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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Une réorganisation des forces de sécurité intérieure qui passe mal

Situation de la gendarmerie nationale -

Par / 19 mai 2010

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans la question qu’il a posée au ministre de l’intérieur, notre collègue Carrère a raison d’affirmer que, neuf mois après son adoption, la loi sur le rattachement total de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur suscite toujours autant de craintes, d’interrogations et de critiques.

À la différence du débat qui avait eu lieu sur cette même question au mois de janvier dernier, il n’est plus tout à fait prématuré de procéder aujourd’hui à une évaluation de cette loi.

En effet, cette réorganisation des forces de sécurité intérieure passe mal, sur le terrain, auprès des élus locaux et des populations. Mais elle passe mal, aussi, nous le savons, au sein de l’institution elle-même.

Monsieur le secrétaire d’État, les élus locaux n’étaient pas demandeurs d’une telle réforme. Certes, ils souhaitaient une adaptation des forces de gendarmerie aux nouvelles formes de délinquance et une modernisation de leurs moyens d’action pour une plus grande efficacité. Est-ce vraiment le cas aujourd’hui ?

Du fait de l’application quasi mécanique de la révision générale des politiques publiques, ils sont, ou seront, pratiquement tous amenés à constater des réductions d’effectifs, qui se traduisent parfois par des suppressions pures et simples de brigades territoriales, puisque 175 d’entre elles devraient disparaître d’ici à 2012. Je rappelle aussi qu’il est prévu de supprimer 1 300 emplois en 2010, alors que la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure avait chiffré à 7 000 les effectifs supplémentaires nécessaires.

M. Didier Boulaud. Bien sûr !

M. Robert Hue. Les élus et les populations rurales peuvent donc mieux percevoir aujourd’hui les conséquences très négatives de cette application mécanique de règles comptables sur le maillage territorial, garant de la proximité entre les services de gendarmerie et les citoyens, l’une des spécificités de ce corps.

M. Didier Boulaud. Exact !

M. Robert Hue. Alors que la population s’accroît dans les zones de compétence de la gendarmerie et que la délinquance augmente dans les zones rurales et périurbaines, cette logique purement comptable n’est pas cohérente avec les déclarations présidentielles et gouvernementales sur le renforcement de la lutte contre l’insécurité.

Au-delà de ses effets sur les populations et les territoires, votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, produit des conséquences négatives au sein même de l’institution. Telle qu’elle a été adoptée, cette réforme n’était voulue ni par les gendarmes, ni par les policiers. Bien que comprenant la nécessité de synergies et de coopérations entre les deux forces, chacun souhaitait conserver son budget, ses effectifs, son périmètre de missions, toutes choses qui, avec la culture propre à chaque service, sont constitutives de leur identité.

Or la réforme a été effectuée assez brutalement, sans analyse préalable des spécificités et des complémentarités des deux forces, ni véritable concertation avec les élus locaux. Cette méthode prouve combien l’objectif premier était non la modernisation et la mutualisation des moyens, non plus que l’amélioration des conditions d’emploi et de coopération des deux forces, mais bien la volonté de constituer rapidement une seule force de sécurité sous la seule autorité civile de l’exécutif.

Certaines conséquences concrètes de la loi, comme la mutualisation des moyens entre la gendarmerie et la police, la formation au maintien de l’ordre, désormais commune – quand, dans le même temps, vous fermez quatre écoles sur huit ! – apparaissent plus clairement maintenant. Elles sont révélatrices de cette volonté de faire disparaître la spécificité de chacune des deux forces. En effet, la rationalisation et la mutualisation ne sont pas en elles-mêmes négatives, mais elles créeront à la longue des habitudes et une uniformisation qui contribueront à diluer les identités respectives.

La diminution des effectifs, la suppression d’unités, la répartition inéquitable des missions de renseignement, de police judiciaire et de circulation routière entre les deux forces, voire également la pression des syndicats de police, sont aussi des conséquences concrètes du rattachement qui vont nourrir des conflits.

La tendance à uniformiser les deux forces ne peut qu’inciter les gendarmes à comparer leur statut avec celui des policiers, en particulier sur l’un des principes fondamentaux du statut militaire, la disponibilité. En outre, la coexistence, au sein d’un même ministère, de deux systèmes, la représentation syndicale, pour les policiers, et la concertation propre aux militaires, pour les gendarmes, incitera tôt ou tard de facto les uns et les autres à vouloir aligner leurs statuts. Sans doute l’objectif visé est-il de faire en sorte que les gendarmes en viennent eux-mêmes à revendiquer une harmonisation statutaire !

M. Josselin de Rohan. C’est beaucoup s’avancer !

M. Robert Hue. Cette façon de procéder, d’ailleurs assez insidieuse, est à l’origine du malaise souterrain, profond et latent – faute de possibilité d’expression publique –, perceptible au sein même de l’institution.

Cette situation alimente toutes les craintes sur l’éventualité d’une fusion, à terme, de la police et de la gendarmerie. Et il ne s’agit pas d’une crainte infondée, ni d’un procès d’intention de notre part, monsieur le secrétaire d’État. Ces inquiétudes bien réelles ont été encore récemment exprimées lors du congrès de l’Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie et sa très influente revue, L’essor de la gendarmerie nationale, s’en est fait écho.

Le Président de la République a d’ailleurs une façon bien à lui de répondre au malaise des gendarmes et aux critiques sur les conséquences de la mise sous tutelle de la gendarmerie : l’autoritarisme et la reprise en main directe de la sécurité intérieure !

J’en veux pour preuve le limogeage du directeur général de la gendarmerie nationale : il a mis en œuvre la réforme, mais sans réussir à réduire la grogne de gendarmes, qui craignent d’être bientôt dissous dans la police.

Je vous rappellerai également le décret du Président de la République radiant des cadres pour motif disciplinaire un chef d’escadron, par ailleurs chercheur au CNRS, qui avait critiqué ès qualités, dans un article, le rattachement total de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

J’espère que vous avez conscience, monsieur le secrétaire d’État, de l’effet désastreux – je pèse mes mots – de cette lourde sanction sur les gendarmes, une sanction disproportionnée au regard du manquement à l’obligation de réserve qui aurait été commis.

Enfin, en la comparant à un autre décret du Président de la République nommant sous-préfet hors cadre un ancien syndicaliste policier élu conseiller régional UMP, cette décision inéquitable et maladroite a d’ailleurs renforcé de nombreux gendarmes dans leur conviction que le rattachement se ferait à leur détriment.

Tout cela est révélateur d’une volonté toujours plus affirmée de remise en ordre et de renforcement de la centralisation s’agissant des questions de sécurité.

La presse n’a-t-elle pas évoqué, il y a quelque temps, la création d’un secrétariat d’État chargé d’assister le ministre de l’intérieur pour veiller au rapprochement de la police avec la gendarmerie, mais aussi avec les polices municipales, les entreprises privées de sécurité et, sans doute, un jour, les Douanes ?

Non, décidément, notre évaluation de la loi, neuf mois après son adoption, ne peut que nous conforter dans l’idée que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur comporte de réels dangers et qu’il soulèvera plus de problèmes qu’il n’en résoudra !

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