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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Une des dérives du système capitaliste

Lutte contre l’obsolescence programmée des produits -

Par / 23 avril 2013

Je remercie notre collègue Jean-Vincent Placé et le groupe écologiste d’avoir fait inscrire à l’ordre du jour de nos travaux cette question orale portant sur la lutte contre l’obsolescence programmée.

En effet, il s’agit d’une initiative très intéressante, dans la mesure où elle nous permet d’aborder de plain-pied et de manière concrète les dérives du système capitaliste, dont le moteur est la consommation.

Mais revenons à la notion d’obsolescence programmée. Si une découverte, une innovation, un saut technologique frappent d’obsolescence un ordinateur, une cafetière ou un textile, on peut admettre que cela déclenche un renouvellement des produits. C’est la fonction de l’intelligence, du génie humain, et nous l’avons toujours considérée comme un facteur d’émancipation.

Ici, nous parlons d’obsolescence provoquée, prévue, planifiée dans un but mercantile, contraire à l’intérêt général.

L’obsolescence programmée est un terme générique qui recouvre plusieurs moyens destinés à réduire la durabilité d’un objet et à provoquer sa mise au rebut à brève échéance.

Parmi ces moyens, on distingue, tout d’abord, l’obsolescence technique, liée à la défectuosité de pièces ou à l’ajout d’options sur les produits. Elle peut aussi résulter de l’assemblage de pièces aux durées de vie différentes, de telle sorte que la pièce la plus fragile, si possible non disponible en pièce détachée, détermine la mort du produit. Elle peut également être due à l’incompatibilité entre des éléments de générations différentes, obligeant au renouvellement du produit ou rendant toute réparation inaccessible, matériellement ou financièrement. Comment ne pas penser alors que le consommateur est abusé, puisqu’il ne dispose pas de ces informations lors de l’achat du produit ?

Ensuite, il y a l’obsolescence réglementaire, dont on parle moins, mais qui me semble tout aussi efficace, si j’ose dire. Ainsi, le changement et la multiplication des normes ne sont pas totalement étrangers à l’accélération de l’obsolescence. Imposer de nouvelles normes de sécurité ou d’usage, d’une nécessité pas toujours évidente, oblige aussi à renouveler trop rapidement quantité de biens.

Enfin, j’évoquerai l’obsolescence symbolique. Prenons l’exemple des smartphones : les nouveaux modèles sont-ils suffisamment innovants pour justifier l’emballement médiatique dont ils font l’objet, le renouvellement prématuré d’appareils qui n’ont souvent qu’un an ou deux ? Non ! Il s’agit plutôt d’un effet de mode et, surtout, de marketing. Posséder l’appareil dernier cri matérialise l’appartenance à un certain groupe social, le respect de ses codes.

Aujourd’hui, les produits manufacturés sont jetables et non réparables : c’est une autre facette de l’obsolescence programmée. Il y a encore quelques décennies, l’ouvrier qui achetait une voiture pouvait la garder longtemps non seulement parce qu’elle était solide, mais aussi parce qu’il savait réparer les pannes ordinaires. J’ai encore en mémoire mon voisin mécanicien démontant son moteur, pièce par pièce, sur le trottoir, pour changer une bougie, une ampoule, une courroie… Aujourd’hui, c’est impossible ! Autrement dit, comme l’a relevé Mme Rossignol, les gens modestes n’ont plus prise sur ce qu’ils achètent. On a rendu inaccessibles des parties du véhicule et les pièces détachées sont rapidement épuisées. Sans logiciel spécifique, on ne détecte plus les pannes, qui sont d’abord électroniques, et même les garagistes n’arrivent plus à intervenir correctement sur certaines voitures.

L’obsolescence programmée est inhérente à la société de consommation. Elle repose en fait sur la manipulation et la tricherie. Il s’agit d’un des outils les plus pervers dans la course à la consommation, d’un stratagème fondé sur la tromperie. La surconsommation et le surendettement sont les deux mamelles nourricières de cette course folle entretenue et orchestrée par les « fils de pub ».

L’obsolescence programmée est un concept qui affleure dans les médias depuis peu de temps. Le travail d’associations et d’ONG nous a permis de le mettre au jour, mais il faut savoir qu’il est théorisé depuis la fin du XIXe siècle et mis en pratique dans les grandes firmes, depuis cette époque, de manière systématique et volontaire.

Dans les années trente, General Motors établit sa stratégie sur la production régulière de nouveaux modèles démodant les séries précédentes. C’est ainsi que la firme força son concurrent Ford, qui jusqu’alors misait sur la solidité et la longévité de ses produits, à changer de stratégie pour se lancer, lui aussi, dans la course au nouveau modèle. Il semble qu’il s’agisse là du début du système d’obsolescence programmée par l’esthétique et le design, dont la mise en œuvre s’est généralisée aujourd’hui.

L’externalisation des coûts due aux conséquences négatives de cette pratique est un autre volet de cette logique consumériste. Augmentation du volume des déchets, épuisement des ressources, abaissement des coûts du travail, emballement du crédit, surendettement sont les corollaires inévitables de la surconsommation et de l’obsolescence programmée qui en est le bras armé.

Mais si l’accélération de l’obsolescence des biens de consommation relevait seulement de la tromperie, elle ne représenterait pas une question d’ordre systémique, comme c’est le cas aujourd’hui.

Plus que jamais, le marketing est parvenu à créer des besoins, à nourrir des addictions, et pousse sans cesse les consommateurs à renouveler leurs équipements pour disposer du dernier cri, du plus performant, allant même jusqu’à organiser des ventes à minuit, orchestrées comme des ruées vers l’or. Dans quel monde vivons-nous ?

L’obsolescence programmée est aussi le révélateur des principaux dysfonctionnements du marché dans son acception libérale et du mythe de la concurrence libre et non faussée, parce que tous ces mécanismes ne visent qu’un seul et même objectif pour chaque firme : fausser la concurrence, mettre les peuples en compétition et prendre le dessus sur le concurrent.

Aujourd’hui, des citoyens essaient de se libérer de cette emprise. Des marchés de l’occasion voient ainsi le jour : si internet présente des avantages indéniables, les brocantes, les dépôts-ventes – sources d’emplois, d’ailleurs – ou encore les structures associatives ne sont pas en reste. De même, « système D », échanges, prêts, achats en commun, mutualisation, réparation, frugalité sont des pratiques de consommation alternative qui, si elles ne sortent pas toutes du système, indiquent une volonté de trouver d’autres modes de vie fondés sur l’échange, la confiance et le partage.

Peut-être sommes-nous mûrs pour des remises en cause importantes de nos comportements, préludes à un changement d’époque ? Nous verrons bien !

Quoi qu’il en soit, notre rôle de législateur, aujourd’hui, consiste d’abord à comprendre ce phénomène et à en mesurer l’ampleur et les effets néfastes. Ensuite, il nous appartiendra de trouver des moyens réglementaires et législatifs pour protéger nos concitoyens et, plus particulièrement, les plus faibles d’entre nous. Gardons-nous de penser que le système peut être contrôlé à l’aide de quelques mesures, car l’obsolescence programmée est un pilier dont il ne pourra pas se passer facilement !

Il nous faudra travailler non seulement sur les garanties, sur l’éco-conception, mais aussi sur la sobriété et sur l’économie circulaire ; j’en oublie sans doute. On ne peut plus, aujourd’hui, concevoir un objet manufacturé sans se demander ce qu’il deviendra à terme : l’incinération, l’enfouissement, l’envoi dans les pays en développement pour le faire déconstruire sont des solutions à exclure. Les filières de recyclage doivent être développées, mais il ne s’agit que d’un geste curatif. Or nous devons faire de la prévention, et donc travailler, encore et toujours, sur l’éco-conception. À ce propos, je tiens à rassurer ma collègue Laurence Rossignol : le comité pour la fiscalité écologique s’intéresse aussi aux déchets, puisqu’il a créé un nouveau groupe de travail sur ce sujet.

Remettre en cause le jetable, les normes, les brevets, l’obsolescence programmée, l’abus de crédit, l’appauvrissement et la mise en concurrence des salariés, tous ces facteurs liés entre eux pour faire tourner la machine, demande un retournement des valeurs et une véritable révolution, qui replace l’homme au cœur de notre action. Pour notre part, nous y sommes prêts !

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