de l’AP-HP, et de leur déresponsabilisation en la matière, sont, une fois encore, les femmes les plus précaires. Parmi elles figurent les jeunes majeures, qui représentent 25 % des IVG en Île-de-France. Dépendant de la sécurité sociale de leurs parents, elles sont restreintes à l’offre publique si elles souhaitent la confidentialité, et sont, de ce fait, plus que les autres, confrontées au manque de places.

Les femmes qui ne sont pas affiliées à la sécurité sociale ne peuvent également s’adresser qu’aux hôpitaux publics, déjà surchargés, pour bénéficier d’une aide médicale ponctuelle par les services sociaux.

Une autre zone d’ombre soulignée par l’IGAS concerne les mineures, qui représentent pourtant, dans la région parisienne, 5 % des avortements, et ce pourcentage ne cesse d’augmenter.

Malgré la loi du 4 juillet 2001, qui permet aux jeunes filles ayant un dialogue difficile avec leurs parents de déroger à l’autorisation parentale, certains anesthésistes refusent d’intervenir sur des mineures en l’absence de cette autorisation. Qui plus est, certaines d’entre elles se voient également demander le paiement d’un examen complémentaire de sang ou une autre échographie. Ces jeunes filles se retrouvent, de fait, dans des situations complexes, alors qu’elles traversent déjà des moments délicats et doivent prendre des décisions difficiles et lourdes de conséquences pour leur vie future de femme.

Madame la ministre, quelles solutions comptez-vous apporter à ces jeunes filles ou à ces femmes en souffrance ? Si l’accès à l’avortement est un parcours d’obstacles, quelle épreuve ce doit être pour les plus précaires de nos concitoyennes ! Je ne puis m’empêcher d’imaginer l’angoisse de ces femmes qui se heurtent à la démobilisation de l’État dans ses obligations à mettre en œuvre les moyens adéquats. L’absence de prise en charge de ces patientes, qui découle d’un manque de moyens financiers pour le fonctionnement de ces structures, porte un coup indéniable à « cette liberté existentielle » pour les femmes, une liberté dont le volet de la prévention est loin, très loin, d’être suffisant !

De récentes études ont montré une corrélation entre les actions de sensibilisation et de prévention et la diminution du taux de recours à l’IVG, notamment auprès des plus jeunes. Or le droit à la contraception n’est toujours pas un libre choix possible, car, bien souvent, la méthode la plus adaptée est la plus chère et n’est pas remboursée.

La contraception est un droit fondamental des femmes, mais, aujourd’hui, le choix de cette contraception est souvent effectué en fonction de son coût.

Alors que la loi prévoit le remboursement de la contraception, il reste beaucoup à faire pour que ce remboursement concerne tous les contraceptifs connus, notamment les plus récents. La liberté de chacun de choisir librement sa sexualité et de disposer de son corps ne doit pas servir uniquement au profit des laboratoires pharmaceutiques. Là encore, les associations compétentes déplorent le manque de moyens mis à leur disposition. L’information des femmes est une donnée essentielle pour prévenir les grossesses non désirées.

Dans le Val-de-Marne, par exemple, la permanence téléphonique régionale « Info IVG Contraception » a reçu 770 appels l’année dernière. Mes chers collègues, en matière de contraception, combien de jeunes, filles ou garçons, sont aujourd’hui mal informés ?

Madame la ministre, alors que vous n’avez de cesse de déplorer le coût financier de la santé, quelles mesures comptez-vous prendre pour sensibiliser nos concitoyens sur l’accès à une contraception choisie ? Et, surtout, quelles dispositions comptez-vous mettre en place pour rendre effectif et total le remboursement des moyens de contraception ? Il ne s’agit pas simplement de lancer une campagne à grand coup de communication, à l’instar de celle qui fut lancée pour l’année 2010, déclarée « année de lutte contre les violences faites aux femmes », mais dont les actions concrètes et utiles se font encore attendre !

Aujourd’hui, le manque de moyens financiers accordés à la prévention, comme au respect du droit à l’avortement, est, dans notre pays, un exemple des nombreuses injustices sociales subies par les femmes !

Depuis les lois Neuwirth et Veil, la contraception et le droit à l’IVG sont facteur d’une liberté indiscutable et primordiale pour les femmes, constitutive d’une société égalitaire. Mais, pour être effectifs, ces droits doivent être garantis !

À cet égard, le rapport de l’IGAS démontre que les centres IVG offrent aux femmes mineures comme majeures qui font appel à leurs services un accès libre et gratuit à l’avortement et à la contraception, ainsi qu’un service d’écoute, d’information et de prévention. Ces centres, qui sont un outil nécessaire et fondamental dans l’animation du droit à la contraception, jouent donc un rôle essentiel en matière de santé publique et de droit à une sexualité sans risque.

Cette question est pour moi, au nom du groupe CRC-SPG, l’occasion de déplorer la politique de santé qui est actuellement menée. Aussi aimerais-je savoir, madame la ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour veiller au maintien des structures existantes et au développement de nouveaux centres IVG afin de garantir, partout dans notre pays, le droit à l’avortement.

Par ailleurs, que comptez-vous faire des conclusions rendues par l’IGAS et quels moyens financiers allez-vous mettre en place pour répondre aux préconisations formulées dans son rapport et aux attentes légitimes des femmes et des associations ?

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