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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Pendant que l’industrie tire profit de l’utilisation de l’amiante, les travailleurs, eux, la paient de leur vie !

Réforme des dispositifs « amiante » -

Par / 2 novembre 2010

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec satisfaction et une profonde humilité que nous abordons ce débat sur la nécessaire réforme des dispositifs « amiante ».

Encore aujourd’hui, d’après les dernières estimations de l’Organisation mondiale de la santé, l’amiante tue 107 000 personnes par an, soit un mort lié à l’amiante toutes les cinq minutes. En France, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, estime que ce fléau aura fait 100 000 morts d’ici à 2025. L’ampleur de la catastrophe est telle que le mois dernier, dans une déclaration, les Nations unies ont confirmé leur souhait de voir cesser l’utilisation de l’amiante de par le monde.

Car n’oublions pas, mes chers collègues, qu’aujourd’hui encore, pendant que l’industrie tire profit de l’utilisation de l’amiante, les travailleurs, eux, la paient de leur vie !

En raison des propriétés – résistance à la chaleur et aux agressions chimiques – et du faible coût de ce matériau, l’utilisation de l’amiante a perduré, malgré le lien positif établi entre l’inhalation de fibres d’amiante et le déclenchement de pathologies spécifiques.

La révolution industrielle en a même généralisé l’usage dans de nombreux domaines, particulièrement dans le secteur du bâtiment. Ainsi, le drame de Condé-sur-Noireau, près de Caen, que Jean-Pierre Godefroy a évoqué tout à l’heure, a été signalé dès 1906 par l’inspecteur du travail Denis Auribault. Cela n’aura pas suffi à une prise de conscience des pouvoirs publics : ce n’est qu’en 1945 que les pathologies liées à l’amiante font l’objet d’une première reconnaissance !

Toutefois, au cours des cinquante années qui suivent, les intérêts économiques priment sur la santé des travailleurs et le Comité permanent amiante, puissant lobby des patrons de l’amiante, empêche la reconnaissance de son caractère mortifère et son interdiction. Nos collègues Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, dans leur rapport intitulé « Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir » et daté d’octobre 2005, ont d’ailleurs bien dénoncé les mécanismes mis en place, dans le but de manipuler l’opinion publique, par ce comité qui faisait même du chantage à l’emploi !

Enfin, en 1996, l’amiante cesse d’être considéré comme un risque professionnel qu’il faut gérer et devient une matière qu’il faut interdire. En 1999, sont créés le FCAATA et son corollaire, l’ACAATA, suivis du FIVA.

C’est la première fois, en France, que la perte d’espérance de vie provoquée par une exposition professionnelle à une substance cancérogène ouvrait droit à une cessation anticipée d’activité. Il s’agissait là d’une mesure de justice sociale : celles et ceux qui risquent de mourir plus tôt du fait de leur exposition à l’amiante dans le cadre de leur travail doivent pouvoir partir plus tôt en retraite.

S’il a constitué un progrès considérable pour les personnes exposées, le FCAATA reste malgré tout source d’injustices, car il exclut de fait des salariés tout autant exposés, mais ne travaillant pas dans les secteurs répertoriés. Cette situation est due à sa gestion par le ministère au moyen d’arrêtés fixant des établissements éligibles et au manque de souplesse du dispositif.

Par exemple, un calorifugeur peut en être exclu, simplement parce que l’établissement dans lequel il travaille n’est pas éligible.

L’exemple d’Arkema, dans mon département, l’Isère, est représentatif de cette injustice. En effet, le site Arkema à Jarrie est inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA, alors que celui de Brignoud ne l’est pas. Pourtant, ces deux établissements ont réalisé des fabrications communes. Sur les 200 salariés que comptait celui de Brignoud, 106 ont été reconnus comme ayant été exposés à l’amiante. Parmi eux, 84 salariés sont suivis médicalement pour leur exposition et 4 salariés sont décédés ! La bataille pour la reconnaissance de ce site date de 1998 et continue, malgré la fermeture du site et sa démolition presque totale.

Un espoir est d’ailleurs donné à ces hommes et à ces femmes avec l’annulation, prononcée par le tribunal de Marseille, d’une décision du ministère visant à ne pas classer un site équivalent à celui de Brignoud : mêmes donneurs d’ordre, mêmes produits, mêmes procédés… Un espoir, monsieur le ministre, de voir votre décision également annulée par le tribunal de Grenoble.

Ainsi, depuis 1997, l’amiante est interdit d’utilisation, mais force est de constater que la législation n’est pas toujours bien respectée. Une étude de 2006 a révélé que 76 % des chantiers de désamiantage ne se trouvaient pas, eux-mêmes, en conformité avec la réglementation.

Plus grave encore, en 2009, le rapport d’information de M. Guy Lefrand sur la prise en charge des victimes de l’amiante évoque « des certificats d’exposition à l’amiante rarement délivrés » et les difficultés des médecins du travail pour les remplir. II fait écho au rapport de nos collègues Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy mettant déjà en avant ces manquements graves à la loi.

En outre, les procès civils de l’amiante sont de plus en plus nombreux : le FIVA estime qu’environ 1 000 procédures civiles sont menées chaque année.

Enfin, en juillet 2009, un arrêt de la Cour de cassation a rappelé aux employeurs qu’ils étaient tenus, envers leurs salariés, d’une obligation de résultat en matière de sécurité. Manquer à cette obligation revêt un caractère inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, les victimes et leurs familles demandent qu’un procès pénal soit enfin ouvert pour que tous les responsables de cette catastrophe sanitaire soient renvoyés devant un tribunal correctionnel.

Mais des obstacles juridiques à la tenue de ce procès persistent : il existe un vide juridique entre la qualification d’empoisonnement, qui ne peut être retenue dans le cas d’espèce car elle suppose l’existence d’un élément intentionnel, et le délit de blessures et d’homicide involontaire. Pourtant, si l’on ne peut pas reprocher aux responsables de la catastrophe d’avoir eu l’intention de tuer des travailleurs, il est évident qu’ils avaient conscience de la dangerosité du matériau et des conséquences de son exploitation.

À la suite de la rencontre entre des victimes de l’amiante, des veuves de victimes de l’amiante et des parlementaires, un groupe de travail devrait être mis en place. Il a notamment pour but de faire évoluer la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite « loi Fauchon », qui est un véritable obstacle à cette reconnaissance et, donc, à la tenue de ce procès. Je vous invite, monsieur le ministre, à veiller à la création rapide de ce groupe de travail.

Ainsi, en dépit des dernières mesures législatives, le scandale de l’amiante continue. La législation doit donc évoluer.

C’est dans cette perspective que nous avons déposé une proposition de loi, datée du 23 octobre 2007, qui a été débattue ici même le 22 janvier 2008, mais que votre majorité a repoussée ! Nous demandons, par exemple, que soit élargi le champ de l’ACAATA et du FIVA à l’ensemble des travailleurs et anciens travailleurs exposés à un titre ou à un autre aux poussières d’amiante. Vous le savez, les fibres d’amiante lorsqu’elles ont été inhalées sont très difficiles à éliminer et une seule exposition, même courte, suffit à faire apparaître certaines pathologies.

J’ai assisté vendredi soir à la projection du documentaire de José Bourgarel 100 000 cercueils, le scandale de l’amiante, dont vous avez sans doute entendu parler, monsieur le ministre. Cette projection était suivie d’un débat, organisé par des anciens salariés du site Arkema de Brignoud. De nombreux salariés d’autres entreprises étaient présents : leur colère, que je partage, face à votre décision de ne pas revoir la liste des sites classés « amiante » est forte, mais leur désarroi face aux risques qu’ils encourent est encore plus grand. C’est le cas de ce technicien de réparation d’ascenseurs, souvent confronté à des poussières d’amiante, mais qui n’a pas le matériel adapté pour s’en protéger !

Alors, que faire ? Refuser de travailler ?

C’est bien l’exposition à l’amiante qui doit être le critère premier d’attribution de la cessation anticipée d’activité. Nous souhaitons ainsi ouvrir, au côté de la voie collective, la voie individuelle d’accès au dispositif de l’ACAATA. Un rapport voté à l’occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 devait d’ailleurs être rendu le 30 septembre dernier, mais il n’est toujours pas achevé.

Nous avons d’autres propositions que je n’ai malheureusement pas le temps de développer s’agissant de la responsabilité des entreprises, la gestion des listes des établissements ou la revalorisation de l’ACAATA.

Mais nous devons aller plus loin, en élargissant le débat à d’autres produits, car il ne faudrait pas que le drame de l’amiante se reproduise à travers l’utilisation des produits CMR – cancérogènes, mutagènes, reproductibles –, par exemple. Il est de votre responsabilité de ne pas laisser l’intérêt économique des entreprises prendre le pas sur la santé des travailleurs, comme ce fut le cas pour l’amiante !

Il en va de même dans de nombreux secteurs, tels l’agriculture, le nucléaire ou encore les nanotechnologies, qui représentent peut-être un danger pour les travailleurs.

Si le XXe siècle est celui qui a connu les plus grandes mutations technologiques, à mesure que nos connaissances scientifiques avancent, nous prenons conscience des risques que le travail fait subir aux travailleurs. L’actualité des suicides, la poursuite du scandale de l’amiante, les prévisions inquiétantes relatives à l’utilisation des éthers de glycol, l’exposition aux CMR sont là pour nous le rappeler.

Aussi, pour conclure, je dirai que le PLFSS pour 2011, en l’état, n’est pas à la hauteur des attentes en matière de santé des salariés, hormis l’article 49 qui apporte une bonne réponse pour le FIVA, mais qui c’est une goutte d’eau au regard de toutes les mesures à revoir.

Chers collègues, vous le savez, nous n’avons pas la possibilité de proposer des amendements augmentant les dépenses de l’État. Aussi, monsieur le ministre, en écho à la question de notre collègue Jean-Pierre Godefroy et aux propos que vous avez tenus ici même lors du débat sur les retraites, nous souhaitons savoir quelles propositions vous entendez formuler concrètement pour faire évoluer le droit des travailleurs victimes de l’amiante.

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