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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Réforme de la PAC

Par / 20 mai 2003

par Gérard Le Cam

Monsieur le Président,
Monsieur la Ministre,
Mes chers Collègues,

Née en janvier 1962, la Politique Agricole Commune n’a jamais trouvé grâce aux yeux des communistes, qui pressentaient déjà à l’époque les effets dévastateurs de cette politique, que ce soit dans les domaines des revenus agricoles, de la disparition massive d’exploitations agricoles, de la course au gigantisme ou de la mainmise des grandes firmes capitalistes sur l’agriculture et l’agrobusiness.

Fondée sur trois piliers : le marché unique, la préférence communautaire et la solidarité financière, force est de constater que tout particulièrement, la préférence communautaire a été mise à mal par la pression des Etats-Unis dans le cadre du GATT mais également, par le comportement peu coopératif et déloyal du pays comme l’Angleterre.

L’article 39 du Traité de Rome énonçait cinq buts essentiels à la PAC :
Le premier but était d’accroître la productivité de l’agriculture, indispensable dans un premier temps pour satisfaire les approvisionnements, cet accroissement est rapidement devenu une course effrénée pour compenser la baisse des prix agricoles, phénomène accentué par l’augmentation du coût des aliments du bétail, de l’outillage et des infrastructures.

Le deuxième objectif était d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole par le relèvement du revenu individuel : à ce sujet les disparités en France sont énormes et ne cessent de s’accroître. Les exploitants agricoles sont particulièrement concernés par des nouvelles formes de pauvreté qui se développent aujourd’hui.
En 2000, l’INSEE estimait que 22% des agriculteurs étaient des « travailleurs pauvres ». 40% des exploitations dégagent un revenu par actif familial à temps complet inférieur au SMIC. Ce sont surtout les petites exploitations qui entrent dans cette catégorie.

Excessivement endettées pour tenter de répondre aux normes de productivité imposées, elles sont les premières sacrifiées par la dérive productiviste et la course à la baisse des coûts. Elles sont pourtant essentielles pour lutter contre la désertification rurale et jouent un rôle fondamental dans l’aménagement de notre territoire. Elles risquent de disparaître demain, faute de pouvoir dégager un revenu convenable.
Or, d’après une étude de l’INRA, l’un des facteurs explicatifs de cette pauvreté agricole résulte de la faible capacité des petits exploitants à bénéficier des aides publiques et subventions européennes.

La modernisation de notre agriculture, l’augmentation remarquable des performances et des gains de productivité n’a pas eu, Monsieur le Ministre, sa traduction en termes d’accroissement des revenus, comme juste reconnaissance de l’augmentation des qualifications. Que dire, si l’on s’aligne sur les prix mondiaux en renonçant à la préférence communautaire ?
Le troisième objectif visait à stabiliser les marchés : les prix à la production n’ont jamais été aussi bas, depuis 1990 ils ont baissé de 15%. Les chutes des cours sont de plus en plus fréquentes et longues. Les importations abusives, la non utilisation de la clause de sauvegarde, les crises sanitaires et la pression constante de la grande distribution sur les produits contribuent à la déstabilisation des marchés.

Le quatrième objectif consistait à garantir la sécurité des approvisionnements : objectif partiellement atteint pour ce qui concerne les pays du Nord de l’Europe, hormis les protéines dont nous sommes dépendants à 75% de nos besoins. Pendant ce temps, le sacrifice des cultures vivrières des pays du sud et des PVD au profit des grandes cultures destinées à l’exportation a conduit à une situation où deux milliards d’humains souffrent de carences alimentaires et 830 millions subissent la faim quasi quotidiennement.
Enfin, le dernier objectif proposait d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. Depuis 1990 les prix alimentaires ont augmenté de 11% pendant que ceux à la production baissaient de 15%, la part prélevée par la distribution est croissante. En dix ans, depuis 1992, avec la PAC réformée, l’agroalimentaire et les GMS ont augmenté leurs profits de 120 milliards d’Euros, les agriculteurs ont perdu 103 milliards d’Euros et les contribuables subissent un coût supplémentaire de 22 milliards d’euros.

Mes chers collègues, la PAC est loin de posséder toutes les vertus qu’on lui prête parfois, il est vrai que le pire est peut être pour demain, doit-on pour autant se contenter de cette politique qui peut s’aggraver encore par la réforme Fischler.
En Europe, une ferme disparaît toutes les trois minutes, en France ce sont 25 000 exploitants et 30 000 emplois qui ne sont pas remplacés chaque année.

Depuis quarante ans, on a assisté, sous la pression des politiques européennes, à une concentration très forte des fermes donnant aux 10% des plus grosses exploitations un peu plus de 67% des revenus produits en Europe. Dans le même temps, les 50% des plus petites n’en réalisent que 5%.
Venons-en désormais à la réforme verte ultra-libérale proposée par Monsieur Frantz Fischler, Commissaire européen à l’Agriculture : comme je viens de le montrer le statu quo ne nous convient pas et encore moins la réforme annoncée. La réforme de la PAC de 1992 et l’Agenda 2000 adopté à Berlin ont entraîné une insécurité au niveau du monde agricole mais également, des consommateurs et de l’environnement. L’abandon des principes fondateurs de la PAC et, tout particulièrement, de la préférence communautaire, ont conduit à une course à la productivité et à la compétitivité par la baisse des prix à la production, tout en favorisant la concurrence sauvage et l’alignement sur les prix mondiaux qui ne sont en réalité que les prix d’écoulement des excédents américains.

La mesure phare de la réforme, à savoir le découplage des aides à la production et, l’attribution d’une rente par exploitation sur référence historique, ne peut conduire qu’à l’accentuation des disparités : c’est le « pauvre tu es, pauvre tu resteras ! » De surcroît, cette mesure ne peut que désorganiser les filières et la maîtrise de la production quand elle existe, c’est la porte ouverte à toutes les opportunités , toutes les dérégulations, toutes les spéculations et tous les effets d’aubaine qui se présenteront.

Prenons garde avec la notion de découplage partiel qui semble ne pas déplaire à la majorité gouvernementale d’engager l’Europe et la PAC dans la demi mesure en prélude à la mesure totale qui suivra et que pourtant tout le monde rejette aujourd’hui. Il faut tordre le cou au découplage partiel dès à présent.
Force est de constater que ce programme de découplage des aides à la production s’inscrit en droite ligne des actuelles propositions sur les modalités agricoles présentées lors de la conférence de DOHA dans le cadre des négociations de l’OMC, projet qui signe le véritable arrêt de mort de la PAC. Accentuant plus encore le caractère bureaucratique et non démocratique des décisions concernant l’avenir du secteur agricole, il n’est pas acceptable que la Commission européenne puisse outrepasser le mandat que lui avaient fixé les Conseils européens de Berlin de mars 1999 et de Bruxelles d’octobre 2002, en prônant aujourd’hui une telle réforme de la PAC, qui affaiblit fortement sa capacité de négociation au sein de l’OMC.

Il convient également de dénoncer dans ce débat la grande manipulation orchestrée par les américains :
Parce que leur agriculture est basée sur les mêmes principes, les Etats-Unis se sont fait les défenseurs de la réduction des subventions agricoles, mais selon une stratégie plus élaborée et beaucoup plus perverse.
Le premier acte de cette manipulation a eu lieu lors des précédentes négociations de l’OMC, arguant des distorsions du marché, ils ont rendu les subventions agricoles plus visibles et plus comptables, plus insupportables aussi pour les opinions publiques européennes, en profitant des divergences d’intérêts entre les pays de l’Union européenne.

Le deuxième acte de la bataille contre l’Europe sur les marchés agricoles mondiaux s’est traduit par le revirement actuel de Farm Bill qui double les subventions agricoles américaine. On aurait tort de confondre cela avec un simple épisode électoral destiné à soutenir les Etats agricoles « républicains ». Faisant en effet le pari que l’Europe, sensibilisée pendant les années précédentes de négociations OMC, a atteint le plafond des aides qu’elle pouvait accorder à l’agriculture, ce coup de butoir américain, s’il est soutenu pendant quelques années, pourra, à l’instar de la course à l’acharnement déclenchée dans les années 80 contre l’URSS, anéantir la volonté exportatrice de l’Europe et donner enfin aux Etats-Unis le monopole planétaire de l’alimentation globale.

Le troisième acte vient d’être posé pour détourner les critiques envers les subventions de la Farm Bill ; les subventions américaines seraient « saines » car joueraient sur la production intérieure, les subventions européennes seraient « malsaines » car favoriseraient les exportations, donc seraient particulièrement nuisibles au pays en développement. Et voilà, la boucle est bouclée.

Monsieur le Ministre, la politique agricole commune devrait pouvoir faire l’objet d’un véritable débat démocratique, tant les produits de l’agriculture ne peuvent être considérés comme des marchandises comme les autres.
Essentiels à la vie humaine, le secteur agricole est traversé de multiples dimensions, sociales, environnementales, culturelles, territoriales, autant de dimensions qui sont évidemment exclues des réelles préoccupations de l’OMC.

Ces dimensions sont indispensables à la préservation de notre agriculture dans sa diversité, du maintien des petites et moyennes exploitations, garants d’une population active agricole essentielle à la survie de nos campagnes.
Nous sommes convaincus, Monsieur le Ministre, que l’agriculture devrait être exclue des négociations de l’OMC, au risque a contrario de voir disparaître ou, se réduire comme peau de chagrin notre secteur agricole.
Car au bénéfice de qui négocie-t-on à l’OMC ?

Nous savons bien que les multinationales de l’agroalimentaire et de la grande distribution ont intérêt à ce que le marché européen se dissolve dans le marché mondial afin qu’elles puissent s’approvisionner aux plus bas coûts. L’engagement sur cette voie condamnerait à n’en pas douter la PAC et, soumettrait notre alimentation aux aléas d’une régulation purement marchande, avec tous les risques que comporte un tel choix.

A défaut d’un retrait de l’agriculture de l’OMC, nous souhaiterions que la France, l’Union européenne, obtiennent un gel des négociations sur les questions agricoles.

Pour nous les communistes, notre choix de société, c’est une ruralité vivante, un aménagement du territoire dynamique avec de nombreux actifs agricoles. A l’opposé d’une agriculture industrielle. La qualité et la diversité des produits ne peuvent venir que d’un réseau dense d’exploitations familiales dont le travail doit être convenablement rémunéré.

Il faut sortir de la dérive libérale de la PAC à laquelle nous assistons depuis plusieurs années. La PAC devrait se fixer comme objectif :
De sortir d’une logique productiviste pour aller vers une agriculture qui fournisse des productions gustative, nutritionnelle et sanitaire de qualité. De promouvoir une agriculture qui occupe pleinement l’espace, aménage les territoires et soit respectueuse de l’environnement.
De rétablir pleinement la préférence communautaire par un mécanisme incitatif proportionnel au volume des échanges infra-communautaires pour tous les pays européens.

D’instaurer un plan protéine visant à reconvertir les jachères et les cultures céréalières excédentaires en culture protéïques (dont nous sommes déficitaires pour 75 % de nos besoins). Cela suppose de rendre caduques les accords de Blair House avec les USA sur la limitation des cultures oléagineuses et protéagineuses dont le déficit est colossal en Europe (36 millions de tonnes équivalent en tourteau importé soit l’équivalent de la superficie cultivée de 10 millions d’ha). En relançant ces productions, l’UE conforterait notre souveraineté alimentaire et permettrait le développement de bonnes pratiques agronomiques.

Il faut cependant noter pour l’intégrer au débat sur l’agriculture que nous souffrons en Europe, mais aussi dans le monde, non d’un excédent agricole, mais d’un déficit de la consommation par manque de demande solvable par la faiblesse du pouvoir d’achat de nombre de consommateurs. Et que de ce fait la bataille pour les salaires, le relèvement des minima sociaux et l’augmentation du pouvoir d’achat font partie intégrante de l’action pour l’alimentation de qualité pour tous.

Nous proposons
de refuser des semences génétiquement modifiées, un monopole sur les semences par quelques groupes multinationaux nord-américains notamment qui priverait ainsi les pays de leur indépendance alimentaire. Ce qui ne veut pas dire arrêter toute recherche sur ce sujet mais en les contrôlant par les laboratoires publics.
Une véritable politique de prix rémunérateurs en harmonie en harmonie avec le niveau de vie des pays et un contrôle rigoureux des marges de la grande distribution ; une politique qui permettrait de supporter l’exportation des excédents et d’aider les PVD

- un rééquilibrage des subventions du premier vers le deuxième pilier et une répartition modulée des aides afin de soutenir les agricultures dans leur diversité et l’aménagement du territoire.
Une politique favorisant le maintien d’exploitations à dimension humaine et familiale sur tout le territoire accompagné d’un dispositif de sortie progressive de l’intégration.

Une réelle volonté d’installation des jeunes et de suivi technique et administratif où diplômés et non-diplômés pourront s’installer et réussir.
Une réelle politique sociale au service du monde agricole facilitée par de meilleurs revenus
Et enfin, la remise en cause fondamentale des modes de fonctionnement.

Vous le voyez, mes Chers Collègues, il nous faut une politique Agricole Européenne novatrice et offensive, une politique où l’homme est au cœur du dispositif, qu’il soit producteur ou consommateur. J’ose espérer, Monsieur le Ministre, que nos propositions humanistes, économiques et de bons sens seront utiles au débat et à l’avenir de l’agriculture et des agriculteurs.

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