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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Rôle d’Eurojust et du réseau judiciaire européen

Par / 12 décembre 2007

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la question posée par M. Haenel, président de la délégation pour l’Union européenne, peut se lire à l’aune d’une formule peut-être plus ambitieuse : Eurojust est-il un instrument d’une « Europe de la justice » ?

Face à l’internationalisation de la criminalité, comme le montre l’attentat meurtrier d’Alger mardi dernier, attentat que l’on ne peut que condamner avec la plus grande énergie, il nous apparaît indubitablement nécessaire de renforcer l’efficacité des procédures de coopération judiciaire. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour lutter contre les formes de criminalité grave, qui se pose d’ailleurs au-delà de l’Union européenne.

Pour autant, au terme d’un cycle politique saturé par les discours et les textes répressifs, notamment en France, il convient enfin de se départir de la pure logique sécuritaire adoptée par l’Union européenne. En effet, depuis le 11 septembre 2001, l’Union européenne, dans la construction de l’espace pénal européen, a essentiellement mis l’accent sur le volet sécuritaire.

Cette date est désormais plus qu’un drame : elle marque aussi un tournant et un mouvement de régression généralisée.

Certes, les attentats tragiques de Londres et de Madrid ont souligné l’urgence pour l’Union européenne de renforcer la coopération policière et judiciaire entre les États membres. De nombreux instruments, tels que le mandat d’arrêt européen ou la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme, ont concrétisé cette volonté. Mais l’approche est étroite et réductrice et a des accents liberticides.

Cette orientation inquiétante du point de vue du respect des droits fondamentaux atteste que la construction européenne a clairement fait le choix de privilégier le volet « sécurité » de l’espace de liberté, de sécurité et de justice aux dépens de son volet « liberté ».

L’espace européen s’est construit et se construit toujours sur la base du contrôle aux frontières, d’une fermeture aux extracommunautaires. C’est d’ailleurs largement inefficace pour enrayer la criminalité transfrontière, qu’il s’agisse du terrorisme, du trafic de drogue ou des filières d’immigration clandestine. En cela, l’échec d’Eurojust va de pair avec celui d’Europol. L’Europe de la sécurité est dans une impasse.

Cette politique des contrôles fondée sur des logiques contestables favorisant les discours sécuritaires, les législations discriminatoires, les dérives policières et les menaces contre le régime des libertés individuelles perdure. L’Union européenne a mis en oeuvre tout un arsenal juridique, policier, militaire et technologique pour se livrer à une « guerre » contre les pauvres, laissant les migrants à la merci des réseaux mafieux.

De plus, le droit d’asile est malmené. L’Europe est présentée comme un continent agressé qui doit défendre ses frontières contre les migrants. Nous rejetons cette conception d’une « Europe-forteresse », incapable, comme l’a encore montré le récent sommet Union européenne-Afrique de Lisbonne des 8 et 9 décembre derniers, de relever les grands défis, tel celui du codéveloppement Nord-Sud, face à la montée en puissance des pays émergents, notamment de la Chine. Ce sommet n’aura d’ailleurs pas permis de traiter des grands problèmes du continent africain. L’Union européenne s’est consacrée à la question de ses intérêts économiques en Afrique.

Selon moi, à défaut d’intégrer une autre logique, Eurojust risque à terme de ne servir que de caution pseudo-démocratique à cette Europe sécuritaire que nous continuerons toujours de refuser.

Ce n’est pas parce que Eurojust compte des magistrats parmi ses membres qu’il constitue un remède aux insuffisances de la coopération judiciaire européenne. En effet, le problème essentiel tient non pas à un manque de compétence juridique ou à la qualité des magistrats, mais aux équilibres du système.

La garantie des droits et des libertés doit être à la mesure des avancées nécessaires en matière d’efficacité des poursuites. Le recrutement de magistrats uniquement pour appuyer des logiques policières, comme c’est le cas pour Eurojust, ne permet donc guère de réaliser des avancées.

En instituant Eurojust, les États se sont accordés pour déterminer de façon restrictive les compétences et le champ d’intervention de la nouvelle institution. Dotée de la personnalité juridique, cette institution a pour mission essentielle de promouvoir, d’améliorer et de faciliter, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, la coordination et la coopération des autorités des États membres. Les modalités d’action d’Eurojust relèvent par conséquent d’une logique de coopération dans le respect des prérogatives des autorités judiciaires nationales.

L’intervention de l’institution est limitée et se démarque totalement du projet d’un éventuel pouvoir judiciaire européen. L’essentiel reste donc à faire, madame le garde des sceaux.

Il faut réfléchir aux moyens de parvenir à un espace européen plus uni et plus cohérent dans l’intérêt même des justiciables. Cet objectif nous semble passer prioritairement par une intensification et une meilleure articulation des procédures de coopération et d’entraide pénale. Aussi conviendrait-il d’harmoniser nos droits en respectant les traditions juridiques de chaque État membre, préalable à la définition d’un droit pénal communautaire qui est pour l’heure peu compatible avec le principe de subsidiarité.

Par ailleurs, il nous semble absolument impossible d’aller plus loin dans la communautarisation sans évoquer la nécessaire démocratisation des institutions européennes afin de permettre un réel contrôle citoyen.

Or, sur le terrain de l’Europe judiciaire, force est de constater que les exemples ne sont guère probants. Je pense, en particulier, à la situation d’Europol, qui se développe sans contrôle effectif.

Je sais que certains voient dans le développement d’Eurojust une garantie pour les droits et libertés des individus, une sorte de « contrepoids » ou d’« encadrement judiciaire » d’Europol. Or Eurojust n’a pas de fonction de contrôle ou de contre-pouvoir. Il a en effet été clairement précisé que si, dans une certaine mesure, Eurojust peut être considéré comme la contrepartie judiciaire d’Europol, « cela n’implique pas qu’un contrôle judiciaire serait exercé sur Europol, mais que les activités d’Europol doivent être soutenues et complétées par une bonne coordination des poursuites ».

Autrement dit, le risque de voir Eurojust se transformer en une vitrine judiciaire d’Europol ou servir d’alibi au développement de logiques essentiellement policières ne doit pas être négligé.

Ce ne sont pas les propositions qui figurent dans la communication de la Commission européenne du 23 octobre dernier tendant à l’harmonisation de la durée de présence des membres nationaux et au renforcement de leurs pouvoirs et de ceux du collège ou à la participation plus étroite d’Eurojust à l’action des équipes communes d’enquête ou encore à l’amélioration de la liaison entre Eurojust et le Réseau judiciaire européen qui permettront de parvenir à un équilibre entre respect des droits fondamentaux et efficacité des poursuites. En effet, aucune proposition ne prévoit un cadre juridique précis de contrôle de l’action d’Eurojust, ce qui ne peut que susciter notre inquiétude.

Enfin, le traité de Lisbonne élargit le champ de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale et renforce les rôles d’Europol et d’Eurojust.

Le Conseil peut en outre décider, à l’unanimité, de mettre en place un parquet européen, après approbation du Parlement européen. C’est l’article 86 du nouveau traité.

L’institution d’un parquet européen est donc rendue quasi impossible. Je le rappelle, cette proposition avait été avancée dès 1997 par un comité de juristes européens piloté par Mireille Delmas-Marty. Il s’agissait de créer une autorité, dotée d’une structure légère, compétente pour améliorer l’efficacité des poursuites durant la phase initiale de l’enquête, c’est-à-dire au moment où la différence des systèmes juridiques pose le plus de problèmes. Cette autorité devait aussi garantir les droits fondamentaux face à des prérogatives administratives et policières de plus en plus importantes. Madame le garde des sceaux, il serait important de revenir aux principes de cette proposition.

Faute de parquet européen, le principe de reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires ne va nullement dans le sens d’un équilibre de la justice. Cette carence constitue aussi un réel handicap pour lutter contre la fraude et la criminalité transnationale.

Décidément, Eurojust n’est pas synonyme d’une Europe juste !

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