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Les questions orales

L’ensemble des questions orales posées par votre sénatrice ou votre sénateur. Au Sénat, une question orale peut, suivant les cas, être suivie d’un débat. Dans ce cas, chaque groupe politique intervient au cours de la discussion.

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Zones franches urbaines

Par / 13 mars 2003

par Roland Muzeau

Monsieur le Président,
Monsieur la Ministre,
Mes chers Collègues,

Notre collègue Pierre André a des motifs de satisfaction. Les conclusions de son rapport ont été entendues par Monsieur le Ministre délégué à la ville et par le gouvernement, puisqu’ils ont procédé à la réouverture immédiate des 44 zones franches urbaines et à la création de 41 nouvelles zones, dans le cadre du futur projet de loi d’orientation et de programmation sur la rénovation urbaine ; cela s’est fait parfois sans aucune concertation, puisque des Maires ont appris par la presse que leur ville était concernée.

Selon le rapport de notre collègue, le bilan des zones franches est » tout à fait positif « pour les quartiers concernés. Des quartiers dans lesquels, je le rappelle, le chômage est deux fois plus élevé que dans l’ensemble du pays et, frappe surtout les jeunes de moins de vingt cinq ans. Des quartiers où la précarité et la pauvreté sont accablantes et où malgré la forte croissante économique des années 1999 à 2001, l’écart de chômage n’a pas été réduit.
Dans ces conditions, effectivement, ces quartiers, leurs habitants ont absolument besoin d’emplois, de beaucoup d’emplois. Les zones franches ont amené l’implantation d’un certain nombre d’entreprises avec leurs emplois par le biais des importantes exonérations accordées.

Mais les zones franches urbaines, qui se résument surtout à des exonérations fiscales, vont-elles résoudre durablement le problème ? Pour ma part, je serai moins optimiste que mon collègue et surtout, plus mesuré sur l’impact réel.
Il est vrai que les zones franches ont permis l’arrivée d’un certain nombre d’entreprises, tentées par d’importantes exonérations. Rappelons cependant que, de 1999 à 2000, la période de croissance a permis un recul généralisé du chômage. Il faut donc relativiser les succès des zones franches urbaines.

De plus, la situation est très contrastée. Si des emplois nouveaux ont été recensés, 40% résultent de simples transferts ; c’est une situation que pointe le rapport. Il s’agit parfois de succursales de très grandes entreprises. Or, on sait que les délocalisations s’accompagnent bien souvent de suppression d’emplois. Le régime d’exonérations est forcément transitoire. Quand il deviendra moins favorable, ces entreprises ne risquent-elles pas d’aller chasser des primes ailleurs ?

La loi SRU a tenté d’y faire obstacle. Elle a intégré un certain nombre de dispositions, comme la clause de non licenciement qui interdit à l’entreprise de bénéficier des exonérations si elle a procédé à des licenciements dans les douze mois précédant son implantation dans une zone franche ou encore, un moindre niveau d’exonérations pour les emplois transférés - dans les faits : moins 50%. Il semble que ces mesures aient disparu pour les nouvelles zones franches. Elles répondent pourtant à une logique simple , à savoir qu’ il est juste que les zones franches et leurs importantes exonérations soient réservées aux créations d’emplois.

De même, quid des entreprises qui vont passer d’une zone à l’autre en changeant tout simplement d’enseigne ? Il faut que les collectivités locales concernées aient le droit d’obtenir toute information sur la situation réelle de l’entreprise, avant son installation, pour un véritable contrôle de l’utilisation des exonérations fiscales afin de vérifier que leur seule fin était bien la création d’emplois et l’émergence d’action économique.

J’ajoute que, là où il y a eu des avancées réelles, c’est là où les collectivités locales se sont fortement impliquées, élargissant l’offre globale d’accueil aux entreprises, mobilisant l’ensemble des structures sociales et de formation… Toutes n’ont pas cette capacité, ce qui hypothèque d’emblée les résultats, parfois totalement inexistants.

En tout cas, l’effort demandé aux collectivités en contrepartie du soutien de l’Etat est trop important pour les villes les plus pauvres. Et cet effort va s’accentuer avec la décentralisation, puisqu’il leur sera demandé des concours financiers plus importants, sans juste compensation.
En ne conservant que les missions qu’il qualifie de « régaliennes », l’Etat va se décharger sur elles de compétences importantes qu’il exerçait jusqu’alors. Que va devenir la politique de la ville, les exonérations promises ? Les collectivités locales ne vont-elles pas avoir à les gérer seules ?

Surtout que le budget de la politique de la ville pour 2003, tous ministères confondus, a baissé de 3%. Une baisse qui affecte les financements destinés au développement économique des quartiers, les crédits pour les populations en difficulté d’insertion professionnelle. Une baisse qui touche les jeunes, puisque le choix est fait de diminuer les dépenses de fonctionnement, raison pour laquelle le gouvernement a annoncé la suppression des emplois jeunes. Ce faisant, l’Etat met en danger une bonne partie du milieu associatif dans les sites « politique de la ville ».
La politique de la ville est sans conteste indispensable, comme outil d’un certain « rattrapage ». Mais, plus que tous les autres, ces crédits s’apprécient au regard de l’ensemble du budget de la nation, en recul dans de nombreux domaines.

De plus, les efforts risquent fort d’être anéantis par les fermetures d’entreprises qui se succèdent, les suppressions d’emplois, la diminution de la croissance.
Car nous savons bien que ce sont toujours les plus pauvres qui sont les premières victimes de la montée du chômage et des politiques qui l’accompagne.

Après l’adoption du budget de l’Etat 2003, sur des bases non crédibles (2,5%) de croissance, les derniers chiffres sont extrêmement préoccupants : 1,5% de croissance en 2003, des créations d’emplois salariés en fort recul, progression sans précédent en importance et en rapidité des chômeurs indemnisés. Le chômage partiel et celui de longue durée s’envolent. Quant à celui des jeunes de moins de 25 ans, il augmente le plus fortement : de plus de 30% dans certaines villes ; de 38% à Paris, contre 20% pour l’ensemble de la population. Les prochains mois promettent d’être bien sombres.

En suspendant la loi de modernisation sociale, en abrogeant la loi Hue sur le contrôle des fonds publics aux entreprises, le gouvernement a donné à celles-ci le signe qu’elles pouvaient, en toute impunité, restructurer, licencier, fermer, tout en empochant l’argent public.
Metaleurop, Daewoo, ACT, Air Lib, Giat, Thalès, EADS…., autant de drames qui vont marquer durablement le pays, auxquels s’ajoutent les privatisations.

Quand on classe un quartier en zone franche urbaine, c’est qu’on reconnaît ses difficultés. Un des éléments essentiel pour y assurer la cohésion sociale, c’est la présence et le renforcement des services publics : transports , poste, sécurité sociale… et aussi, la police proche des habitants, dont le Ministre de l’Intérieur ne veut plus.
Mais, en conformité avec le pacte de stabilité et les critères de Maastricht, le gouvernement envisage de réduire les dépenses publiques, en gelant de nouveau des crédits, en diminuant le nombre des agents publics.

S’il est juste de favoriser l’artisanat et les commerces de proximité, dont certains sont acteurs de la vie de ces quartiers, l’allongement des exonérations en leur faveur, sans critères exigeants, risque fort de profiter à des entreprises qui seront simplement là pour bénéficier de l’effet d’aubaine.

Il faut intégrer aussi, Monsieur le Ministre, la grave dérive des activités commerciales à caractère ouvertement communautariste qui exacerbent les déséquilibres des quartiers. L’affaire d’Evry est démonstrative.
Plus généralement, nous ne sommes pas opposés à ce que les entreprises soient aidées. Mais, au lieu de baisse des cotisations et impôts sans contrepartie, devenue priorité de l’Etat, nous proposons une modulation des cotisations patronales en fonction des créations d’emplois et, une politique de « crédit sélectif » favorisant les investissements créateurs d’emplois.

Les zones franches sont une des dispositions de votre futur projet de loi de rénovation urbaine, Monsieur le Ministre. Celui-ci prévoit également des opérations de démolition-réhabilitation. Autant d’opérations nécessaires. Le problème, c’est que gouvernement n’a rien prévu pour faire face à la demande de logements sociaux ; il a remis en cause la loi de 1948 et, dans le projet de loi relatif à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction, aucune disposition n’est prévue pour faire face à la demande sociale en matière de logement.

Monsieur le Ministre, le cadre d’une question orale avec débat nous limite dans le travail d’analyse et de propositions pourtant, il convient de ne pas oublier plusieurs questions. Par exemple la situation des demandeurs d’emplois de ces quartiers qui subissent une forme supplémentaire de ségrégation liée à leur seule adresse de domicile. Il est prouvé que le simple fait d’habiter en zone urbaine sensible allonge de 10% le temps de recherche d’emploi.

Il y a également plusieurs rapports dont celui de l’IGAS qui pointe la très faible pérennité des emplois créés. Il y a le coût des exonérations estimé à 20 000 euros par emploi.

Enfin, Monsieur le Ministre, il y a la nécessité de prendre en compte les lourdes contraintes auxquelles sont confrontés les Maires qui, bien au-delà d’un positionnement idéologique, sont amenés à « utiliser » tous les dispositifs présentés, y compris les zones franches urbaines. C’est à eux que nous pensons quand nous formulons nos observations et propositions dans l’intérêt des populations concernées
.
Ces Maires, Monsieur le ministre, vous le savez se débattant dans des difficultés souvent inextricables, il importe donc qu’une politique de la « ville ambitieuse » soit à leur portée.

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Bio Express

Roland Muzeau

Ancien sénateur des Hauts-de-Seine
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