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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Pôles de compétitivité et pôles d’excellence rurale

Par / 13 février 2007

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, mettre en relation la formation, la recherche et l’industrie par la mise en réseau des entreprises, des laboratoires de recherche, des écoles supérieures et des collectivités locales n’est pas contestable en soi.

Cependant, la démarche qui aboutit à ériger des pôles d’excellence par une mise en concurrence des régions paraît critiquable, car elle met en danger la recherche fondamentale : celle-ci risque en effet de disparaître au profit d’une recherche appliquée trop étroitement liée aux impératifs de rentabilité économique.

Les pôles de compétitivité présentent le risque de concentrer dans un même lieu toutes les activités, et ce afin de constituer des entités capables de concurrencer les pays étrangers.

Parallèlement, les services publics de proximité ne cessent de régresser, remettant en cause l’égalité due à nos concitoyens dans l’exercice de leur droit à la santé, à l’éducation, au logement, à l’énergie, au transport et aux communications.

Par exemple, les Relais Poste ou les agences postales communales sont de faibles remèdes à la casse du service public postal. Les territoires les plus isolés, qui représentent les marchés les moins rentables, sont complètement sacrifiés sur l’autel de la privatisation des services publics. Les pôles, vecteurs de délocalisation à l’intérieur du pays, de mise en concurrence des salariés français entre eux et de désertification de certains territoires, participent, hélas ! de cette logique de marché.

De plus, au-delà du déséquilibre qu’elle peut engendrer au regard de l’aménagement du territoire et du maintien des populations sur l’ensemble de celui-ci, la mise en oeuvre des pôles de compétitivité révèle un certain nombre de difficultés, qui tiennent sans doute à la philosophie qui les guide, et dont témoigne, d’ailleurs, la transformation du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire en Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires.

Mis en place pour redynamiser l’économie et la recherche et créer des emplois, les nouveaux pôles n’auraient pas, semble-t-il, vraiment satisfait à leur mission.

Sur la forme, tout d’abord, il est important de souligner que les critères utilisés pour sélectionner les projets ont soulevé des inquiétudes. Les représentants des PME au sein des comités de labellisation se sont plaints des conséquences de leur faible présence dans les commissions internes accordant les financements. De nombreux élus, de tous bords politiques, ont interrogé le Gouvernement sur les procédures et les modalités de financement des pôles, afin que celles-ci soient clarifiées. Le débat auquel nous participons ce matin témoigne d’une telle requête.

Sur le fond, une étude réalisée par KPMG de juin à octobre 2006 concernant quarante pôles de compétitivité nous apprend que, si les partenariats inter-industrie et recherche-industrie font partie des objectifs prioritaires des pôles, l’emploi, les coopérations industrie-formation et l’installation d’activités nouvelles sur les territoires des pôles sont, en revanche, en queue des priorités.

En ce qui concerne plus particulièrement la question, cruciale, de l’emploi, un quart de l’enveloppe de 1,5 milliard d’euros consacrée au financement des pôles de compétitivité consiste en exonérations d’impôt sur les sociétés, de taxe professionnelle, de taxe foncière et de cotisations sociales. Or cette politique de « défiscalisation » a largement démontré son inefficacité en matière d’emplois, comme en témoigne le rapport de la Cour des comptes.

En outre, l’implantation des pôles nécessite d’aller vite et le risque est donc grand d’en rester à un seul déplacement d’emplois. Le transfert d’emplois qualifiés vers d’autres régions n’est pas une hypothèse d’école. Malheureusement, les pôles de compétitivité n’évitent absolument pas les délocalisations, dont les conséquences sociales et économiques sont dramatiques, comme l’a d’ailleurs montré la fermeture de l’usine rennaise STMicroelectronics, dont le secteur d’activité « puces » fait l’objet d’un processus de délocalisation à Singapour.

Si l’on considère l’ensemble du territoire, l’impact des pôles de compétitivité sur la création d’emplois semble très mitigé.

Enfin, les pôles ont constitué, pour un gouvernement en mal d’expérience, une nouvelle occasion de démanteler le code du travail.

En effet, l’article 47 de la loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social organise le prêt réciproque de main-d’oeuvre entre entreprises et organismes d’enseignement supérieur et de recherche au sein des pôles de compétitivité.

Ainsi, la majorité parlementaire, au mépris de la protection des salariés, a adopté une disposition neutralisant les articles L. 125-1 à L. 125-4 du code du travail, qui prohibent le délit de marchandage. Cette nouvelle exception confirme, s’il le fallait, la volonté du Gouvernement de morceler et de fragiliser le salariat, en réduisant ses droits.

Abordons maintenant l’impact du processus sur la recherche fondamentale.

Une partie des financements de ces pôles, notamment ceux qui proviennent des fonds de l’Agence nationale de la recherche, ainsi qu’une partie des postes de chercheur créés à la suite du mouvement que l’on sait sont ainsi détournés, alors qu’ils revenaient à la recherche fondamentale et aux universités.

Par ailleurs, les privatisations engagées dans nos grandes entreprises publiques accentuent encore la perte de maîtrise de la collectivité dans des domaines essentiels, pour lesquels de lourds investissements à long terme sont nécessaires.

Ce serait une erreur de croire qu’une recherche appliquée, commandée par les firmes industrielles, puisse se passer de la recherche fondamentale.

D’ailleurs, quand les impératifs de rentabilité guident la recherche, d’autres difficultés apparaissent. Ainsi, les groupes ont une fâcheuse tendance à réduire leur effort de recherche et de développement pour satisfaire à l’objectif de rémunération du capital de leurs actionnaires.

De plus, les auteurs de l’enquête que j’ai évoquée tout à l’heure notent que les entreprises sont encore réticentes à coopérer dans le domaine de l’innovation : « Les plus gros craignent de devoir partager, avec les plus petits, des années d’investissement sur la recherche et l’amélioration de leurs performances ». Et les plus petits redoutent l’effet de taille dans une coopération déséquilibrée.

Cette même enquête précise également que la formation, troisième pilier des pôles de compétitivité, n’est pas encore intégrée dans les flux de coopération. L’absence des écoles de commerce risque d’être préjudiciable, à terme, aux PME, qui doivent impérativement renforcer leurs ressources et leurs compétences pour satisfaire leurs ambitions stratégiques internationales.

La situation des PME, « parents pauvres » des pôles de compétitivité, pour reprendre les mots de Michel Mabile, président de la task force du MEDEF, est préoccupante. Interrogé sur ce sujet, le président de la chambre de commerce et d’industrie de Toulouse a déclaré que les pôles de compétitivité font la place aux grands groupes, mais n’ouvrent pas d’espace aux PME.

Il semblerait que seuls 101 des 323 projets actuellement financés dans des grands pôles soient portés par des PME. Ces dernières ne récupéreraient que 15 % des fonds publics. Selon l’enquête menée par le Comité Richelieu, tout porte à croire que les pôles de compétitivité n’ont pas pour vocation première d’aider au développement des PME.

Force est de constater que les pôles de compétitivité, comme les pôles d’excellence rurale, s’inscrivent dans la droite ligne des politiques de libéralisation de tous les secteurs d’activité, qu’ils soient économiques ou scientifiques.

Il serait intéressant, au contraire, de réfléchir à un modèle de coopération des populations, des savoirs et des territoires au niveau européen.

Les pôles de compétitivité représentent des enjeux considérables, aussi bien sociaux et économiques que d’aménagement des territoires, ce qui pose évidemment la question de leur pilotage par les grands groupes, qui semble être le cas aujourd’hui. Comme le conseil régional de Bretagne l’a proposé, il serait utile de créer, dans chaque pôle, un niveau de coordination ouvert aux syndicats de salariés, aux cadres, aux comités d’entreprise, aux associations de chômeurs et aux élus, pour que les orientations débattues se définissent en fonction de critères positifs comme l’emploi de qualité, l’égalité professionnelle, la formation et les promotions culturelles et territoriales.

Par ailleurs, quel avenir réserve-t-on à la recherche fondamentale si, pour une part importante, les créations de postes de chercheur sont affectées aux pôles ?

Comment veiller à la bonne utilisation des fonds publics versés ?

Peut-on espérer que ces pôles sont créateurs d’emplois durables et soutiennent un aménagement harmonieux du territoire ?

Ce sont autant de questions que je vous pose, monsieur le ministre délégué, puisque tel est l’exercice auquel nous invite le débat organisé ce matin. Croyez bien que ce premier bilan des pôles de compétitivité me laisse sceptique, s’agissant de l’avantage réel de ces structures en matière d’emploi et de soutien aux petites et moyennes entreprises.

Je m’intéresserai maintenant plus précisément aux trois pôles de compétitivité du département des Côtes-d’Armor : le pôle à vocation mondiale Images et réseaux, dont le coeur se situe à Lannion ; le pôle Mer, sécurité et sûreté, qui est également implanté dans la région PACA ; et le pôle Valorial, qui est plus particulièrement consacré aux aliments de demain.

Afin d’illustrer mes propos introductifs, j’évoquerai le pôle Images et réseaux, dont les résultats devraient être visibles dans deux ou trois ans et qui se distingue dans le cadre de la recherche et du développement. Ces deux mots, « recherche » et « développement », doivent rester liés, car, demain, le fruit des recherches menées devra tout d’abord trouver preneur auprès des grands donneurs d’ordres de notre pays. Ces études devront ensuite se traduire par la fabrication locale des outils et instruments matériels ou immatériels. Car c’est là que se situera, ou non, la richesse d’un tel projet au service de l’emploi.

Au même titre, le pôle Valorial, consacré à l’agroalimentaire et au développement des aliments du futur, peut être porteur si nous réussissons à préserver notre potentiel de production agricole et à lui donner toute la valeur ajoutée qu’il mérite.

Le triste exemple de l’effondrement de la production avicole en Bretagne, qui est lié à la mondialisation des échanges, n’est pas rassurant. Si, demain, les mêmes causes produisent les mêmes effets, d’autres grandes productions régionales pourraient subir le même sort ! En un mot, si, demain, l’apport des pôles de compétitivité se traduit, d’une part, par des emplois à Taiwan ou à New Delhi et des importations massives, et, d’autre part, par la transformation, en Bretagne, de matières premières agricoles étrangères, par exemple brésiliennes, il aura manqué un maillon essentiel à ces projets pour contrer la mondialisation capitaliste et la loi du marché libre et non faussé.

Pour finir, je ne résiste pas à la tentation d’aborder, même brièvement, la question des pôles d’excellence rurale, qui ont été conçus dans la droite ligne des pôles de compétitivité et qui sont souvent perçus comme des opportunités de financement par les élus locaux. À ce propos, l’Union nationale des acteurs et des structures de développement local s’irrite de la mise en concurrence des territoires et craint un « détricotage » des territoires de projets, une mise à mal de la synergie entre l’État, les régions et les territoires infrarégionaux.

En conclusion, les dynamiques créées par les pôles d’excellence rurale méritent, dans de nombreux secteurs économiques, d’être généralisées et encouragées, afin de tendre vers un véritable aménagement du territoire.

Les quatre thématiques des pôles d’excellence rurale étaient les suivantes : promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques ; valorisation des bioressources ; offre de services et accueil de nouvelles populations ; développement des productions industrielles et artisanales.

Ces thématiques concernent la totalité des collectivités locales, rurales ou urbaines. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre délégué, qu’en accordant les moyens nécessaires aux collectivités locales, via des dotations d’État, ces objectifs permettraient à la fois de développer l’emploi et de répondre aux besoins des populations ?

C’est la raison pour laquelle nous proposons sans cesse de taxer à hauteur de 0,5 % les actifs financiers des entreprises, puisque cet argent rapporte de l’argent sans créer d’emplois, et d’allouer les 25 milliards d’euros supplémentaires que produirait cette taxation non seulement aux collectivités locales, mais également aux politiques nationales de soutien à l’emploi.

C’est une question de volonté politique et de choix. Mais il semblerait que vous ne soyez pas prêt à adopter une telle solution ! Les pôles de compétitivité et d’excellence rurale méritent mieux qu’un affichage politique et, même s’il est encore trop tôt pour juger de leur éventuelle efficacité, ils méritent d’ores et déjà une sérieuse réorganisation politique et financière au service de l’emploi et des citoyens.

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