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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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L’Union européenne face au terrorisme

Par / 6 novembre 2001

par Nicole Borvo

Dès le 21 septembre, le Conseil européen extraordinaire « justice et affaires intérieures » devait présenter un plan d’action visant notamment à exposer les principes directeurs de cette lutte, via une coopération policière et judiciaire renforcées, le développement des instruments juridiques internationaux, la lutte contre le financement du terrorisme, le renforcement de la sécurité aérienne et une coordination de l’action globale de l’Union Européenne.

En particulier, il était fait référence aux deux décisions-cadre présentées par la commission européenne tendant, l’une à l’adoption d’une définition commune du terrorisme et l’autre à l’institution d’un mandat d’arrêt européen qui se substituerait au système actuel d’extradition. Ce sont ces deux propositions que se sont concentrés les débats depuis la fin du mois de septembre jusqu’au sommet de Gand

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L’initiative de notre collègue FAUCHON s’inscrit dans cette perspective. Sauf que, et c’est là que le bât blesse, il ne s’agit pas ici tant de s’interroger sur la politique européenne de lutte contre le terrorisme que de, je reprends l’intitulé de la question, débattre des « instruments de l’Union européenne nécessaire à une lutte efficace contre le terrorisme ».

Cet intitulé est tout à fait symptomatique de la démarche entreprise : au nom de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme, c’est en réalité à une accélération du processus d’intégration policière et judiciaire au plan européen que l’on souhaite aboutir.

Or, cette question mérite d’être discutée car elle va bien au-delà du simple objectif affiché de lutte contre le terrorisme.

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Il ne s’agit pas ici pour nous de contester la nécessité d’une approche pluri- étatique cohérente, mais le problème est d’en avoir la volonté politique. Dès 1995, nous avions les éléments nécessaires et il est préoccupant de voir qu’il a fallu les tragiques évènements du 11 septembre pour y venir.

C’est d’ailleurs pourquoi, nous sommes favorables à une coopération accrue. Je pense en particulier à la lutte contre le financement du terrorisme, à l’heure où nous savons le lien qu’entretient le terrorisme avec les mouvements de capitaux, via notamment les paradis fiscaux offshore. De la même manière, nous l’avions dit lors de la discussion ici même des résolutions tendant à la création d’Eurojust, nous sommes pour une harmonisation accrue des droits pénaux des Etats.

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Quant à aller plus loin dans le sens de l’intégration, nous ne pouvons que renouveler ici un certain nombre des craintes déjà exprimées lors du débat de mars dernier sur la proposition de résolution relative à la création d’Eurojust.

Tout d’abord, les initiatives actuelles révèlent des déficits d’engagement de l’Europe sur le plan politique. Le débat technique autour des mérites du mandat d’arrêt européen et de la définition du terrorisme ne peut qu’en souligner les manques alors que le débat est largement confisqué par la commission et le conseil européen, le Parlement européen n’ayant qu’une part limitée.

Les termes même du débat, tels que l’Europe la pose, tels que vous les posez, monsieur Fauchon, ne peuvent que me conforter dans les réserves exprimées par mon groupe lors du débat sur la sécurité quotidienne.

Avancer dans le sens d’un espace judiciaire intégré exclusivement sous l’angle de la sécurité et d’efficacité de la lutte anti-terroriste me semble dangereux.

On peut craindre en effet qu’une telle démarche ne serve à légitimer des mesures qui n’ont pas grand chose à voir avec le terrorisme mais beaucoup à voir avec la libre circulation, -ce qui n’est pas tout à fait la même chose, vous en conviendrez avec moi.

Je ne veux pas oublier par exemple qu’en 1986, en pleine période d’attentats terroristes, le rétablissement des visas en direction du Magreb et de l’Afrique noire devait être provisoire mais n’a jamais été remis en cause, sans que la lutte contre le terrorisme en ait forcément gagné en efficacité !

Aujourd’hui derrière un certain nombre de propositions se profile la logique de Schengen de contrôle des flux migratoires non seulement illégaux mais légaux.

La rhétorique sécuritaire devient aujourd’hui dominante à un point tel que de « l’espace de liberté, de sécurité et de justice » voulu par le traité d’Amsterdam et le sommet de Tampere, risque de ne devenir qu’un « espace de sécurisation », largement fictive d’ailleurs. Comme l’a dit mon collègue Robert BRET, en ouverture du colloque qui s’est tenu ici ce week-end sur Frontières et zones d’attentes, « ce n’est pas parce que nous maîtriserons les flux migratoires que nous maîtriserons les terroristes ».

Quid des initiatives tendant à revivifier les relations euro-méditerranée, des coopérations Nord-Sud qui viseraient réellement au développement des pays concernés, sans paternalisme ni appropriation des richesses largement spoliées par une économie libérale qui en a détruit les assises économique, sociales et culturelles ? Quid de l’annulation de la dette de ces pays ? N’est-ce pas là que devrait se situer le coeur de la lutte contre le terrorisme ? L’Europe n’a-t-elle pas ici à jouer un rôle tout particulier en direction du monde arabe ? Je déplore vivement que cet aspect de la lutte reste en retrait. C’est bien dans ce domaine, comme celui d’une intervention politique au Moyen-Orient, celui de l’embargo contre l’Irak que l’Europe manque

Au sommet de Gand, à l’appel de la Confédération européenne des Syndicats, des voix se sont ainsi élevées pour réclamer une « Europe des solidarités » en soulignant que la guerre contre le terrorisme ne doit pas être une guerre contre les pauvres.

A l’heure où la situation internationale risque d’entraîner un flux important des réfugiés, prenons garde à ce que les mesures visant à renforcer la sécurité ne vienne restreindre le droit à la protection des ces victimes.

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Quant aux deux instruments fondamentaux que constituent la définition commune du droit d’asile et l’institution d’un mandat d’arrêt européen, je souhaiterais faire plusieurs remarques.

La volonté d’éviter toute impunité des personnes coupables de crimes graves et de réprimer partout en Europe des comportements qualifiables unaniment de « terroristes » ne peut qu’avoir notre faveur.

Ce qui nous gêne ici, c’est qu’une fois de plus on avance dans le sens de l’espace judiciaire européen, sans se poser la question du contrôle démocratique, comme si la légitimité de l’objectif anti-terroriste justifiait qu’on fasse l’impasse sur un élément aussi fondamental.

L’exemple d’Europol est édifiant qui a vu ses compétences se développer au nom de la lutte contre la criminalité, malgré un déficit de légitimité et de contrôle. J’ai en mémoire la communication de notre collègue Masson sur les lacunes du contrôle parlementaire.

Ceci devrait nous inciter à d’autant plus de vigilance quant aux inquiétudes exprimées par différentes associations dont Amnesty international. Il convient, Madame La Ministre, de veiller à ce que l’urgence dans la réponse ne conduise à une précipitation préjudiciable aux droits et libertés fondamentales. Nous comptons que vous serez particulièrement attentive à ce que les deux décisions- cadre soient pleinement conformes aux exigences d’un Etat démocratique lors de la prochaine rencontre JAI du 16 novembre.

Vous attirons spécialement votre attention sur la rédaction retenue à l’article 3.1 (f) : au titre d’infraction terroriste, il est fait référence à « la capture illicite d’installation étatiques ou gouvernementales de moyens de transport public, d’infrastructures, de lieux publics ou les dommages qui leur sont causés ». Cette rédaction, faute de précision, pourrait semble-t-il s’appliquer aux formes ordinaires de protestation pacifiques que constituent l’occupation de bâtiments ou lieux publics.

L’institution du mandat d’arrêt européen continue de se heurte à des résistances, il serait opportun qu’il soit fait mention explicite aux droits de la personne, qu’il s’agisse de rappeler les exigences de l’article 19.2 de la Charte, concernant l’impossibilité d’extrader en direction d’un pays où existe un risque sérieux de torture ou de traitements inhumains ou dégradants ; de même le respect des droits de la défense justifierait la mention des voies de recours.

C’est sur ce point que je terminerais mon intervention en réaffirmant ma conviction qu’une lutte « efficace » contre le terrorisme, comme nous y invite la question ne peut se faire aux dépends ni sans la garantie des droits essentiels de la personne humaine.

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