Il existe des alternatives aux politiques libérales pour lutter contre le chômage
Commission d’enquête sur les chiffres du chômage en France et dans les pays de l’UE -
Par Bernard Vera et Le groupe CRCE-K / 7 octobre 2016Contribution du groupe CRC.
A l’origine de la commission d’enquête, le groupe Les Républicains avait demandé un état des lieux des méthodes utilisées pour mesurer les chiffres du chômage en France ainsi qu’une étude des politiques publiques mises en œuvre en Europe pour réduire le taux de chômage.
Concernant les conclusions du rapport sur les méthodes de calcul des chiffres du chômage.
Le rapport de la commission d’enquête formule trois propositions principales pour améliorer la lisibilité des chiffres du chômage : la publication mensuelle dans un document unique du nombre de chômeurs établi au sens du BIT par l’INSEE et du nombre de demandeurs d’emploi établi par Pôle emploi, la tenue d’assises annuelles de l’emploi et la réalisation d’études qualitatives portant sur l’évolution des différentes catégories de demandeurs d’emploi.
En réalité, ces propositions ne vont pas vraiment améliorer la fiabilité des chiffres du chômage dès lors que l’on s’abstient de revenir sur les véritables faiblesses du système de comptabilisation comme :
– L’exclusion des départements d’outre-mer qui constituent pourtant 259 000 demandeurs d’emploi en catégorie A en mars 2016 et 335 000 dans l’ensemble des autres catégories (B, C, D et E)
– L’exclusion des catégories D et E considérées comme de « faux demandeurs d’emploi » alors que ces 700 000 personnes sont sans emploi et non immédiatement disponibles car en formation ou en arrêt maladie (catégorie D) ou déjà pourvues d’un emploi (catégorie E).
– La sortie mécanique des chômeurs des différentes listes suite aux réformes destinées à améliorer statistiquement la réalité de l’emploi de notre pays. Ainsi, le nombre de personnes non comptabilisées a explosé.
Les chiffres de Pôle Emploi excluent également certaines catégories de personnes comme les jeunes n’ayant pas droit au versement d’une indemnité chômage et qui ne s’inscrivent donc pas à Pôle Emploi, mais aussi de nombreux bénéficiaires du RSA, avec l’exemple du département du Nord où près de 40% des bénéficiaires ne sont pas enregistrés.
Actuellement l’Insee comptabilise à part le « halo » du chômage. En 2015, l’Insee évaluait le nombre de ces chômeurs découragés ou indisponibles à 2,86 millions. Il est urgent d’évaluer mais également d’intégrer dans les statistiques officielles les personnes qui ne travaillent pas, souhaiteraient travailler, mais ne sont pas disponibles immédiatement ou ne recherchent pas d’emploi car elles se sont découragées.
La progression du nombre de demandeurs d’emploi qui cessent de s’inscrire à Pôle emploi est aussi la conséquence de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC et de la diminution des moyens humains et financiers apportés par l’Etat à Pôle emploi.
Il est temps de réintroduire de l’humain dans les pôles emplois et d’améliorer les conditions d’accueil et d’orientation des demandeurs d’emploi. La question d’une profonde réforme de Pôle emploi n’a pas été abordée par la commission d’enquête.
Concernant la comparaison des politiques de flexibilisation de l’emploi en Europe.
Le choix du périmètre de la commission d’enquête étendu aux réformes libérales de l’emploi menées en Europe oriente les conclusions du rapport en faveur de ces politiques qui convergent toutes vers une flexibilisation accrue du marché du travail, une explosion des contrats précaires, une réduction des droits des salariés et une augmentation des devoirs des chômeurs.
Le rapporteur se défend d’établir des conclusions pour la France, mais pourtant, le panorama des politiques de l’emploi menées en Europe est présenté de manière positive en estimant que l’accroissement de la flexibilisation du marché du travail et le développement de nouvelles formes de contrats précaires, ont permis de réduire le nombre de chômeurs (mini jobs en Allemagne, contrat zéro heure au Royaume-Uni, CDI à protection croissante en Italie).
Afin de réduire le chômage de haut niveau et indemnisé, ces pays européens ont opté pour le recours à des contrats précaires avec toutes les conséquences en termes d’inégalités salariales et de mise en concurrence avec les emplois stables. Ces politiques se sont accompagnées d’une décentralisation de la négociation collective au niveau de l’entreprise notamment en matière salariale et de durée du travail. Une mesure que nous retrouvons dans la matrice de la « Loi travail » que nous combattons vigoureusement tant elle porte gravement atteinte à la protection des droits des salariés.
Le rapport parlementaire présente ces politiques libérales comme le cadre unique d’une simple gestion du chômage et n’apporte pas de critiques sur les conséquences sociales pour les salariés.
Nous réfutons l’efficacité de ces politiques européennes menées en matière d’emploi qui ont considérablement réduit les droits des salariés et aggravé les inégalités sociales. Elles ont provoqué partout une facilitation des licenciements, le développement des CDD et de l’intérim.
Ces politiques convergentes participent d’une offensive ultra libérale de grande ampleur. Elles conduisent, dans tous les pays où elles sont mises en œuvre, à l’explosion de la précarité et de la pauvreté.
Il existe pourtant des alternatives aux politiques libérales pour lutter contre le chômage. La mobilisation en France contre la loi « travail » a démontré le refus de la casse des droits sociaux et de la précarisation. Il est grand temps de changer radicalement de logique et de passer du moins disant social à la sécurité pour toutes et tous.
Derrière les chiffres du chômage, il y a des hommes et des femmes qui sont en souffrance et en grandes difficultés. La grande majorité d’entre eux aspirent à un emploi stable et suffisamment rémunéré.
La lutte pour l’emploi en France passe par trois nécessités : maintenir l’emploi existant en agissant contre les licenciements, créer des emplois nouveaux en développant l’activité et en réduisant le temps de travail et relancer une politique industrielle et durable.
Pour maintenir l’emploi et agir contre les licenciements nous portons un projet de Sécurité de l’emploi et de la formation qui vise à l’éradication progressive du chômage en s’appuyant sur une autre utilisation de l’argent au service de l’emploi et sur les pouvoirs nouveaux pour les salariés dans les entreprises et pour les citoyens dans les territoires. La création d’emplois nouveaux passe par la réduction du temps de travail et l’augmentation des salaires. Enfin, il est nécessaire d’engager une lutte fondée sur une stratégie de plein emploi qui ne relève pas de l’utopie mais d’un choix de société. Appuyée par une vigoureuse politique industrielle et durable, la lutte pour l’emploi est possible. Pour y parvenir l’argent ne doit pas être capté par la finance mais servir l’épanouissement humain.
C’est pour ces raisons que notre groupe a voté contre le rapport.