Nos propositions de loi et de résolution
Remettre la politique de commerce des armes au centre du débat démocratique
Contrôle du commerce des armes -
Par Christine Prunaud et Le groupe CRCE-K / 31 juillet 2017Engagés pour la Paix, les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE sont persuadés que le règlement pacifique des conflits et des litiges est nécessaire. C’est de cette conviction qu’est partie la volonté des auteurs de déposer cette proposition de loi qui reprend les travaux de leur ancienne collègue du groupe CRC, la Sénatrice du Nord, Madame Michelle DEMESSINE.
Or, la situation actuelle du monde et de la politique française d’armement est incompatible avec une culture de paix, tant le nombre d’armes en circulation légalement ou illégalement (après un passage automatique par le marché licite) est en constante augmentation. S’il ne s’agit pas de nier aux États le droit de se protéger, nous refusons de voir l’industrie d’armements n’être qu’un pan comme les autres de la stratégie commerciale de la France ou une variable d’ajustement de la balance commerciale de notre pays. Pourtant, c’est sous cet aspect qu’est considéré ce commerce, en témoigne à la fois l’explosion des chiffres de la vente d’armes par la France (quasiment du simple au triple en l’espace de dix ans) et les destinations de contrats d’armement. En effet, dans quelle mesure la vente d’armes à des États ne respectant pas les Droits de l’Homme ou soupçonnés de liens avec des organisations terroristes ou agressifs avec leurs voisins pourrait-elle permettre d’oeuvrer à la paix ?
Renforcement et réforme du fonctionnement de l’Organisation des Nations Unies, démantèlement total et multilatéral des arsenaux nucléaires, réduction du nombre d’armes en circulation dans le respect de l’article 51 de la Charte des Nations Unies sur le droit à la légitime défense, reconversion des industries d’armements... les pistes pour avancer vers un idéal de paix sont nombreuses. Mais l’une est rarement évoquée alors même qu’elle est centrale : pour aller vers la Paix, il faut beaucoup mieux réguler ce qui provoque les conflits : la vente d’armes.
Cette proposition de loi s’appuie sur deux leviers. Le premier est de remettre la politique de commerce des armes au centre du débat démocratique en renforçant le rôle du Parlement, avec l’objectif que les parlementaires prennent leur responsabilité en bloquant certaines ventes lorsque la situation l’exige. Le second vise à faire transcrire dans la législation française un texte international sur les embargos.
Ainsi, cette proposition de loi vise à renforcer la mission de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques telle que le prévoit le premier alinéa de l’article 24 de la Constitution. En effet, si le chef des armées reste le Président de la République (article 15 de la Constitution) et si ce dernier négocie aussi les traités (article 52 de la Constitution), l’opacité dans laquelle sont menées ces négociations et ces ventes posent question. Ainsi, le rapport annuel remis au Parlement ne fait pas l’objet de débats, et aucun contrat n’est soumis au vote du Parlement, malgré le fait que l’article 53 de la Constitution rappelle que « Les traités de paix, les traités de commerce, [...] ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés. » Si les auteurs de cette proposition de loi ont conscience que la Ve République est avant tout un régime présidentiel, l’absence d’intervention parlementaire dans le processus de ventes d’armes pose une vraie question démocratique : comment justifier que des contrats d’armement, qui alimentent les conflits internationaux auxquels prennent part nos compatriotes, ne fassent jamais l’objet d’un examen ou d’une discussion avec les Représentants de la Nation ? L’objectif sous-jacent de renforcer le rôle des parlementaires dans le commerce des armes est de rappeler que ce dernier revêt une importance toute politique et ne pourra jamais être autre chose qu’une production d’exception. Les auteurs de cette proposition de loi considèrent qu’il y a aujourd’hui un déficit démocratique dans un domaine qui relève pourtant des intérêts fondamentaux de la Nation.
L’autre enjeu majeur est de faire adopter un projet de loi en discussion depuis 2006 reprenant les règles internationales en matière de respect des embargos et de qualification des infractions à ces derniers. Il apparaît problématique que la France mette plus de dix ans à faire rentrer dans son droit national des dispositions unanimement saluées au niveau international.
I. LA FRANCE, PLACE FORTE DE LA VENTE D’ARMES
1) Sa place dans le monde : clients, matériels et chiffres
Quatrième exportatrice mondiale après les États-Unis et la Russie et en lutte pour la troisième place avec la Chine, la France est une toute première puissance sur le marché du commerce des armes. Ainsi, alors que la dernière décennie avait vu la France vendre pour environ 7 à 8 milliards d’euros de matériel d’armement par an, le chiffre des exportations a bondi à 17 milliards d’euros en 2015. Mais ce chiffre-record a été battu par l’année 2016 avec l’annonce officielle le 19 janvier dernier du ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN, faisant état de 20 milliards d’euros de prises de commande pour l’année 2016. grâce à la signature de nouveaux contrats particulièrement importants avec l’Australie pour douze sous-marins Barracuda (marché total de 37 milliards d’euros sur cinquante ans), avec le Koweït pour trente hélicoptères Caracal (1 milliard d’euros) et avec le Qatar, l’Égypte et l’Inde pour vingt-quatre et trente-six avions de combat Rafale (6,3 ; 5,2 et 10 à 12 milliards d’euros).
On pourrait aussi citer le contrat signé en novembre 2014 prévoyant initialement la livraison au Liban de trois milliards de dollars d’armement par le biais d’un financement saoudien, armements finalement délivré à l’Arabie Saoudite suite à la rupture des relations diplomatiques entre Beyrouth et Riyad. Au total et pour 2015, ce sont en tout plus de 5 000 contrats de ventes d’armement qui ont été passés entre la France et ses partenaires.
Ce développement des exportations d’armes françaises tient à quatre éléments majeurs. Premièrement, et comme le note Douglas BARRIE, expert au sein de l’International Institute for Strategic Studies (institut de recherche de référence en relations internationales basé à Londres), la France « a adopté une politique plus libérale que ses concurrents en matière de transferts de compétences ». C’est notamment une des raisons qui a conduit l’Australie à contracter l’accord avec la France et DCNS pour les douze sous-marins Barracuda, ces derniers dominant alors le ticket Allemagne/ThyssenKrupp Marine Systems et leur modèle Ula216 d’une part, et le ticket Japon/Mitsubishi/Kawasaki et leur modèle Soryu d’autre part.
Deuxièmement, la diplomatie française a fait le choix de s’appuyer sur ses alliés diplomatiques historiques, notamment au Moyen-Orient et en Asie, pour renforcer les coopérations militaires. Ainsi, le dernier quinquennat aura vu l’Égypte, les Émirats Arabes Unis et la Chine concentrer près de 40 % des exportations françaises d’armement.
Troisièmement, le matériel français semble arriver à maturité et pouvoir s’appuyer sur un label longtemps resté l’apanage des États-Unis, la reconnaissance de l’efficacité du matériel sur les terrains opérationnels (label « combat proven ») du fait de la multiplication des opérations extérieures auxquelles participent la France ou qu’elle dirige. Cela permet de rassurer les investisseurs étrangers en garantissant d’une part la qualité du matériel et la confiance que la France a en lui et d’autre part une assurance qu’en cas de conflit, des français soient en capacité de le mener. Cela pose toutefois la question du sur-déploiement des forces françaises à l’étranger et le maintien d’infrastructures d’essais de matériel hors laboratoires, malgré les enjeux humains et écologiques.
Enfin et quatrièmement, la France participe ici à un réarmement international global, sous l’impulsion de plusieurs éléments : consigne politique de l’OTAN depuis le sommet gallois de l’été 2014, regains de tensions diplomatiques et réarmement russe (plan d’investissement de 563 milliards d’euros finalement revu à la baisse et augmentation des dépenses militaires de l’ordre de 215 % entre 2000 et 2016) et renforcement de la lutte anti-terroriste.
2) Une stratégie d’équilibrage de la balance commerciale et de sauvegarde de l’emploi
Cette recherche française de nouveaux contrats d’exportation d’armements a été explicitée dans le rapport annexé à la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Ainsi, il y est dit que « la France fait le choix de considérer que l’industrie de défense est une composante essentielle de son autonomie stratégique. Elle est aussi un facteur de compétitivité pour l’ensemble de l’économie. Elle joue un rôle majeur pour l’emploi industriel. Elle fonde aussi l’expression d’une ambition à la fois politique, diplomatique et économique. ». La prochaine loi de programmation militaire couvrant la période 2019-2025, actuellement en discussion au Parlement, maintient cet axe stratégique par le biais de simplification des dépôts de brevet pour l’armement et en menant un plan de recrutement de 400 personnes au sein de l’opérateur SOUTEX.
Il s’agit ici tout à la fois de maintenir à flot une industrie source de 165 000 emplois directs et indirects par le réseau des grands groupes comme DCNS, STX, Dassault ou Thalès (même si on peut s’étonner que le nombre d’emplois continue à baisser alors que ces entreprises font des profits records), de permettre à la France de limiter le déficit de la balance commerciale, le solde français étant négatif depuis 2004 et s’établissant à 45,7 milliards d’euros sur l’année 2015 et 53,1 milliards d’euros sur l’année 2016. De fait, l’industrie d’armement est devenue un des principaux leviers pour renforcer le solde des exportations françaises, le montant des contrats signés pouvant rapidement monter très haut et ces derniers s’inscrivant généralement dans des coopérations larges et durables. Ainsi, les entreprises exportatrices d’armement représentaient sur la période 2010-2013 1 % des entreprises françaises d’export quand leurs réalisations à l’international pesaient 24 % du total des exportations.
Un tiers aujourd’hui de la production d’armements française est destinée à l’exportation, ce qui interroge alors même que les forces de sécurité françaises pâtissent de graves manques en matière d’équipements offensifs et défensifs.
Enfin, le précédent gouvernement a fait le choix de s’appuyer largement sur les exportations d’armement pour maintenir une industrie vitale pour l’indépendance opérationnelle et matérielle de la France. Ainsi, si les contrats d’exportation ont représenté en 2016 20 milliards d’euros, les contrats nationaux ont, eux, été limités à 10 milliards d’euros.
Cette indépendance est toutefois aujourd’hui mise à mal. Le remplacement du FAMAS français (dont la manufacture située à Saint-Étienne a fermé en 2001) par le fusil d’assaut HK416 allemand avec l’attribution d’un marché de dix ans représentant 225 millions d’euros à une filiale italienne du conglomérat allemand Rheinmetall AG pour les bombes MK82 pourtant productibles en France, par le biais de la Société des Ateliers Mécaniques de Pont sur Sambre (SAMP) résultent de choix industriels contestables, au moment où une filière française « armes et munitions » manque cruellement. De la même manière, le cas STX pose question tant la nationalisation temporaire du groupe naval semble n’être au final qu’une opération de dernier recours après des années d’inaction de l’État et la volonté affichée, au mépris de l’indépendance opérationnelle de la France, des conditions de travail des salariés et de l’avenir industriel du pays, d’ouvrir le capital aux concurrents italiens de Fincantieri. La prise de contrôle, pour l’instant avortée, par ces derniers de l’entreprise posent la question du désengagement de l’État dans son industrie et des transferts de compétences et d’emplois à l’étranger. À ce titre, la contraction des budgets nationaux dans le but de limiter les déficits publics a tout à la fois fragilisé l’emploi industriel, précarisé les conditions d’exercice des militaires et obligé les industriels à se tourner vers l’exportation.
II. UN CONTRÔLE ET UNE LÉGISLATION INCOMPLÈTE EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER
1) Les traités internationaux
Chaque année, plus de 300 000 personnes sont tuées directement ou indirectement par des armes classiques. Les dépenses militaires mondiales n’ont, par ailleurs, cessé d’augmenter ces dernières années pour revenir à un niveau plus connu depuis la fin de la Guerre froide. Selon les chiffres du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), 172,2 milliards d’armes classiques auraient été exportées sur la période 2012-2016, soit 8,4 % de plus que sur la période 2007-2011 avec pour les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et l’Allemagne (74 % du total des exportations) et pour les plus gros importateurs l’Inde, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, la Chine et l’Algérie (34 % du total des exportations). Il est à souligner que l’Arabie Saoudite et le Qatar ont chacun augmenté leur importation d’armes de respectivement 212 et 245 % entre les périodes 2007-2011 et 2012-2016. Plus largement, l’exportation ou le transfert d’armements représentait 1 700 milliards de dollars en 2014, en augmentation d’un tiers depuis 2004.
La Charte des Nations Unies signée à San Francisco le 26 juin 1945 et réunissant 193 États en 2015 a érigé deux principes fondamentaux, le devoir de la recherche de paix entre les États et le droit de ces derniers à se protéger. Ainsi, l’article 26 dispose (qu’) « afin de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé, avec l’assistance du Comité d’état-major prévu à l’Article 47, d’élaborer des plans qui seront soumis aux Membres de l’Organisation en vue d’établir un système de réglementation des armements. » pendant que l’article 51 établit (qu’)« aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. ».
Ainsi, dans le respect du droit des peuples à se défendre, l’ONU ne vise pas la disparition pure et simple des systèmes de défense et donc des exportations d’armes afin que les pays non-producteurs puissent accéder aux matériels nécessaires. Toutefois sont fixés d’une part des objectifs de limitation du nombre de pièces d’armement en circulation et de contrôle desdites pièces et d’autre part une autorité de l’ONU en matière d’interventions armées avec le principe d’interventions sous mandats de l’ONU.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Nous l’avons déjà vu, le nombre d’armes en circulation, s’il a baissé de la fin de la Guerre froide au début des années 2000 n’a eu de cesse d’augmenter depuis. Recrudescence des conflits territoriaux, émergence de nouvelles formes de terrorisme de masse avec notamment la montée en puissance d’Al-Qaïda et de Daesh, regains de tensions diplomatiques... les raisons à ce réarmement global sont nombreuses. Mais la principale inquiétude reste de profondes mutations dans les choix stratégiques et géopolitiques des États avec une organisation atlantique tournant le regard vers l’est et s’engageant massivement, notamment au Moyen-Orient. Par ailleurs le Japon a mis fin à l’interdiction de vente à l’étranger en cours depuis 1967. Enfin certains États voient dans les armements un axe de croissance important (la Corée du sud, Israël misant sur les drones et la cybernétique ou encore les Émirats Arabes Unis soucieux de préparer l’après-pétrole...).
Par ailleurs, le principe d’interventions armées réduites à leur stricte nécessaire et sous mandat de l’ONU est aujourd’hui remis en cause. Les exemples les plus marquants restent les opérations « Force alliée » au Kosovo par l’OTAN, « Liberté irakienne » par les États-Unis et « Protecteur unifié » américano-franco-britannique en Libye. La première résulte d’un échec diplomatique en mars 1999 pour contraindre Slobodan MILOSEVIC à signer un plan de paix au Kosovo. Ce n’est qu’à partir de juin 1999 que l’ONU administrera le retrait serbe du territoire kosovar. La seconde est menée par les États-Unis en 2003 contre le régime Baas irakien sans l’accord du Conseil de Sécurité des Nations Unies mais avec l’appui de l’OTAN d’une part (mise en place opérationnelle et appui diplomatique illustré notamment par la Lettre des Huit du 29 janvier 2003) et du groupe de Vilnius d’autre part. La dernière s’appuie certes sur une résolution des Nations Unies autorisant les États membres à intervenir pour protéger les civils sous la menace d’attaques en Libye, mais l’interprète très librement en en faisant une opération de renversement de Mouammar KADHAFI.
Si le nombre d’armes en circulation a drastiquement augmenté depuis plus de quinze ans maintenant, la communauté internationale s’est dotée d’un certain nombre de traités impliquant la France et visant la régulation du commerce des armes. Toutefois, l’efficacité de ces traités est aujourd’hui sujette à débat dans la mesure où ils ne sont aucunement contraignants et s’appuie sur le principe de l’autorégulation par les États de leur propre production et de leur propre commerce.
Outre les embargos basés sur des décisions, déclarations et positions communes de l’Union Européenne, des résolutions des Nations Unies ou des décisions de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), la France est aujourd’hui partie prenante, et souvent à l’initiative, des régimes multilatéraux de contrôles des exportations (Comité Zangger de 1971, Groupe des fournisseurs nucléaires de 1974, Groupe Australie de 1985, Régime de contrôle de la technologie des missiles de 1987 et Arrangement de Wassenaar de1996). Ces groupes informels ont pour mission de renforcer la coopération entre États en vue d’élaborer des régimes harmonisés de contrôle des exportations d’armes, qu’elles soient classiques ou d’autres natures (notamment nucléaires ou chimiques).
À ces régimes multilatéraux s’ajoute un certain nombre de traités internationaux visant soit à interdire ou à fortement limiter les capacités des États à contrôler et faire l’usage de certains types d’armes :
– Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques, biologiques ou à toxines et sur leur destruction de 1975 qui réunit aujourd’hui 162 États Parties dont la France depuis 1984. Cette convention ne prévoit pas une interdiction totale des agents chimiques mais exige des États un effort de limitation de la production et de la détention en les interdisant pour toute fin qui ne relèverait pas « d’objectifs prophylactiques ou de protection ».
– Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou à toutes autres fins hostiles de 1977 que la France n’a pas ratifié et qui réunit aujourd’hui 76 États Parties. Cette convention reprend celle de 1975 sur les agents biologiques en l’adaptant au matériel de modification de l’environnement comme l’Agent Orange utilisé pour détruire la forêt vietnamienne ou le recours aux explosions souterraines pour provoquer des glissements de terrain.
– Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination de 1980 qui réunit aujourd’hui 116 États Parties dont la France depuis 1981. Cet accord-cadre complété par cinq protocoles et par les conventions de 1993 et de 2008 constitue une série de dispositions générales et permet une application à la carte dans la mesure où l’adhésion de la convention est automatique dès la ratification de deux protocoles. Ces derniers visent soit l’interdiction totale de certain type d’armement soit leur encadrement. Ainsi sont interdites par les protocoles I et IV les armes comprenant des éclats en verre ou en plastique, non localisables par des rayons X, et les armes équipées de lasers aveuglants. Les protocoles II, III et V visent eux à encadrer le recours aux mines et les obligeant à être détectables et à contenir des dispositifs d’autodestruction ou d’auto-désactivation, les armes incendiaires type bombes au phosphore ou napalm en interdisant leur usage sur des civils ou des militaires dans une zone fortement peuplée (on ne parle ici que des armes dont le but même est de mettre le feu à l’ennemi et non de celles dont l’immolation est un dommage collatéral) et les restes explosifs en obligeant les États Parties à prendre toutes les mesures pour neutraliser l’ensemble des obus et mines n’ayant pas explosé durant le conflit.
– Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’usage des armes chimiques et leur destruction de 1993 qui réunit aujourd’hui 192 États Parties dont la France depuis 1995. Cette convention interdit totalement le développement, la production, la mise au point, l’acquisition, le stockage, la détention ou le transfert des armes chimiques.
– Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines anti-personnelles et sur leur destruction de 1997 qui réunit aujourd’hui 122 États dont la France depuis 1997. Cette convention prévoyait la destruction de toutes les mines anti-personnelles d’ici 2007 et la fin des chaînes de production.
– Convention sur les armes à sous-munitions de 2008 qui réunit aujourd’hui 100 États Parties dont la France depuis 2009. Cette convention prévoit l’interdiction totale de la production, de la détention et de l’utilisation d’armes qui dispersent à l’impact des sous-munitions explosives comme les roquettes M26 ou les obus OGR françaises. Par ailleurs, les États Parties ont une obligation d’assistance aux victimes de l’usage de ces armes et de coopération vis-à-vis des États Parties n’ayant pas les moyens techniques de détruire leurs armes à sous-munitions, comme la France qui s’est appuyée sur l’Allemagne.
À ces conventions s’ajoutent d’autres textes européens ou internationaux :
– Les traités créant des zones exemptes d’armes nucléaires :
· Traité de l’Antarctique de 1959, signé par la France la même année.
· Traité de Tlatelaco (zone Amérique latine et Caraïbes) de 1969 signé par la France la même année.
· Traité de désarmement sur le fond des mers et des océans de 1971 dont la France n’est pas signataire.
· Traité de Rarotonga (zone Pacifique sud) de 1986 signé par la France en 1996.
· Traité de Bangkok (zone Asie du sud-est) de 1995 dont la France n’est pas signataire.
· Traité de Pelindaba (zone Afrique) de 1996 signé par la France en 1997.
· Traité de Semipalatinsk (zone Asie centrale) de 2006 dont la France n’est pas signataire.
– Le Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires de 1963 (non-signé par la France mais appliqué à partir de 1980), complété par le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires de 1996 (signé par la France en 1998). Le traité de 1963 signé peu de temps après la crise de Cuba et le début de la Détente porte sur l’interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère, l’espace atmosphérique et subaquatique et en souterrain s’ils ont des conséquences en terme de déchets radioactifs en dehors du territoire de l’état testeur. Le second traité complète le premier en interdisant tout essai nucléaire en tout lieu, à toute fin de tout type. On rappellera toutefois que l’application de ces traités par la France à partir de 1980 n’a pas empêché le développement avec la Grande-Bretagne du programme TEUTATES de simulations au laser mégajoules.
– Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968 et ratifié par la France en 1992. Ce dernier vise à limiter le risque nucléaire en interdisant l’assemblage d’armes nucléaires (mais en aucun cas leur détention et leur stockage). Le traité opère une distinction entre les États ayant avant le TNP fait exploser un engin nucléaire (en l’espèce les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni, la France et la Chine) et les autres États. Le traité porte sur l’interdiction pour les uns d’aider un État ne possédant pas l’arme nucléaire à s’en doter et pour les autres de travailler à la fabrication ou l’achat d’armes nucléaires. Par ailleurs, l’article 6 du traité constitue une clause générale de désarmement. En effet, tous les signataires s’engagent à négocier l’arrêt de la course aux armements nucléaires et à engager un désarmement général sous contrôle international. Un protocole de 1998 vient renforcer les missions de contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique. L’application de l’article 6 du TNP a mené aux discussions (boycottées par la France) et à la rédaction d’un traité (non discuté et non signé par la France) visant à interdire toute arme nucléaire. Si dans son esprit, le traité visait à faire accélérer la question du désarmement nucléaire, son caractère non contraignant (absence de structure de contrôle par exemple) ainsi que sa non-signature par les puissances nucléaires le rendent aujourd’hui inapplicable.
– Le règlement CE n°3381/94 du Conseil de l’Union Européenne du 19 décembre 1994 instituant un régime communautaire de contrôle des exportations de biens à double usage, régulièrement réactualisé pour mettre à jour la liste des biens soumis à un contrôle à l’exportation, prévoit la mise en place de règles communes en matière de matériel pouvant avoir des finalités civiles et/ou militaires. Ainsi, ce type de matériel est soumis, tout comme les armes classiques, à une autorisation d’exportation délivrée par les autorités compétentes de l’état exportateur. Par ailleurs, les entreprises sont tenues de constituer un registre relayant les biens exportés et transférés.
– Le Code de conduite de l’Union Européenne construit en 1998 suite à la guerre irako-iranienne où les pays européens avaient fourni les deux belligérants est devenu contraignant en 2008 par le biais d’une Position commune sur les exportations d’armement. Il comprend huit critères que les États acheteurs doivent respecter pour se voir vendre des armes par un État européen :
· Respect des engagements internationaux
· Respect des droits de l’Homme
· Stabilité territoriale
· Objectif de préservation de la paix et de la sécurité
· Absence de conséquences négatives de la vente pour les États membres de l’UE ou leurs alliés
· Engagement du pays acheteur dans la lutte contre le terrorisme et dans le fonctionnement de la communauté internationale
· Absence de risque de détournement du matériel
· Non-décalage technologique, technique et économique entre le matériel vendu et la capacité technologique, technique et économique du pays acheteur.
– Traité sur le commerce des armes de 2013 dont la France a été un des pays initiateurs est aujourd’hui la référence internationale en matière de contrôle du commerce licite et illicite des armements. Signé par 130 pays, il instaure d’une part un régime de contrôle national et de réglementation de l’exportation des armes, des munitions et des pièces de production (articles 2, 3 et 4) et des registres de suivi des armes (article 12) et d’autre part il rappelle l’obligation de respecter les embargos sur les armes ou de bloquer toute transaction dont le destinataire est fortement soupçonné de participer au commerce illicite ou d’en faire un usage présentant un risque pour les Droits de l’Homme (article 6), le texte ne prévoit aucune sanction et laisse aux États le soin d’une transposition totalement libre (article 5). Non-contraignant, il confie aux États Parties la responsabilité de transposer ses dispositions dans les droits nationaux en vue d’une pleine effectivité.
Si la multiplication des traités et initiatives internationales en vue de contrôler plus efficacement les exportations d’armes marque une volonté de limiter les débordements, ces textes sont toutefois l’objet de nombreuses critiques.
Premièrement, à de rares exceptions près, l’ensemble des dispositions s’appuie sur un principe d’autorégulation, non-contraignante, de la part des États Parties. À cette critique on peut ajouter le caractère particulièrement limité de certains traités d’interdiction d’armes spécifiques, où cette interdiction est en fait un appel non pas à interdire et éradiquer les armes, mais plutôt à encadrer. Cet encadrement mêlé à un principe d’auto-régulation s’avère au final très souple.
Deuxièmement, et directement lié au premier point, on ne peut manquer de remarquer que certaines dispositions des traités sont inappliquées, par méconnaissance ou stratégie. Pour ne prendre qu’un exemple, la vente de matériel militaire de Paris vers des pays frappés d’embargos ou qui sont le théâtre de graves violations des droits humains ou du droit international humanitaire et vers des zones de conflits armés (avec parfois des livraisons à tous les belligérants) sont hautement problématiques.
Depuis 2007, les rapports au Parlement sur les exportations d’armement de la France font état de prises de commande et de livraisons de matériel avec la Côte d’Ivoire (2011, 2013, 2015), la Chine (toute la période), la Biélorussie (2011, 2015), la Russie (2014, 2015) ou encore la République Démocratique du Congo (2011, 2013) pourtant tous sous embargo de l’Union européenne, de l’Organisation des Nations Unies ou de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. En parallèle, on trouve aussi des traces de livraisons d’armes françaises en Libye entre 2007 et 2013, en Israël durant l’opération Plomb Durci à Gaza où 1300 Palestiniens, principalement des civils, sont morts, au Pakistan et en Inde alors que les deux pays se disputent le Cachemire depuis 1947 pour un total de 500 millions d’euros en 2015... Enfin, sont tout aussi sujettes à interrogation les transactions effectuées par la France avec l’Arabie Saoudite (notamment les obus incendiaires vendus par Nexter) et le Qatar dont l’intervention au Yémen fait l’objet d’accusation de crimes de guerre ou encore l’Égypte régulièrement pointée du doigt en matière de respect des Droits de l’Homme. Enfin, la vente depuis 2007 du système automatisé d’écoute, de surveillance et d’interception Eagle, conçu par l’entreprise française Amesys), à des États comme la Libye (contrat « Candy »), le Qatar (contrat « Finger »), l’Arabie saoudite (contrat « Kinder »), le Kazakhstan (contrat « Miko ») ou encore le Maroc (contrat « PopCorn ») interroge au vu des accusations récurrentes d’atteinte aux droits humains de la part de ces Etats et alors même que le gouvernement français avait toute latitude pour bloquer ces ventes et alors que des licences d’exportation sont encore aujourd’hui délivrées pour ce système de surveillance générale. Pire, le caractère dual de la technologie conçue par Amesys a permis aux gouvernements concernés de ne pas retranscrire l’information de ces ventes dans le rapport annuel présenté aux parlementaires sur la politique d’exportation d’armements.
Troisièmement et dernièrement, la rédaction même des traités est suffisamment évasive pour être sujette à interprétation. C’est le cas pour les huit critères constituant le code de conduite en matière d’exportation d’armement de l’Union Européenne, mais aussi le Traité sur le commerce des armes (TCA). Dans ce dernier, si les États restent responsables devant la Cour Internationale de Justice pour le respect des traités ratifiés, le traité reste suffisamment imprécis pour permettre une grande liberté d’interprétation. À ce titre, la saisine de la justice par une ONG britannique dans le cadre des contrats d’exportation entre Londres et l’Arabie Saoudite devrait fournir une jurisprudence pour l’instant absente. En effet, le Traité sur le commerce des armes précise qu’une simple présomption d’utilisation criminelle permet le blocage de la transaction par le pays vendeur.
On peut donc clairement s’interroger sur la cohérence qu’il y a entre l’application qui est faite des traités internationaux et le respect des principes des Nations Unies rappelés dans le préambule du Traité sur le commerce des armes : impératif de maintien de la Paix, règlement pacifique et diplomatique des conflits, l’abstention du recours à la force ou à la menace et droit à la légitime-défense des États. Dans ce cadre, si le désarmement complet des États semble problématique, la transformation de l’activité de fabrication et de vente d’armes en véritable marché peu ou prou dérégulé met à mal l’ensemble de ces principes internationaux.
2) L’application en France : CIEEMG, autorisations préalables, licences uniques, rapport annuel
La France, pays ratificateur de la plupart des conventions et traités internationaux en vue de contrôler les exportations et la production d’armes de tout type, a adapté au fil des années son arsenal législatif et ses procédures de contrôle aux obligations internationales. Toutefois, ces dernières, par imprécision rédactionnelle, sont sujettes à des interprétations plus ou moins souples.
Dans le cadre du contrôle des exportations par la France, on ne peut pas omettre le rôle central qu’occupe la Commission Interministérielle pour l’Étude des Exportations de Matériels de Guerre (CIEEMG). Créée par le décret n° 55-965 du 16 juillet 1955, placée auprès du Premier Ministre, présidée par le Secrétaire Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) et composée de représentants des ministères de la Défense, des Affaires étrangères et de l’Économie et de services de l’État comme la direction générale des douanes et des droits indirects ou les services de renseignement, elle examine les demandes d’agrément préalables à l’exportation de matériels de guerre.
Autre actrice centrale, la Direction Générale pour l’Armement (DGA) est en charge à la fois de l’étude préliminaire des demandes d’exportation de la part des industriels en déterminant si le matériel concerné relève ou non de la catégorie « matériel de guerre ou assimilé » et donc si les demandes doivent être transmises à la CIEEMG. Par ailleurs, le comité de contrôle a posteriori des exportations de matériels de guerre (CMCAP) composé à une très grande majorité d’agents de la DGA, est en charge de contrôler sur pièces et sur place les opérations d’exportation et de transfert lorsqu’il juge ces opérations sensibles. Dans les deux premières années de création de la CMCAP, ce sont 74 sociétés sur les 400 titulaires d’au moins une autorisation d’exportation qui ont été contrôlées pour des opérations estimées à 166 millions d’euros. Lorsque le comité ministériel constate un risque d’infraction, il peut prendre différentes mesures de la simple demande d’explications supplémentaires à la dénonciation de faits au Procureur de la République en passant par un rappel à la loi et la suspension temporaire ou définitive de licences. Sur les contrôles effectués, 72 infractions ont été constatées, majoritairement des erreurs ou des négligences dans la tenue des registres et des non-respects des termes d’une licence. 85 % n’ont donné lieu à aucune suite ou à une demande complémentaire d’informations.
Dans le cadre de notre droit national, la régulation du commerce des armes est prévue par le code de la défense au titre III du livre III de la partie II de la partie législative et au chapitre V du titre III de la partie réglementaire et par des dispositions réglementaires et législatives non-codifiées. Ainsi, les articles L. 2331-1 à L. 2339-19 et R. 2335-1 à R. 2335-46 établissent un certain nombre de règles :
– Avant leur installation, les entreprises de fabrication et de commerce de matériels de guerre sont soumises à autorisation préalable auprès de l’État et à une déclaration préalable au représentant de l’État sur le territoire (article L. 2332-1)
– Le ministre de la défense est en charge de mener une action de centralisation et de coordination en vue d’un contrôle étatique des entreprises autorisées (article L. 2332-2)
– Des commissaires du Gouvernement peuvent être chargés de contrôler de manière temporaire ou permanente l’activité de ses entreprises, en bénéficiant d’un pouvoir de contrôle sur place et sur pièce (articles L. 2332-3, L. 2332-4, L. 2333-3 et L. 2333-4)
– Les entreprises vendeuses de matériel militaire sont tenues de produire un registre des exportations (article L. 2335-6 et L. 2335-14)
– La vente ou le transfert d’armes s’exerce par le biais d’autorisations préalables (soumises à dérogation en vertu de l’article L. 2335-11 dans le cadre de transfert vers une institution publique, dans le cadre de ventes groupées avec l’UE, l’OTAN et l’AIEA, dans le cadre de l’aide humanitaire et pour des opérations de réparation, entretien, exposition ou démonstration) qui peuvent prendre trois formes différentes (articles L. 2335-3 et L. 2335-10) :
· Les licences générales d’exportation permettent à l’entreprise fournisseuse dans le cadre d’un transfert et exportatrice dans le cadre d’une exportation d’effectuer des transferts ou des exportations de matériels mais aussi toutes les démarches préalables sans avoir à demander au préalable des licences individuelles par opération (prospection, négociation). Ces licences ne passent pas devant la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre.
· Les licences globales d’exportation permettent à l’entreprise fournisseuse ou exportatrice d’expédier en une ou plusieurs fois un ensemble de matériel de guerre à un destinataire identifié sans limitation de quantité ni de montant.
· Les licences individuelles d’exportation permettent à l’entreprise fournisseuse ou exportatrice d’expédier en une ou plusieurs fois un ensemble de matériel de guerre à un destinataire identifié.
Ces articles sont issus de diverses initiatives législatives et réglementaires et notamment des lois n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité, n° 2012-304 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif et n° 2013-1168 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la Défense et la Sécurité nationale.
Par ailleurs, d’autres lois de référence comme le décret n° 95-613 du 5 mai 1995 relatif au contrôle à l’exportation de biens à double usage ou la loi n° 2010-819 du 20 juillet 2010 tendant l’élimination des armes à sous-munitions visent clairement à transposer les obligations des traités internationaux dans notre droit national.
La loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 a créé un système de licence unique fusionnant les deux anciennes autorisations requises, l’agrément préalable (AP) délivrée par le CIEEMG pour la prospection et la négociation des contrats, et l’autorisation d’exportation de matériel de guerre (AEMG) délivrée par les douanes suite à un avis du SGDSN et des ministères des affaires étrangères et de la défense pour la sortie du territoire des matériels concernés.
La fixation de la liste des matériels de guerre, armes et munitions est définie par le décret n° 95-589 du 6 mai 1995 relatif à l’application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions.
Si toutes ces dispositions législatives et réglementaires sont tous en cohérence avec le TCA et l’ensemble des traités internationaux, leur portée semble insuffisante pour permettre un contrôle suffisamment contraignant sur la production et la vente de matériel militaire. Il semble d’ailleurs contradictoire que la France, actrice diplomatique majeure dans la lutte pour une sécurité mondiale et contre la prolifération des armes, soit en même temps la 4e puissance exportatrice de matériel de guerre et ne fasse pas partie des États ayant une législation stricte en matière de contrôle de la production et de la vente d’armes. Par ailleurs, on ne peut que s’interroger sur le manque de prise en compte des organisations de salariés au sein des groupes industriels, l’émergence de contrats dits fragmentés permettant aux entreprises d’échapper aux contrôles en conseil d’administration.
3) Politique comparée
Si la France a pris les mesures lui permettant d’être en règle avec les dispositions internationales, on ne peut manquer de noter que certains États sont allés plus loin, en confiant aux parlements nationaux un pouvoir plus grand dans le domaine militaire.
Les États-Unis (36,2 milliards d’euros de vente en 2015) s’appuient sur le « Arms export control act », l’« International traffic in arms regulations » et l’« Export administration act » de 1976 et 1979 pour ouvrir la possibilité au Congrès de bloquer toute autorisation d’exportation d’armement par le biais d’une motion commune sous un délai de 30 et 15 jours selon que le pays destinataire soit dans l’OTAN ou non. De fait, l’information faite par le Gouvernement au Congrès est bien plus complète que dans le cas français, notamment par le biais du rapport annuel prévu depuis 1997. De la même manière, la présence d’un seul composant américain emporte ce droit de blocage. Un des exemples récents est le blocage par les États-Unis de la vente par Airbus et Thalès de deux satellites-espions aux Émirats Arabes Unis. Pour finir, Washington limite très fortement l’émission de licences globales au profit de licences individuelles, qui obligent à plus de contrôles. Dernier élément tangible, le Département d’État est en capacité d’exiger des clauses de non-réexportation (End User’s certification). Toutefois, la « culture des armes » et le poids toujours plus important des lobbies militaro-industriels aux États-Unis rendent de plus en plus difficile l’effectivité de ce contrôle parlementaire. En témoigne la virulence des débats autour du contrôle de la circulation des armes sur le sol états-uniens et la place dominante des États-Unis dans les exportations.
Le Royaume-Uni (15,2 milliards d’euros de vente en 2015), pourtant très libéral en matière d’exportation de matériel de guerre, a toutefois mis en place un débat parlementaire concernant le rapport annuel prévu depuis 1999 sur la politique d’exportation produit par le Gouvernement.
L’Allemagne (8 milliards d’euros de vente en 2015) a mis en place depuis 1982 les « Principes politiques fondamentaux pour l’exportation d’armes de guerre et autres matériels d’armement » qui implique d’une part un contrôle du Parlement grâce à un débat suivi d’un vote sur le rapport annuel sur les exportations d’armes et des auditions en amont par les commissions parlementaires de tous les acteurs concernés par un contrat de vente. Par ailleurs, l’Allemagne a en place un principe de présomption de refus de ventes, ces dernières n’étant autorisées que lorsque les intérêts nationaux allemands ne sont pas en jeu.
L’Espagne (4,5 milliards d’euros de vente en 2015) a adopté en 2007 la « Ley sobre el control del comercio exterior de material de defensa » qui organise deux débats annuels suivis d’un vote sur la politique d’exportation de l’Espagne. Par ailleurs, la loi oblige Madrid à respecter pour tout contrat les huit critères du code de bonne conduite édicté par l’Union européenne.
La Suède (12 milliards de couronnes, soit 1,3 milliards d’euros de vente en 2013) a établi la saisine automatique du Parlement dans le cadre de contrats majeurs d’armement avec l’étranger. Par ailleurs, la politique d’exportation des armes fait l’objet de deux rapports depuis 1985, un issu du Gouvernement et un de l’Inspectorat national des produits stratégiques, lié au Parlement par un bureau consultatif constitué en 1984.
III. LES ENJEUX D’UN CONTRÔLE PARLEMENTAIRE SUPPLÉMENTAIRE
1) Une industrie fortement politique opaque et sans intervention parlementaire
Un des éléments marquants lorsque l’on observe les modalités de contrôle des exportations d’armement en France et à l’étranger, c’est l’absence quasi-totale d’implication du Parlement en France en matière d’exportations d’armement. S’il ne serait pas pertinent de condamner l’existence même d’un commerce des armes, eu égard à l’article 56 de la Charte des Nations Unies et à l’absence dans certains pays de capacités industrielles suffisantes, sa question du contrôle est centrale. Comme le soulignaient en 2000 les députés Jean-Claude SANDRIER, Christian MARTIN et Alain VEYRET (« rapport d’information n° 2334 sur le contrôle des exportations d’armement »), « la transparence est désormais considérée comme la preuve d’une politique loyale et assumée, et l’opacité comme l’indice d’une politique d’exportation aux mobiles plus lucratifs que politiques ».
Depuis 2000, le ministère de la défense fournit chaque année un rapport au Parlement sur les exportations d’armes. Cela fait suite à une première initiative issue de l’article 6 de la loi n° 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 qui dispose que « le Gouvernement présente(ra) au Parlement, avant la fin de l’année 1996, un rapport sur les mesures d’aide et de soutien à l’exportation des matériels de défense. ». Ce rapport est depuis la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale qui fixe la remise du rapport au 1er juin de chaque année. Ce dernier compile les données relatives aux prises de commandes et aux livraisons délivrées chaque année. Malheureusement, certaines données capitales manquent comme le nombre de refus et les motifs de ces refus de délivrance de licences, ainsi que les destinataires finaux des matériels. De fait, ces absences empêchent aujourd’hui tout débat en séance publique ou en commission de la défense pour l’Assemblée nationale et en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le Sénat.
Ce manque de transparence et d’implication des représentants de la Nation a notamment été pointé par les rapports de Jean-Claude SANDRIER, Christian MARTIN et Alain VEYRET d’une part et Nathalie CHABANNE et Yves FOULON (« rapport d’information n° 2469 sur le soutien aux exportations d’armement : un dispositif multiforme au service des priorités politiques et stratégiques de la France » en 2014) d’autre part.
Renforcer cette information et cette transparence en matière d’exportation d’armement revêt pourtant un enjeu central et rentre dans la mission de contrôle du Gouvernement par le Parlement. En effet, la politique adoptée dans le cadre des contrats de ventes d’armes concerne tout à la fois notre politique nationale en matière industrielle, mais aussi en matière de Défense et de sécurité nationale d’une part, et de Diplomatie d’autre part. En effet, comme l’évoquaient Nathalie CHABANNE et Yves FOULON dans leur rapport, « les exportations de défense sont un acte politique avant d’être un acte purement commercial ». Dans ce cadre on ne peut qu’être étonnés de l’absence d’intégration du Parlement dans la définition de la politique d’exportations, que ce soit par le biais de débats dans les chambres ou la participation de parlementaires au Comité des exportations de Défense.
Et si le vote du budget chaque année permet aux parlementaires d’intervenir sur la définition de la politique diplomatique, et notamment la diplomatie économique, cette intervention semble trop limitée pour laisser suffisamment d’espace aux représentants de la Nation eu égards aux enjeux. Comme il a déjà été évoqué, certaines transactions effectuées ces dernières années par Paris posent la question de leur adéquation avec les dispositions internationales ou de leur pertinence politique. Par ailleurs, il est regrettable de s’apercevoir que pour que le Parlement soit saisi sur la question d’une vente d’armes, il faille une crise diplomatique d’une grande gravité comme la crise des Mistrals construits dans le cadre d’un contrat avec la Russie, dont la livraison a été annulée du fait de la crise en Crimée et finalement revendus à l’Égypte avec l’argent saoudien.
Un renforcement du contrôle parlementaire doit par ailleurs interroger sur la finalité même de l’industrie d’armement et sur la pertinence tant économique que politique de s’appuyer sur cette industrie.
À ce titre, plusieurs questions restent en demeure :
– Le poids pris par la production et l’exportation de matériels de guerre est-il compatible avec les engagements de la France en vue de la non-prolifération des armes et de la recherche d’une résolution pacifique des conflits ?
– Dans quelle mesure est-il acceptable que dans un même mouvement le pouvoir exécutif ait réduit drastiquement ses investissements dans les contrats nationaux d’armement devant équiper nos troupes et développer les contrats d’exportation ?
– Quelle logique diplomatique et économique a guidé le pouvoir exécutif dans sa politique d’acceptation des transferts technologiques liés aux contrats d’exportation, conduisant la France à former elle-même ses concurrents sur le marché de l’armement et donc à hypothéquer l’avenir des ouvriers travaillant actuellement en France ? C’est cette stratégie qui a conduit à la disparition de 44 000 emplois directs sur la période 2008-2013 dans les industries d’armement. Et comme le rappelait le ministre de la Défense lors de la signature du contrat avec l’Australie, rien n’assurait qu’il y aurait création (pérenne ou non) d’emplois dans le cadre de la construction et de la livraison des sous-marins Barracuda.
– Quel avenir donc pour ces ouvriers dans une industrie pourtant reconvertible mais enfermée dans une stratégie bidirectionnelle, celle de l’exportation quitte à mettre l’Emploi en danger sur le long terme et celle de la filialisation pour les activités de diversification, comme DCNS Énergies pour les énergies maritimes renouvelables ? Cette question est d’autant plus importante que le Livre blanc adopté en 2013 en donnant une importance toute particulière aux recettes aléatoires (ventes du patrimoine de Défense, cessions de fréquences hertziennes ou d’actifs dans les entreprises) pour abonder les budgets relatifs à la Défense et à la sécurité nationale. Des chantiers mériteraient pourtant d’être menés, notamment en matière de déconstruction ou de transposition des savoir-faire dans le domaine civil. Pour rappel, la France a dû s’appuyer sur l’Allemagne pour détruire ses armes à sous-munitions. À ce titre, les 10 à 20 % de chiffre d’affaire que les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) dans la Recherche-Développement et Recherche-Technologie doivent permettre de mener le chantier de la reconversion industrielle de manière paisible.
L’ensemble de ces questions tend à montrer la nécessité qu’il y a aujourd’hui à ce que les représentants de la Nation se saisissent de cette question de l’industrie d’armement, et que le Gouvernement rentre dans une logique de transparence encadrée.
Par ailleurs, la nature même des matériels concernés fait de l’armement une industrie spécifique qui doit relever du contrôle politique national. Dans ce cadre, on ne peut que condamner le désengagement progressif de l’État au sein des grands groupes français industriels comme DCNS devenu entreprise anonyme de droit privé en 2003 malgré un État seul détenteur jusqu’à l’entrée au capital de Thalès en 2007. Ce dernier a d’ailleurs connu la même dynamique avec une privatisation en 1998. De même, 75 % du capital de Safran est considéré comme « flottant » et donc soumis aux aléas du marché. Enfin, Dassault a vu ses derniers capitaux publics être transférés le 14 mai 1998 au profit du groupe Dassault et d’EADS.
Se pose alors d’une part de la pertinence de privatiser une activité relevant de la sécurité nationale à l’image de l’émergence des sociétés militaires privées (SMP) habilitées à agir contre la piraterie et d’autre part la question du contrôle de l’État dans ce cadre privé. Cela est d’autant plus problématique qu’on a vu au final des années ces entreprises rentrer dans une logique purement marchande, renforçant notamment les externalisations et s’appuyant fortement sur des travailleurs détachés dont les droits sociaux limités permettaient de faire des économies. Cette externalisation sert aujourd’hui de socle au projet de Défense européenne. C’est une nouvelle fois ce que sous-tendait la commission de la Commission européenne au Parlement, au Conseil et au Comité économique et social européens ainsi qu’au Comité des régions le 30 novembre 2016.
L’argument régulièrement avancé pour maintenir l’opacité autour de la politique d’exportation d’armes consiste à dire que le sujet est sensible et qu’une part de secrets vis-à-vis des industriels et des États étrangers est normal. Toutefois, il nous faut rappeler que le Parlement a un pouvoir de contrôle sur l’Exécutif, et que cela nécessite des informations. Par ailleurs, la piste avancée par Jean-Claude SANDRIER, Christian MARTIN et Alain VEYRET d’un office parlementaire, à l’image de l’Inspectorat national des produits stratégiques suédois mêlant parlementaires, représentants de l’Exécutif et société civile semble une piste à travailler plus profondément.
2) L’objectif de maintien de la paix et la lutte contre le marché illicite
Le contrôle parlementaire sur les ventes d’armes doit notamment permettre de contrôler l’action du Gouvernement dans sa mission de recherche et de développement de la Paix. Comme le note le Bureau des affaires du désarmement des Nations Unies, la fin de la Guerre Froide a conduit à la multiplication des conflits internes et externes, ainsi qu’à la prolifération des armes dites légères et de petit calibre. On estime qu’environ la moitié de ces dernières passeront, à un moment ou un autre, par le marché noir et parallèle. De fait, le choix de la France d’augmenter de manière importante son exportation de matériel militaire (triplement des prises de commandes en dix ans) ne peut qu’encourager cette dynamique de violence.
Comme le rappelait Robert SCHUMAN, la France a « pour objet essentiel de servir la Paix », qui ne saurait être construite « sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent ». Dans ce cadre, il est regrettable que de telles transactions aient lieu. Pour servir la Paix, notre pays doit être en première ligne d’une stratégie en deux axes : l’extinction des menaces déjà présentes et l’évitement de nouvelles menaces. C’est ce message que la France avait su porter, insuffisamment malheureusement, en 2003 avant que les États-Unis lancent l’opération « Liberté irakienne ». À cette occasion, Dominique DE VILLEPIN alors ministre des Affaires étrangères rappelait deux éléments essentiels : les États-membres de l’ONU sont « les gardiens d’un idéal de paix » et la fin de la guerre n’est pas synonyme de la Paix. Ces deux objectifs à long terme exigent un renforcement des missions et une réforme institutionnelle de l’Organisation des Nations Unies. Les délégations par l’ONU de missions de maintien de la Paix à des coalitions étatiques affaiblissent sa légitimité, de la même manière que le principe « un pays = une voix » est aujourd’hui remis en cause par des pratiques regrettables en matière de contributions financières. Dans ce cadre, et les difficultés rencontrées par la communauté internationale pour agir à Alep le montre, une réforme institutionnelle est essentielle, notamment dans l’usage du droit de veto, le rôle du Secrétaire général ou la capacité des Nations Unies de faire respecter leurs décisions. Le retour des États puissances illustré par des réarmements massifs et de nouveaux programmes militaires et nucléaires rend la réaffirmation de l’ONU comme autorité internationale légitime en matière de maintien de la paix essentielle. Toutefois, si cette réforme de fond risque de demander du temps et un engagement important de la diplomatie française tout comme les efforts pour aller vers un désarmement partiel des États, progressif et multilatéral, la place de la France parmi les grandes nations exportatrices d’armes doit nous interroger. Ainsi, c’est aussi en limitant les ventes d’armes à l’étranger que la France doit participer à la nécessaire lutte pour le maintien de la Paix dans le monde.
IV. LES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI
S’inspirant des initiatives vertueuses à l’étranger, cette proposition de loi a l’ambition de renforcer d’une part le contrôle de l’État sur les entreprises fabricant et vendant du matériel de guerre et d’autre part le contrôle de la représentation nationale sur le Gouvernement en charge de négocier les contrats de vente.
L’article 1er prévoit l’obligation pour le Gouvernement de demander l’inscription à l’ordre du jour du Parlement d’un débat annuel suite à la remise par le ministère de la défense du rapport au Parlement sur les exportations d’armes prévu à l’article 11 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Par ailleurs, la nouvelle rédaction de cet article permet une clarification quant au contenu dudit rapport, afin que les représentants de la Nation aient une vision globale de la situation. Ainsi, le nouveau format du rapport permettra d’avoir des éléments à la fois sur le matériel de guerre et les armes légères et petits calibres (ALPC) mais aussi sur le matériel à finalité duale ou ne devant être qu’un composant pour une arme. De la même manière, le rapport permettra aux parlementaires de juger du bien-fondé des contrats passés à l’aune des destinataires et usages finaux des matériels exportés.
L’article 2 complète la loi de programmation militaire en imposant au Gouvernement l’inscription à l’ordre du jour du Parlement d’un second débat annuel sur la politique d’exportation d’armes par la France, à l’image de ce qui existe pour les opérations extérieures. Ce débat non suivi d’un vote doit permettre que le Parlement se saisisse deux fois dans l’année en séance publique sur la question.
L’article 3 renforce le rôle des Commissaires du gouvernement dans leur mission de contrôle des entreprises productrices et commerçantes d’armes.
Les articles 4, 5, 6 et 7 reprennent un projet de loi jamais promulgué de 2006 visant à ériger en délit le non-respect d’un embargo déterminé par l’Union européenne, l’Organisation des Nations Unies ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération européenne. Il est ainsi ajouté au code pénal un article définissant législativement la notion d’embargo et prévoyant les peines applicables à toute personne physique ou morale enfreignant cet embargo et prévoyant les peines et les exemptions d’usage si une personne qui a tenté de commettre l’infraction à un embargo a fait le choix de prévenir l’autorité administrative ou judiciaire et a activement empêché la commission de ladite infraction. Par souci de coordination et de complément des dispositions législatives, les codes de procédure pénale et des douanes sont modifiés pour d’une part définir la procédure applicable à l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement du délit d’infraction à l’embargo et d’autre part permettre la poursuite de l’enquête pour des faits commis sous embargo malgré l’abrogation ou l’aménagement de ce dernier.
Les articles 8 et 9 prévoient les modalités pratiques de mise en oeuvre de la loi, son champ d’application et son gage financier.
Tel est le sens de la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L’article 11 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est ainsi rédigé :
« Le rapport annuel sur les exportations d’armement de la France est public.
« Il contient notamment :
« 1° Le nombre de licences acceptées depuis le second semestre de l’année N-2 ;
« 2° Le nombre et le montant des licences délivrées en année N-1 par pays et par catégories de la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne ;
« 3° Le détail des prises de commandes depuis l’année N-5 ;
« 4° Les autorisations de transit de matériels de guerre ;
« 5° Les livraisons d’armes légères en année N-1 ;
« 6° Les cessions onéreuses et gratuites réalisées en année N-1 par le ministère de la défense ;
« 7° Les types de matériels concernés par des autorisations d’exportation ou de transfert sur l’année N-1 ;
« 8° Les destinataires et usages finaux des matériels d’armement en année N-1 ;
« 9° Les motifs ayant justifié les refus de délivrance de licences et d’autorisations d’exportation ou de transfert ;
« 10° La liste des embargos sur les armes du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ;
« 11° Les autorisations de réexportation accordées en année N-1 ;
« 12° Les principaux clients sur la période N-5/N-1.
« Une copie en est adressée aux présidents des commissions permanentes parlementaires chargées des affaires étrangères, de la défense et des questions économiques au plus tard le 1er juin de chaque année. Ce rapport fait l’objet d’un débat suivi d’un vote en séance publique de l’Assemblée nationale et du Sénat dans le mois suivant sa publication.
« Sont considérés comme armement dans ce rapport :
« a) Les armes classiques relevant des catégories établies par la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne et le Traité sur le commerce des armes du 2 avril 2013 ;
« b) Les matériels à finalité duale ;
« c) Les composants dont la destination finale est d’être incorporés dans du matériel militaire ou dual. »
Article 2
Après l’article 11 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1. - Les exportations d’armements et de matériels à finalité duale ou militaire de la France font, chaque année, l’objet d’un débat non suivi d’un vote au Parlement distinct du débat prévu à l’article 11. »
Article 3
À l’article L. 2333-3 du code de la défense, les mots : « peuvent imposer » sont remplacés par les mots : « imposent »
Article 4
Le titre III du livre IV du code pénal est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VII
« De la violation des embargos et autres mesures restrictives
« Art. 437-1. - I. - Constitue un embargo ou une mesure restrictive au sens du présent chapitre le fait d’interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne, en application :
« 1° De la loi ;
« 2° D’un acte pris sur le fondement du traité sur l’Union européenne ou du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
« 3° D’un accord international régulièrement ratifié ou approuvé ;
« 4° D’une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.
« II. - Le fait de ne pas respecter un embargo ou une mesure restrictive est puni d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende.
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 500 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.
« Toutefois, les peines d’amende prévues aux deux premiers alinéas du présent II peuvent être fixées au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou de la valeur des biens et services ayant été l’objet de transactions illicites.
« La tentative des infractions prévues au présent article est punie des mêmes peines.
« La confiscation de l’objet du délit, des équipements, matériels et moyens de transport utilisés pour sa commission, ainsi que des biens et avoirs qui en sont le produit direct ou indirect est ordonnée par le même jugement.
« L’autorité judiciaire peut prescrire ou faire effectuer la mise hors d’usage ou la destruction, aux frais de l’auteur de l’infraction, des biens confisqués.
« III. - Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2, de l’infraction prévue au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38, les peines prévues à l’article 131-39.
« IV. - L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée.
« V. - Lorsque l’embargo ou la mesure restrictive qui n’est pas respecté porte sur des matériels de guerre et des matériels assimilés dont l’exportation est soumise à autorisation préalable en application de l’article L. 2335-2 du code de la défense ou sur des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne et que les faits en cause sont commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 du présent code et la seconde phrase de l’article 113-8 n’est pas applicable. »
Article 5
À l’article 414-2 du code pénal, les références : « 411-2, 411-3, 411-6, 411-9 et 412-1 » sont remplacées par les références : « 411-2, 411-3, 411-6, 411-9, 412-1 et 437-1 »
Article 6
Après le 11° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un 11°bis ainsi rédigé :
« 11°bis Délit de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive commis en bande organisée prévue à l’article 437-1 du code pénal ; ».
Article 7
La section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complétée par un paragraphe 4 ainsi rédigé :
« Paragraphe 4
« Violation des embargos et autres mesures restrictives
« Art. 440 A. - L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive définis à l’article 437-1 du code pénal ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions prévues au présent code qui ont été commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée. »
Article 8
La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République à compter du 1er juin suivant sa promulgation.
Article 9
Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.