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Nos propositions de loi et de résolution

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Proposition de loi constitutionnelle confortant le principe de laïcité

Par / 24 novembre 2022

En consacrant le deuxième article de la loi de 1905, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE entendent renforcer la laïcité, principe consubstantiel à l’idéal républicain.

La laïcité puise sa source dans le temps long de notre histoire, sous des formes différentes, selon les configurations politiques dans lesquelles notre pays s’est trouvé. Sans céder à une exhaustivité historique peu compatible avec le travail législatif, il est utile de rappeler ici que les historiens voient dans la querelle entre le Pape Boniface VIII et le roi Philippe le Bel (1294-1303) les prémices du combat naissant entre pouvoir politique et spirituel et donc, in fine, de la séparation du politique et du religieux. Il faudra néanmoins attendre la Révolution française pour que se matérialisent les premières mesures concrètes en matière de laïcité. Les révolutionnaires mettront d’abord fin à la monarchie de droit divin en affirmant que la souveraineté n’émane plus de dieu, mais de la nation. Ils graveront ensuite la reconnaissance de la liberté de conscience et de culte dans le marbre de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. ». Suivra enfin le décret du 3 Ventôse an III (février 1795) qui, pour la première fois, séparera formellement l’Église et l’État, avant que la Commune de Paris (1871) n’en fasse de même, tout en actant la suppression du budget des cultes.

La loi de 1905

C’est en parfaite connaissance de cette histoire que les parlementaires de la III République ont voulu ériger le principe de laïcité comme un pilier essentiel de notre démocratie.

En 1905, dans le sillage d’Aristide Briand, rapporteur du projet de loi, et de Jean Jaurès, figure emblématique du Palais-Bourbon, les parlementaires ont amendé et discuté ce projet de loi pendant dix mois, après un débat de deux ans au sein d’une commission spéciale sur la séparation des Églises et de l’État présidée par Ferdinand Buisson, et dont le rapporteur était déjà Aristide Briand. Cette commission avait pour objectif d’étudier les huit propositions de loi déposées sur le sujet et de trouver, dans la mesure du possible, un compromis satisfaisant pour toutes les forces politiques en présence.

Après d’intenses discussions aujourd’hui passées à la postérité1(*), ce texte de loi a été approuvé par la représentation nationale. Il pose les grands principes qui définissent la laïcité telle qu’elle s’applique aujourd’hui dans notre pays : liberté de conscience et de culte, séparation de l’Église et de l’État, neutralité de ce dernier en matière religieuse, ce qui lui impose de ne reconnaître aucun culte et de n’en salarier aucun.

Le principe de laïcité a ensuite acquis une valeur constitutionnelle avec la Constitution de 1946, laquelle reconnaît, grâce à l’adoption d’un amendement du député communiste Étienne Fajon, le caractère indivisible, laïque, démocratique et sociale de notre République. Les élus communistes estimaient nécessaire que la laïcité de l’État, qui se traduit par la séparation de l’Église et de l’État et le principe selon lequel l’État ne reconnaît ni ne protège aucun culte ni aucune religion, soit inscrite dans notre texte fondamental. L’article premier de notre Constitution actuelle dispose également du caractère laïque de la V République, ajoutant également que celle-ci « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Une loi de 1905 inégalement appliquée

Néanmoins, ce principe constitutionnel de laïcité connaît de nombreuses exceptions et ne s’applique pas de façon homogène sur tout le territoire national. C’est notamment le cas en Alsace-Moselle où le concordat s’applique. Intervenu en 1801 lorsque Napoléon n’était alors que Premier consul, le concordat fut l’aboutissement d’un accord entre l’État français et la papauté, faisant de la religion catholique celle de la « grande majorité des français », tout en donnant au chef de l’État le pouvoir de nomination des évêques. Il en sera de même avec le culte israélite qui verra certains délégués des consistoires directement nommés par les préfets. L’objectif poursuivi par Napoléon était double : mettre fin à la Révolution française en redonnant un statut important à la religion catholique, tout en s’assurant que le pouvoir spirituel, confondu et contrôlé par le pouvoir temporel, ne serait pas une menace dans l’exercice de son pouvoir absolu. Ainsi, le concordat peut être considéré comme l’antithèse du principe de séparation mis en oeuvre par les législateurs de 1905, lesquels ne pouvaient pas intervenir s’agissant du concordat d’Alsace-Moselle, puisque ces territoires étaient alors allemands, après la défaite française de 1871. Il ne sera jamais pourtant jamais remis en cause, aussi bien en 1918 lorsque ces départements sont revenus à la France après la signature du traité de Versailles, ni au moment de la libération.

Pis, dans sa décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013, le Conseil constitutionnel a estimé que les constituants de 1946 et 1958, en instaurant la laïcité comme constitutive de la République, n’avaient pas eu pour dessein d’abroger les régimes dérogatoires en vigueur dans certains de ses territoires. Bien que ce point soit contesté par une partie de la doctrine, il a donc jugeì que les dispositions relatives aÌ la rémunération des ministres du culte, tirées de l’article VII de la loi du 18 germinal an X pour les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, et fondées sur l’article 36 de l’ordonnance royale du 27 aout 1828 pour la collectivité territoriale de la Guyane, autre grand régime dérogatoire à la loi de 1905, étaient conformes aÌ la Constitution.

Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel indique que le libre exercice des cultes possède bien une valeur constitutionnelle. Il en est de même pour les deux principes selon lesquels la République ne reconnaît et ne salarie aucun culte. En revanche, le principe selon lequel la République ne subventionne aucun culte, mentionneì par l’article 2 de la loi de 1905, n’est pas retenu par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2013, de sorte qu’il n’a donc qu’une valeur législative et qu’il peut y être dérogé par la loi. L’interdiction de salarier un culte, c’est-aÌ-dire de rémunérer les ministres d’un culte, doit être distinguée de l’interdiction de subventionner un culte, aÌ laquelle le législateur n’est donc pas tenu.

En vertu de ces dispositions, le législateur a autorisé le subventionnement des cultes, de façon directe ou indirecte, ainsi que la jurisprudence libérale du Conseil d’État l’a définie : avantages fiscaux, subventions autorisées en matière d’édifices cultuels, bail emphytéotique administratif, garanties d’emprunts. En ce sens, la loi confortant les principes de la République est venue noircir le tableau, en favorisant les immeubles de rapport, de sorte que les cultes puissent tirer bénéfice de leur patrimoine, tout en renforçant une logique concordataire à travers l’obligation pour les associations cultuelles de se signaler tous les 5 ans auprès du préfet.

Les raisons politiques qui ont conduit à ces renoncements et aux décisions juridiques qui en procèdent sont nombreuses et variées. Elles nous imposent aujourd’hui de vivre dans une République où la séparation et donc la laïcité sont incomplètes, rendant de facto impossible l’égalité entre les citoyennes et les citoyens.

Une proposition de loi pour appliquer le principe de laïcité sur l’ensemble du territoire

Cette situation ne peut demeurer intacte pour ceux qui, comme les auteurs de cette proposition de loi, entendent édifier la République laïque et sociale que Jean Jaurès appelait de ses voeux.

La loi de 1905 doit pour cela s’appliquer partout sur le territoire national. Nous devons poursuivre le travail de nos augustes prédécesseurs et permettre à la laïcité de continuer son oeuvre émancipatrice.

C’est tout le sens de l’article unique de ce texte de loi, lequel propose de constitutionnaliser le premier alinéa de l’article 2 de la loi de 1905. L’objectif est d’aller au bout du processus de séparation entre l’Église et l’État.

En cas d’adoption par le Parlement, la présente proposition de loi serait soumise à référendum, tel que le prévoit l’article 89 de notre Constitution. Pour leur part, les auteurs de ce texte considèrent qu’une consultation des Françaises et des Français aurait pour effet de créer un nouvel engouement démocratique autour de ce patrimoine laïque auquel nos concitoyens sont très attachés. La campagne préalable à ce référendum nous permettrait de redécouvrir notre histoire politique et de déterminer ensemble ce qu’est la laïcité et ce qu’elle n’est pas. Plus les mobilisations citoyennes seront nombreuses à ce sujet et mieux notre République laïque et sociale se portera.

Juridiquement, l’adoption de cette proposition de loi traduirait la volonté sans équivoque du législateur et du peuple français de mettre fin à tous les régimes dérogatoires à la loi de 1905. Le Conseil constitutionnel n’aurait dès lors d’autres choix que d’harmoniser le droit en matière, provoquant, à terme, l’abrogation des régimes dérogatoires à la loi de 1905, en particulier le concordat en Alsace-Moselle et l’ordonnance royale de 1828, qui fait du seul culte catholique la religion d’État en Guyane. Les collectivités concernées par ce changement de statut disposeraient du temps nécessaire pour procéder aux modifications qui conviennent en matière de subventionnement des cultes, sans qu’il soit question de bouleverser le droit local, notamment en Alsace-Moselle. Sauf en cas de saisine parlementaire préalable, un vote positif donnerait également lieu à de multiples questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), émanant de la part de citoyens, ce qui obligerait le juge constitutionnel à revenir sur tout ce qui fait entrave à la séparation des Églises et de l’État.

Politiquement, l’adoption de cette proposition de loi dévoilerait au grand jour les différences entre ceux qui demeurent viscéralement attachés à la République, à l’héritage des Lumières et à celui de la Révolution française et ceux souhaitant inscrire dans notre Constitution que la France est de tradition chrétienne, tout en se prétendant les champions de la laïcité lorsqu’ils pourfendent, injustement, nos compatriotes de confession musulmane.

Ce débat n’est pas nouveau. En 2016, une proposition de loi constitutionnelle a été déposée par le groupe RDSE. Elle visait à inscrire dans la Constitution les principes fondamentaux de la loi 1905. Ce texte, différent sur le plan juridique, a été refusé, au motif que son adoption aurait créé des difficultés politiques dans les territoires concernés par l’extension de la loi de séparation des Églises et de l’État. La majorité socialiste de l’époque a quant à elle renoncé à respecter cet engagement, pourtant contenue dans le programme du candidat François Hollande.

Les auteurs de cette proposition de loi appellent aujourd’hui à la convergence de tous les républicains autour de ce projet politique essentiel, afin que la laïcité s’applique dans tous les recoins de notre pays. Il en va de la pérennité de notre modèle républicain dont nous voyons bien qu’il demeure aujourd’hui une cible de premier choix pour ses adversaires de toujours.

Faisons en sorte de donner raison à Victor Hugo lorsque celui-ci demandait à ce que l’État reste chez lui et l’Église chez elle.

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