Les rappels au règlement
Le gouvernement détourne à son profit l’espace réservé des groupes parlementaires
Modification de l’ordre du jour -
Par Céline Brulin / 10 mars 2021Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Le Gouvernement a demandé, hier, que la suite de l’examen de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école soit inscrite à l’ordre du jour de ce mercredi 10 mars, à l’issue de l’espace réservé au groupe RDPI, et éventuellement le soir, en vertu de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution. Cette initiative inédite, me semble-t-il, pose question.
Nous demandons que l’article 48 de la Constitution soit examiné avec la plus grande précision. Son alinéa 3 donne un grand pouvoir au Gouvernement pour enclencher l’ordre du jour prioritaire, mais son alinéa 4 donne une compétence exclusive à l’assemblée concernée pour organiser l’ordre du jour des séances consacrées à l’initiative parlementaire, dit « ordre du jour réservé ».
Permettez-moi d’en donner lecture : « Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée, à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée, ainsi qu’à celle des groupes minoritaires. »
La conférence des présidents a fait le choix de ne pas recourir à la soirée de ce jour de séance réservée à l’initiative parlementaire. Ce n’est pas pour autant que le Gouvernement peut l’utiliser à sa guise. L’alinéa 4 l’interdit même expressément.
Par ailleurs, nous estimons que cette intervention du Gouvernement rompt l’égalité de traitement entre les groupes. En effet, ceux qui ne soutiennent pas le Gouvernement ont un espace limité à quatre heures et ceux – je devrais plutôt dire « celui », en l’occurrence – qui le soutiennent ont droit à une rallonge. L’esprit de la Constitution est bafoué !
M. Gérard Lahellec. Tout à fait !
Mme Céline Brulin. Le Gouvernement a déjà trop souvent pris l’habitude d’utiliser le véhicule des propositions de loi, non soumises à l’avis du Conseil d’État et dépourvues d’étude d’impact, comme véhicule législatif. Aujourd’hui, il en vient à utiliser les espaces réservés aux groupes !
Nous suggérons que cette proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école poursuive son chemin législatif sous une forme plus claire et, je dirais même plus, honnête : celle d’un projet de loi. Parce que c’est en réalité ce qu’elle est ! Nous demandons également l’application stricte de l’article 48, alinéa 4 de la Constitution.