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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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La réalité, celle que vivent les Français, c’est la casse de leur outil de travail

Avenir de l’industrie du raffinage en France -

Par / 1er avril 2010

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trente ans, le secteur industriel a connu en France un véritable déclin. Il a déjà perdu près de deux millions d’emplois et la crise économique a encore précipité cette tendance amorcée au début des années quatre-vingt.

En laissant au marché et à la libre concurrence le soin de tout régler, en méconnaissant la valeur travail au profit du capital, nos gouvernements ont précipité, aux niveaux européen et national, le phénomène de désindustrialisation.

Les allégements de cotisations sociales, la défiscalisation des heures supplémentaires, les aides publiques accordées aux banques et aux entreprises, sans contrepartie effective, toutes les mesures prises par la droite ces derniers mois n’ont pas su répondre aux défis majeurs de la relance de l’emploi et de l’industrie.

Le Gouvernement n’a pas su endiguer les fermetures d’usines, les suppressions d’emplois, les délocalisations. Au contraire, certaines entreprises ont trouvé dans la crise prétexte pour licencier.

Dans ce contexte, le 3 septembre 2009, Nicolas Sarkozy a annoncé lors d’une visite de l’usine de l’équipementier Faurecia la tenue d’états généraux de l’industrie. Entre-temps, au début du mois de mars, l’équipementier a fait une annonce moins plaisante : celle de la fermeture, d’ici à la fin de 2010, de son site d’Auchel, dans le Pas-de-Calais, dont une partie de la production sera transférée vers des sites voisins, et la suppression de 179 emplois sur 508.

Il est urgent d’appliquer d’autres politiques. La mise en œuvre de mesures gouvernementales contre-productives a fait perdre trop de temps au pays. Durant l’année écoulée, les suppressions d’emplois, les fermetures de sites se sont multipliées. Le couperet est notamment tombé sur l’usine Continental de Clairoix, l’équipementier Molex de Villeneuve-sur-Tarn, l’unité de téléviseurs de Philips de Dreux, les usines chimiques de Celanex, dans les Pyrénées-Atlantiques, ou encore la cokerie de Carling, en Lorraine.

Depuis le début de l’année, le Gouvernement n’a rien fait pour son industrie, mais les sites continuent de fermer…

Monsieur le ministre, nous l’avons tous constaté dans nos territoires, l’emploi industriel traverse une crise profonde. Le rapport intermédiaire des états généraux de l’industrie sur le diagnostic et les enjeux prioritaires dresse un constat sans appel.

Depuis 2000, la population active industrielle a perdu 500 000 emplois. Or, depuis 2008, cette baisse n’est plus compensée par la hausse des emplois dans les services à l’industrie. La diminution de l’emploi industriel affecte tous les secteurs : les biens de consommation, les biens intermédiaires, l’automobile, les biens d’équipement, l’énergie et l’agroalimentaire. La balance commerciale de l’industrie française se dégrade.

Pour le secteur automobile, le solde exportation-importation a été négatif pour la première fois en 2008.

Le secteur manufacturier représente en France 16 % de la valeur ajoutée, alors qu’il représente 30 % de la valeur ajoutée produite en Allemagne.

Vous n’avez de cesse de citer ce pays comme modèle. La concurrence européenne a provoqué la disparition complète du secteur des machines-outils en France. Pour maintenir cet avantage, l’Allemagne a provoqué un dumping social. Selon l’OCDE, le coût de la main-d’œuvre a augmenté dans la plupart des pays en Europe, mais l’Allemagne a, elle, mis en place une stratégie de baisse des rémunérations. Est-ce le modèle vers lequel nous devrions tendre !

Le 15 janvier 2010, lors de la clôture des états généraux de l’industrie, monsieur le ministre, vous avez employé des mots très forts. Vous appelez de vos vœux une « révolution industrielle ». Vous dites qu’il faut encourager la localisation compétitive en France des outils de production et de recherche et développement. Vous souhaitez un capitalisme industriel socialement responsable. Nous attendons de voir s’il ne s’agit pas de nouveaux effets d’annonce !

Vous avez insisté sur la nécessité de renforcer l’emploi et la formation dans l’industrie. Vous avez proposé « d’ici à la fin des états généraux de travailler à la création d’une banque de l’industrie ». Que s’est-il passé depuis ? Rien !

Le 4 mars 2010, le Président de la République a évoqué les « cinq leviers d’action pour un renouveau industriel en France ». Les paroles sont séduisantes, et l’opération de communication continue…

Prenons deux exemples révélateurs de l’état d’esprit du Gouvernement et du manque de considération à l’égard des salariés et des entrepreneurs. Vous dites vouloir « mettre l’industrie au cœur d’un grand projet commun » et, à ce titre, vous affirmez vouloir revaloriser le rôle « industriel » de l’État actionnaire, en plaçant un administrateur du ministère de l’industrie chez Renault, La Poste et France Télécom.

Si vous souhaitez vraiment que les grandes « entreprises publiques s’inscrivent en cohérence avec la politique industrielle de l’État », il suffit de garantir une maîtrise publique des grands secteurs économiques. Au contraire, vous avez fait le choix de brader nos entreprises publiques, au détriment des salariés et des usagers !

Autre proposition : associer une charte de l’emploi à chaque investissement du FSI, le fonds stratégique d’investissement. Le terme « charte » ne leurre personne, sans compter que vous prenez bien soin de préciser que les exigences sociales devront être « réalistes » ! Encore des propositions a minima sans aucune force contraignante !

La réalité, celle que vivent les Français, c’est la casse de leur outil de travail. Combien de travailleurs se trouvent un beau matin à la grille de leur usine ! Combien ont vu les locaux déménagés et leur outil de travail disparaître en douce ! Ces pratiques sont intolérables et les Français ne les tolèrent plus ! Face à cela, le Gouvernement reste impuissant.

L’abstention aux élections régionales, la montée du Front national, notamment dans les régions industrielles, en sont les conséquences directes.

Dans ce contexte, l’avenir de l’industrie du raffinage, ébranlée par le désengagement des groupes pétroliers, plus particulièrement du groupe Total, apparaît bien sombre. C’est pourquoi nous avons, dès le début de l’année, sollicité ce débat.

Le secteur industriel du raffinage constitue un levier indispensable pour l’économie française. L’industrie du raffinage fait vivre des territoires entiers.

La France comptait 23 sites en 1978, elle en compte 13 aujourd’hui, du moins si le site de Dunkerque reste en fonction. La fermeture des sites de Bordeaux et Pauillac a privé le Sud-Ouest de raffineries ; si le site de Dunkerque ferme, ce sera le cas pour le Nord – Pas-de-Calais. Aujourd’hui, le site de Dunkerque est la cible mais, demain, ceux de Gonfreville, Donges, Provence, Feyzin ou Grandpuits seront visés.

Les autres compagnies pétrolières risquent de suivre la même logique : Esso, à Port-Jérôme - Gravenchon et Fos-sur-Mer, Petroplus, avec les raffineries de Petit-Couronne et Reichstett, ou enfin LyondellBasell et INEOS, avec les sites de Berre et Lavéra.

Or toutes ces raffineries sont le cœur de bassins d’emploi. Les industries de chimie de base, de parachimie, la fabrication des savons, de produits d’entretien, la pharmacie, le caoutchouc, les matières plastiques sont directement liés à l’activité de raffinage.

La fermeture de la raffinerie des Flandres, outre les conséquences dramatiques pour les familles des travailleurs concernés – 380 salariés et 450 sous-traitants directs –, aurait des répercussions très négatives sur le tissu économique, social, local et régional.

Les principales synergies avec la raffinerie des Flandres concerne de nombreux emplois : Ryssen, 46 salariés ; APF, 10 salariés et sous-traitants ponctuels ; SRD, 260 salariés, 30 intérimaires et 60 sous-traitants directs ; Lesieur, 260 salariés, 30 intérimaires et 60 sous-traitants directs ; Air liquide, 53 salariés ; Rubis Terminal, 43 salariés ; DPC, 10 salariés ; Polychim, 75 salariés et 10 sous-traitants directs ; Polimeri Europa France, 440 salariés et 250 sous-traitants directs.

Devant l’absence de coopération du groupe pétrolier pour évaluer l’incidence de la fermeture, la chambre de commerce et d’industrie du Dunkerquois a lancé une enquête. Le vice-président de la CCI a indiqué qu’ils estimaient « de 450 à 600 le nombre d’emplois directement impactés ». Ce nombre pourrait même être porté à 1 000 si l’on y ajoute les emplois induits.

Le port de Dunkerque, qui a subi de plein fouet la crise économique et celle de la sidérurgie en particulier, va être encore fragilisé. Avec 45 millions de tonnes contre 57,7 millions en 2008, le trafic du port de Dunkerque a enregistré, pour la première fois depuis dix ans, une baisse. La présidente du directoire du port a exprimé son inquiétude sur les répercussions de l’arrêt du raffinage sur l’activité du port. Total représente 20 % du chiffre d’affaires annuel du port et permettait notamment de mutualiser les coûts des services portuaires.

Le cas de la raffinerie de Dunkerque a également montré le cynisme de Total, qui avait annoncé aux salariés qu’ils seraient fixés sur leur sort après les élections. Que penser des déclarations récentes de Christophe de Margerie, directeur général de Total, qui a pris l’engagement « de ne rien faire sur les cinq autres raffineries pendant les cinq ans à venir » ? Quand on sait que la question de l’avenir d’un site de raffinage se pose techniquement tous les cinq ans, on a compris !

Quant au projet de terminal méthanier à Dunkerque, présenté comme une compensation pour les suppressions d’emplois liés au raffinage, il est en réalité ancien.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé dès la fin du mois de janvier que le pétrolier envisageait de s’associer à hauteur de 10 % à ce projet de terminal méthanier à Dunkerque, afin d’atténuer les conséquences pour l’emploi d’une éventuelle fermeture de sa raffinerie. Or, notamment pour alimenter ses centrales à gaz, EDF avait confirmé, au mois de juillet 2008, poursuivre ses études sur le projet, dont le coût est estimé à 1 milliard d’euros. L’entreprise publique a déjà retardé le calendrier de la mise en service de cet équipement, initialement prévue en 2011.

En bref, non seulement ce projet devait créer une centaine d’emplois en plus de ceux de la raffinerie, et non pallier très partiellement la fermeture du site, mais, en plus, il devrait voir le jour en 2014 !

En outre, les promesses d’activités industrielles de substitution, créées à coup d’aides publiques, ne constituent pas des solutions satisfaisantes. La proposition de création d’un centre d’assistance technique et d’une école de formation, la reconversion du site en dépôt de carburants ne suffiront pas à endiguer les répercussions économiques néfastes pour toute la zone industrielle du littoral.

Report du sort des salariés après les élections régionales, manipulations autour du projet alternatif à la raffinerie, absence d’information sur les conséquences de la fermeture sur les sous-traitants… Nous ne pouvons tolérer la malhonnêteté du groupe Total et du Gouvernement ! Nous n’abandonnerons pas les salariés face à de tels comportements !

La stratégie de Total est claire : avec ses projets de construction de dépôts ou de transformation de sites de production en dépôts, le groupe entend délocaliser ses activités industrielles situées en France et en Europe vers des pays dans lesquels les exigences sociales, salariales, environnementales et les normes de sécurité sont moindres.

Comment ne pas évoquer, au passage, un autre aspect de cette stratégie de désengagement national, qui consiste, pour le groupe, à céder ses filiales à des groupes belges ou espagnols ? C’est actuellement le cas chez GPN Mazingarbe, dans le Pas-de-Calais. Les 238 salariés concernés quitteront Total sans aucune garantie durable et en perdant leurs acquis.

Rien ne justifie la fermeture du site de Dunkerque.

L’entreprise ne perd pas d’argent. Total, sixième groupe mondial en termes de chiffre d’affaires, a réalisé des profits de 13,9 milliards d’euros en 2008 et de 8 milliards d’euros en 2009. Le problème est simple : le pétrolier ne veut pas mettre cet argent au service des besoins de l’entreprise, des salariés et du pays.

L’outil industriel n’est pas obsolète et les marchés des essences, du fioul et du gasoil n’ont pas disparu. En 2009, les raffineurs ont construit de nouveaux sites dans les régions pétrolières et les pays émergents, au Moyen-Orient et en Asie.

Quant à l’argument tiré de la fin du pétrole, il nous reste encore quelques décennies et nous devrions les mettre à profit pour préparer la reconversion industrielle. Dernièrement, le directeur général de Total a expliqué que les réserves étaient suffisamment importantes en Ouganda pour justifier que le groupe s’y installe…

Enfin, l’argument selon lequel choisir le pétrole est incompatible avec une volonté de ne pas polluer ne tient pas. Des efforts considérables sont déjà réalisés dans le secteur de la construction automobile pour économiser le carburant. On peut et on doit concilier, à long terme, le maintien de l’industrie pétrolière et les exigences environnementales.

Nous ne sommes pas encore prêts technologiquement pour vivre sans pétrole !

Le développement durable est un concept très pratique quand il s’agit de justifier des politiques socialement injustes. Le groupe Total ne se soucie pas vraiment du coût environnemental de son activité. D’ailleurs, le choix de reconversion du site n’est pas innocent : une fermeture engendre des frais et les coûts de dépollution, difficiles à évaluer, incitent souvent les industriels à reconvertir ou à vendre les sites concernés.

Sur ces sujets de l’après-industrie, du coût environnemental et, surtout, de l’impact sur la santé publique des activités industrielles, des réformes sont nécessaires. Nous avions demandé que la responsabilité des sociétés mères soit engagée pour éviter d’autres ArcelorMittal, et le Gouvernement s’était engagé à mener des démarches en ce sens lors de la Présidence française de l’Union européenne. Mais, là encore, rien ne s’est passé !

Face aux profits des grands groupes, à la rémunération de l’actionnariat, vous faites bien peu de cas, monsieur le ministre, de l’emploi et de la santé des travailleurs !

Un article du Monde daté du 23 février 2010, dans la rubrique « Élections régionales », reprend vos paroles : « Nous garantirons l’emploi des salariés de Total et la non-fermeture de la raffinerie ». Pourquoi faites-vous le contraire une fois les élections passées ? Pourquoi voulez-vous que les Français votent pour vous si vous démissionnez aussi facilement face au patronat, au nom de l’impuissance ?

Aujourd’hui, les salariés du site de Total à Dunkerque sont en lutte. Cette lutte pour travailler et produire en France, pour conjuguer emploi et intérêt de la nation, c’est la lutte de tous les travailleurs !

Les sénateurs de mon groupe soutiennent sans faille les salariés qui réclament le redémarrage des installations et la reprise de la production. Ils refusent cette dérive qui consiste à capter les profits au détriment de l’investissement et de l’emploi, et, en conséquence, demandent au Gouvernement de mener enfin une politique industrielle capable de répondre à ces enjeux.

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