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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Politique des transports

Par / 12 novembre 2003

par Evelyne Didier

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Nous avions en juin dernier, lors du débat sur les infrastructures de transport, dénoncé la rupture qu’engageait le gouvernement en matière de politique de transport.

Nous nous étions opposés à ce que le gouvernement refuse de tenir des engagements pris, gelant ainsi par exemple les crédits inscrits aux contrats de plan Etat-région, mettant en cause des réflexions sur les dessertes interrégionales et régionales dans une conception de schéma régional des transports en cohérence avec l’aménagement du territoire national.

Nous avions rejeté votre parti pris idéologique du rapport d’audit financier réalisé à la demande du gouvernement par le Conseil général des Ponts et Chaussées et de l’Inspection générale des finances. En fait, il ne visait qu’à justifier les renoncements du gouvernement, son désengagement d’une véritable politique de déplacements pour tout le territoire national. Ce rapport enferme les choix en matière d’infrastructures de transport dans une logique purement comptable.

Nous avions condamné cette réflexion sur le soi-disant « tarissement des sources traditionnelles de financement » qui en fait, n’avait pour seul objectif que d’ouvrir la voie à la mise en place de nouvelles taxes locales, ou pour le dire autrement de nouveaux impôts, à l’échelon décentralisé.

Ce faisant, nous dénoncions la volonté de mettre en œuvre une décentralisation sans programme, se résumant à sa seule dimension financière, autrement dit à transférer sur les collectivités territoriales les charges financières que l’Etat se refusait désormais d’assumer.
Ce faisant, nous refusions le raisonnement que l’on nous impose aujourd’hui comme vérité première et selon lequel plus l’Etat s’amaigrit en se repliant sur ses strictes fonctions dites régaliennes, mieux l’économie s’en porterait !

Ce raisonnement est des plus spécieux. En restreignant son effort financier, l’Etat est conduit à abandonner la dimension nationale de l’aménagement de notre territoire et le développement de l’intermodalité. Le respect des engagements en matière de développement durable nécessite pourtant des décisions volontaristes dans ce sens, et la suppression des aides aux transports en site propre aux plans de déplacements urbains serait catastrophiques.
Ce Raisonnement est des plus partiels. Il conduit à renoncer aux effets positifs que la dépense publique pourrait avoir sur la création d’emplois par le biais d’une politique de transport ambitieuse, conçue en coopération avec nos partenaires européens et s’inscrivant dans la durée.

Ce raisonnement est des plus fallacieux. Il remet en cause toutes les formes de solidarité nationale existantes au profit de l’individualisme marchand.
Depuis ce débat, quelles sont les propositions avancées en matière de financement de la politique de transport ???
ÿ Dans le projet de loi Responsabilités locales, les départements hériteront de l’entretien et de la modernisation des anciennes routes classées nationales. Ce qui, au vu de la dégradation du réseau routier national représente un coût considérable.

A cela, on l’a vu lors du débat, la possibilité pour les régions, départements, communautés de communes et communes d’instituer des péages sur les routes express et les ouvrages d’art appartenant à leur domaine public.
Ce qui signifie pour les départements qu’ils devront, par la même occasion, prendre à leur charge l’entretien et de la modernisation des ouvrages d’art construits sur les 15 à 20 000 km de routes nationales dont ils seront désormais les nouveaux propriétaires.

Ce qui signifie que vous proposez que les usagers, contribuables et citoyens, paient. Ils subiront ainsi de plein fouet le coût de la multiplication des péages, ceux ci s’ajoutant au supplément de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers.
Vous dites que ce n’est qu’une possibilité, mais les finances locales ne sont pas extensibles à l’infini. Elles ne sont en tout cas pas à la hauteur du désengagement financier de l’Etat. Pour les départements et communes les plus pauvres, ce sera sans doute l’ultime solution !

Le résultat d’une telle politique est donc double : il renforcera les inégalités sociales dans le même temps qu’il permettra d’ériger des frontières entre les régions riches et les régions pauvres.
Comme le disait très justement ma collègue et amie Marie-France Beaufils, vous rétablissez l’octroi, cette pratique moyenâgeuse tout en vous targuant de modernisme.
Au fond, c’est la privatisation de nos routes, de leur accès, donc de nos territoires, que vous nous préparez ! Voulez vous faire avec la route ce que l’Angleterre a fait avec le rail ?

De cette manière, ce sont les collectivités territoriales elles mêmes que vous mettez en concurrence, avec un vocabulaire pour l’habiller qui ne peut duper longtemps nos concitoyens, que ce soit sous la présentation d’attractivité de nos territoires ou celle peut être plus pernicieuse mais peut être aussi plus explicite de compétitivité de nos territoires.
Qui nierait que toutes ces mesures en contribuant à fractionner les autorités de décision signe la mise à mort de l’aménagement équilibré et cohérent de notre territoire !!!

ÿ Les députés de la majorité ont lors de la discussion du projet de loi de finances supprimé l’article qui prévoyait de relever le taux du versement transport en compensation du désengagement financier de l’Etat. La suppression de ces lignes budgétaires qui avaient permis le développement des transports en communs urbains est significative de l’abandon par l’Etat d’une partie de sa politique d’aménagement du territoire.

Quoique largement insuffisante et discutable, le relèvement de cette taxe aurait au moins permis de financer en partie les énormes besoins dans ce domaine !
Autrement dit, ce sont à nouveau les collectivités territoriales et les usagers qui vont devoir supporter le coût du développement des transports collectifs.
La suppression de cet article rattaché est significative de ce que le gouvernement a cédé face aux pressions exercées par le patronat et plus particulièrement le MEDEF !

Vous préférez ponctionner les usagers et les ménages plutôt que de taxer quelque peu les entreprises, sous prétexte qu’une telle mesure serait préjudiciable à l’emploi ! La baisse des charges engagées ces dernières années n’a pourtant pas fait ses preuves : nous avons frôlé la récession et le chômage ne cesse d’augmenter !
C’est plutôt la baisse du pouvoir d’achat, que votre politique accentuera encore par l’augmentation des taxes de toutes sortes et des impôts locaux. En pesant sur la consommation, vous ralentirez, une fois de plus, la croissance économique et détruirez, plus sûrement, nos emplois !

Vous avez fait le choix de la baisse des impôts sur le revenu, mais, parallèlement, le transfert de vos responsabilités sur les collectivités territoriales sans les ressources nécessaires vont se traduire par des augmentations de taxes et d’impôts locaux auxquelles s’ajoutera la taxe « charité » qui contraint les français à travailler gratuitement une journée dans l’année !
Ces mesures sont particulièrement inégalitaires sur le plan social. Elles le sont d’autant plus au regard des allègements conséquents de l’impôt solidarité fortune consentis par ce même gouvernement !!!

Pendant nos débats sur la loi « Responsabilités Locales », vous nous avez assuré que vous transféreriez, conformément à la constitution, l’équivalent de ce que l’Etat y consacrait, mais toutes ces propositions financières concernant la politique des transports doivent être mises en relation avec vos objectifs pour le budget 2004 des transports. A périmètre constant, c’est une diminution de l’ordre de 4,2 % qui est prévue.
Pourtant, face aux enjeux du développement durable, il faudrait programmer une part plus importante de notre richesse nationale consacrée au développement de l’intermodalité et des infrastructures permettant de rééquilibrer à terme le rail face à la route.
Ce n’est manifestement pas la voie que ce gouvernement a choisie !!! La forte réduction de ce budget est significative de la rupture que le gouvernement engage sur le plan de la politique des transports ! Elle est significative de la politique de privatisation et de libéralisation.

Nous continuons de penser qu’une autre politique des transports plus ambitieuse est possible.
D’autres choix fondés sur des modes de financement alternatifs, non seulement plus égalitaire mais à même de mobiliser de manière conséquente les richesses crées sont possibles.

Une politique ambitieuse compatible avec les exigences du développement durable, visant à favoriser le développement des transports en commun, à permettre l’essor de l’intermodalité, une politique accordant la priorité au rééquilibrage des parts de marchés entre la route et le rail en matière de fret est indispensable.
Sous prétextes de contraintes budgétaires fortes, l’on veut faire renoncer la France aux grands projets d’infrastructures.

La France pourra-t-elle respecter ses engagements et suivre les recommandations du livre blanc de la Commission Européenne publié en 2001, qui préconisait pour le fret un transfert de la route vers le rail et vers les autres modes alternatifs ? Si elle renonçe au schéma « multimodal volontariste » comme cela est apparu lors du débat sur les infrastructures, la France en sera bien incapable.

Qu’en est-il par ailleurs de ceux des engagements pris au Sommet européen d’Essen qui avait été retenus comme prioritaires 14 grands projets d’infrastructure, parmi lesquels figurait, je tiens à le rappeler, la liaison transalpine Lyon-Turin ? Cette liaison qui devrait permettre d’absorber entre 700 000 et 1 million de camions par an sera-t-elle réellement entreprise ? Pourquoi ne pas engager dès maintenant les travaux plutôt que de remettre à 2015 le projet ? Pourquoi ne pas exiger avec nos partenaires européens des fonds européens plus conséquents ?

Nous devons faire un effort particulier en faveur du développement du fret ferroviaire.
Le rééquilibrage entre le rail et la route ne passe pas par la libéralisation du secteur public, c’est-à-dire par la mise en concurrence des modes de transport et des systèmes nationaux de fret qui aboutirait à un alignement vers le bas des prix du fret ferroviaire, préjudiciable au développement des investissements de modernisation et de capacités en infrastructures nouvelles.
Cela suppose de la part de la France, une politique plus volontariste et à même de porter ces exigences à l’échelle européenne !

Cela suppose également de nouvelles conceptions de financement, qui ne se traduisent pas par des augmentations de tarifs à la charge du contribuable.
En juin dernier, la mise en place d’une taxe sur les poids lourds avait été envisagée. Est-elle aujourd’hui enterrée ? Elle aurait l’immense intérêt de s’attaquer à l’avantage concurrentiel dont dispose actuellement la route par rapport au rail.

L’Allemagne a, pour sa part, décidé d’accroître la contribution financière des poids lourds utilisant le réseau autoroutier. Une telle politique dont le but est de promouvoir une concurrence plus équitable entre le rail et la route devrait permettre de dégager annuellement 3,4 milliards d’euros. La moitié de ces recettes serait majoritairement destinée au financement du rail.
Pourquoi ne pas suivre cet exemple ?

En matière de nouveaux moyens de financement, nous constatons que notre collègue Jacques Oudin, mais c’est aussi semble-t-il la volonté du gouvernement, souhaiterait remettre en cause les deux fonds institués par la loi Gayssot permettant le financement de la politique intermodale. Le premier de ces fonds visait à financer sur le territoire national le développement du transport ferroviaire, maritime ou fluvial. Le second, visait la mise en œuvre de la politique intermodale dans le massif alpin. Ils ont aussi pour objectif de favoriser le rééquilibrage du rail par rapport à la route !
A la différence de l’ancien FITTVN, ces deux fonds sont exclusivement destinés à dégager des moyens de financement, y compris en utilisant la rente autoroutière, pour favoriser les modes de transports alternatifs à la route !

Le gouvernement a-t-il l’intention de remettre en cause ces deux fonds consacrés au financement d’une politique intermodale ? A-t-il la volonté de faire en sorte que la rente autoroutière soit utilisée prioritairement et majoritairement au financement d’une politique intermodale ? Nous sommes favorables à ce qu’ils financent le rééquilibrage entre le rail et la route en matière de transport de marchandises, à ce qu’ils permettent le développement du ferroutage.

Nous considérons que la première phase de libéralisation du fret ferroviaire entrée en vigueur en France le 15 mars dernier n’est pas à même de permettre le développement du fret. Et nous refusons que s’engage d’ores et déjà le processus d’intégration du second paquet ferroviaire. Une période transitoire de cinq ans, a été décidée. Un bilan devrait être fait avant de poursuivre la libéralisation. A l’horizon 2008, nous devrions avoir une analyse mesurant l’impact du 1er paquet ferroviaire.

Nous nous y opposons d’autant plus que certaines mesures contenues dans ce deuxième paquet sont particulièrement dangereuses dès lors qu’elles fixent « des niveaux de sécurité minimaux » à atteindre tout en évoquant des « critères d’acceptation des risques » !!! Comme dans d’autres secteurs, le processus de libéralisation conduit à une harmonisation vers le bas ! Cela est encore plus inadmissible lorsque ce sont des questions de sécurité qui sont en jeu !

Je tiens encore à souligner que la politique de développement du transport de marchandises par rail exige des investissements sur le long terme. Les efforts engagés par le précédent gouvernement commencent à porter ses fruits. La première autoroute ferroviaire alpine franco-italienne vient d’être mise en place. Et c’est une belle réussite qui permettra qu’en 2006, 25% du trafic de la vallée de la Maurienne, soient 300 000 camions par an n’empruntent plus la route.

Pour la sécurité (nous n’oublions pas le drame du tunnel du Mont-Blanc) le développement du transport des poids lourds par chemin de fer constitue un grand progrès. C’en est un aussi du point de vue de l’environnement. Cette première étape dans le développement du ferroutage devrait être poursuivie. Ce serait une perte énorme du point de vue de l’aménagement de notre territoire, de celui de la sécurité routière que d’interrompre cette dynamique à peine enclenchée !

La poursuite du mouvement de libéralisation que vous appelez de vos vœux compromettra plus encore le rééquilibrage rail/route. Il ne peut que déstabiliser l’opérateur historique et RFF. Ce faisant ce sont bien les services publics qui sont remis en cause ! La SNCF et RFF seront d’autant plus déstabilisés que le problème de la dette du système ferroviaire n’a toujours pas trouvé de solution.

Le débat d’aujourd’hui nous aura permis de souligner combien la politique en matière de transport manque d’ambition avant de manquer de moyens financiers !!!
Une réelle politique volontariste en ce domaine pourrait s’appuyer sur la création d’un pôle public de financement autour de la caisse des dépôts et consignation qui permettrait à la fois de mobiliser les fonds actuellement oisifs, de l’ordre de 200 milliards d’euros de la CDC et de mobiliser notre propre système bancaire.

Les fonds européens pourraient également être mobilisés, sous la forme d’un emprunt destiné à la réalisation des grands projets d’infrastructure à l’échelle de l’Union européenne. Il semble que la commission réunie ce 11 Novembre veille réduire le programme Grands Travaux. Cela révèle, une fois de plus, les réticences des autorités bancaires européennes, au premier rang desquelles celle de la banque européenne d’investissement. Son rôle devrait pourtant être précisément de réorienter les richesses vers la création d’emplois.

Le libéralisme est un choix politique ! C’est le choix du laisser faire dont nous avons pu observer les conséquences désastreuses sur le plan tant humain qu’économique, en Angleterre. Attention à ne pas sacrifier nous aussi notre sécurité en subissant la vague de déréglementation et de libéralisation européenne !

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Bio Express

Évelyne Didier

Ancienne sénatrice de Meurthe-et-Moselle
Membre de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
Elue le 23 septembre 2001
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