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Et le pouvoir d’achat des collectivités locales ?

La Dotation globale de fonctionnement (DGF) doit être indexée sur l’inflation -

11 juillet 2022

Alors que la fragilisation des comptes locaux par la contrainte financière ne peut être que contre-productive, faire évoluer la DGF des collectivités en fonction de l’inflation, liée au contexte économique, est une protection pour les finances locales et donne une meilleure visibilité sur l’évolution de leurs recettes.

Ressource primordiale des collectivités territoriales, la dotation globale de fonctionnement (DGF) est l’un des piliers de l’autonomie financière locale. Historiquement créée pour compenser la suppression de ressources fiscales, cette dotation continue partiellement d’assumer ce rôle aujourd’hui, mais elle est aussi destinée à financer les charges de fonctionnement des collectivités.

Instituée par la loi du 3 janvier 1979, la DGF vient remplacer le « versement représentatif de la taxe sur les salaires », elle est prélevée sur les recettes de l’État et est égale à 16,45% de produit net prévisionnel de la TVA. Par la même occasion, le comité des finances locales est créé et chargé d’en définir ses modalités de répartition. D’abord divisée en une dotation forfaitaire et une dotation de péréquation, la DGF est réformée en 1985 et décomposée en 4 parts du côté communal et 4 parts du côté départemental. De nouvelles dotations internes s’y sédimenteront progressivement comme la dotation de solidarité urbaine (DSU) créée en 1991 dans le contexte des débuts de la politique de la ville, d’autres liées à l’intégration du fait intercommunal comme la dotation d’aménagement, puis la dotation de solidarité rurale (DSR) en 1993, et en 2004 la DGF des régions est créée (pour disparaître en 2018 au profit d’une fraction de TVA) ainsi que la dotation nationale de péréquation (DNP) des communes.

Dans la loi de finances pour 1990, la DGF est indexée à un indice composite associant l’indice des prix à la consommation (donc à l’inflation) et une fraction de l’évolution du PIB, et non plus liée à la TVA. En 1996, dans la logique de limitation de la progression des concours financiers de l’État aux collectivités, une « enveloppe normée » est créée avec une évolution contrainte par un indice prédéterminé, qui sera l’inflation de 1996 à 1998, puis de 1999 à 2007 l’évolution de la DGF est égale à l’inflation majorée d’une fraction du taux de croissance du PIB de nouveau, puis en 2008 sur la seule inflation. Mais la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 impose un gel des dotations aux collectivités, gel strict puisque ne tenant plus en compte de l’inflation, reconduit jusqu’en 2013 avec un montant de la DGF fixé en valeur à l’article L. 1613-1 du Code général des collectivités territoriales à chaque loi de finances. En 2014, commence pour la première fois depuis le début de la Vème République la baisse des concours de l’État aux collectivités, avec une diminution de 1,5 milliard qui inaugure la baisse de 12,5 milliards de 2014 à 2017. Avec la dotation des régions en moins (3,9 millions en 2017), la DGF est de 26,9 milliards en 2018, bien loin des 41,4 milliards six années plus tôt.

Depuis 2017, l’exécutif revendique une stabilité de la dotation clef des collectivités, avec un niveau plus ou moins maintenu (26,7 milliards en 2022).En réalité, cette stabilité n’est que superficielle puisque d’une part, elle ne revient pas sur les coupes budgétaires des années précédentes, et d’autre part, elle n’est pas augmentée par rapport à l’évolution des prix. Si l’on accumule l’ensemble des budgets, ce sont plusieurs milliards d’euros qui manquent à l’appel pour les collectivités. L’artifice de la stabilité se démontre également par l’augmentation de dotations à l’intérieur d’une enveloppe globale de DGF qui ne bouge pas. Le Gouvernement affiche fièrement des augmentations comme pour la DSU et la DSR cette année, alors qu’il les finance en écrêtant les dotations d’autres collectivités. Le Gouvernement réalise de la péréquation verticale sur le dos d’une péréquation horizontale qui ne dit pas son nom ! La réalité c’est bien que 18 500 communes ont subi une baisse de leur DGF en 2021 et payent cette péréquation croissante face à une dotation globale stagnante.

La politique austéritaire, encouragée par les règles budgétaires européennes, est imposée d’en haut et les dotations viennent de moins en moins abonder directement les budgets locaux, remplacées par des dispositifs de contractualisation et d’appels à projets pré-orientés selon les priorités gouvernementales. Cette logique va contre la libre administration des collectivités. D’autant plus que pendant que les dotations diminuent, les attentes envers les collectivités augmentent. Les compétences locales sont de plus en plus encadrées techniquement alors que l’accompagnement en termes d’ingénierie territoriale a reculé. Les services publics s’éloignent des citoyens et les collectivités doivent compenser le rôle que tient de moins en moins l’État (on le voit avec le financement des Maisons France Services). L’investissement public local est toujours une clef de voûte de la croissance économique et de l’attractivité française (a fortiori dans la relance d’après crise).

L’épidémie de covid-19 prouve la capacité d’action, de réaction des élus locaux et leur résistance. Cependant, le bloc communal a été contraint de réduire en 2020 ses investissements de 13 %, l’épargne brute des collectivités a diminué de 11,4 % et les conséquences des multiples réformes de la fiscalité locale commencent à peser lourdement sur les épaules des élus locaux. Faire davantage avec toujours moins devient difficile. Les collectivités continuent d’investir mais les prix augmentent (notamment dans le secteur du bâtiment), elles continuent de salarier et de financer les augmentations décidées par l’exécutif sans leur assurer de compensations. L’étau se resserre et il a fallu une crise épidémique puis économique pour que le Gouvernement se décide enfin à lever temporairement les « Contrats de Cahors », mais la politique austéritaire demeure le fil rouge de cette vision d’État-manager plus qu’accompagnateur. Le contexte de la crise met d’ailleurs en lumière les insuffisances de l’action publique de l’État en termes d’initiative et d’anticipation. Ce sont les élus locaux qui ont dû assumer les conséquences de la situation sanitaire et des décisions nationales, en être les premiers remparts sur le terrain sans recevoir d’accompagnement d’en haut à la hauteur de leurs efforts. L’exemple de la prise en charge des achats de masques par l’État seulement pour moitié et dans un lapse de temps réduit l’illustre bien. La demande croissante de moyens des élus locaux se justifie d’autant plus que l’État est en recul et que les collectivités pallient ses défaillances.

La loi de finances pour 2016 prévoyait une réforme de la DGF reportée en 2017, puis en 2018 et finalement tombée dans l’oubli, jamais réalisée, à l’exception de quelques indicateurs dans la loi de finances pour 2022. L’architecture de cette dotation et de la myriade de sous-dotations qui y sont rattachées a été réformée plusieurs fois sans être simplifiée. Aujourd’hui, la DGF est composée de sa part communale, elle-même divisée entre les EPCI (pour une part compensation et une part intercommunalité) et les communes (pour une part forfaitaire et une part péréquation composée de la DSU, DSR et DNP), et de sa part départementale (elle-même divisée en 3 fractions). La DGF représente un peu plus de la moitié de l’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités, 12,5% des recettes de fonctionnement des départements et 15% de celles des communes.

Une réforme globale de la DGF est nécessaire, afin de sortir de cette sédimentation de dotations et de cette quantité innombrable d’indicateurs opaques, qui ne correspondent plus à la réalité, qui dessaisissent les élus face à l’administration centrale et manifestent une absence de sens concret pour les citoyens. Un processus démocratique doit être réalisé afin de réformer en profondeur les recettes des collectivités pour gagner en lisibilité avec un système qui serait d’abord plus juste, basé sur des principes permettant de garantir l’égalité territoriale tout en la conjuguant avec la situation particulière propre à chaque collectivité. À titre d’exemple, notre ancien collègue et camarade Gérard Le Cam avait porté au nom de notre groupe en 2013, sur les bancs du Sénat, une proposition de loi tendant à réduire les inégalités induites par le coefficient logarithmique1(*) : utilisé pour calculer la dotation de base des communes en fonction de leur population, il l’accroit artificiellement en créant un rapport de 1 à 2 entre les petites communes et celles plus peuplées, privilégiant ainsi les charges d’urbanité sur celles de ruralité pourtant croissantes. De telles inégalités de traitement entre collectivités ne sont plus justifiables.

En attendant qu’une telle réforme soit entreprise, nous souhaitons a minima rendre plus juste et plus lisible cette DGF en l’indexant sur l’inflation. Cette augmentation, chaque année, serait un signe positif envoyé aux élus et citoyens, afin de sortir de cette spirale de minoration permanente des recettes locales. Les élus locaux ne peuvent se contenter d’une apparente stabilité de leurs concours après des années de baisse. Réindexer la DGF sur l’indice des prix à la consommation permettrait au moins de fixer un objectif d’évolution minimum concret. Alors que la fragilisation des comptes locaux par la contrainte financière ne peut être que contre-productive, faire évoluer la DGF des collectivités en fonction de l’inflation, liée au contexte économique, est une protection pour les finances locales et donne une meilleure visibilité sur l’évolution de leurs recettes. La prévisibilité des mandats locaux en ressortirait consolidée. Pour 2022, c’est un manque à gagner de plus de 400 millions d’euros que les collectivités n’ont pas touché par rapport au taux prévisionnel d’inflation de 1,5 % annexé à la loi de finances. Actuellement l’inflation bat des taux records, aggravée par le contexte international lié à la guerre en Ukraine, et les prix de l’énergie mais aussi du marché agroalimentaire augmentent dangereusement. Selon les dernières estimations de l’INSEE de fin mars dernier, les prix à la consommation augmentent de 4,5% sur un an (avec respectivement +29,2% pour l’énergie et +2,9% pour l’alimentation)2(*). Ces variations des prix impactent directement les collectivités qui assurent le fonctionnement des services publics tels que les cantines ou bien les infrastructures sportives et culturelles. Nous souhaitons par cette proposition de loi réduire ce décalage croissant entre la DGF des collectivités et la réalité des charges qu’elles assument.

L’article 1er vise à indexer la dotation globale de fonctionnement sur le taux d’indice des prix à la consommation prévisionnel annexé à chaque loi de finances, arrondi au demi entier supérieur.

L’article 2 constitue le gage financier.

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