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Nos propositions de loi et de résolution

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Création d’une commission d’enquête chargée d’examiner les causes et les conséquences du plan de licenciements annoncé par la société ALCATEL-LUCENT

Par / 16 mai 2007

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au début de l’année, le groupe multinational de télécommunication ALCATEL-LUCENT annonçait un plan de restructuration touchant nombre de ses unités à travers le monde.

12 500 emplois seraient supprimés au total, c’est un chiffre bien plus élevé que les 9 000 prévus lors de la fusion des deux géants des télécoms quelques mois auparavant.

Il représente près de 16 % de l’effectif total de la nouvelle société (79 000 salariés).

1500 de ces disparitions d’emplois concernent la France. En Île-de-France, 732 emplois sont appelés à disparaitre sur les trois sites de Nozay, Chateaufort et Vélizy. À ce chiffre, il faut bien sûr ajouter celui des emplois supprimés chez les prestataires de services.

Le Groupe ALCATEL LUCENT est né de l’absorption par le français ALCATEL de l’américain LUCENT Technologies en avril 2006. L’objectif de ce nouvel ensemble étant de devenir le numéro deux mondial des équipementiers en télécommunications et le leader dans les infrastructures DSL.

Il réalise un chiffre d’affaires de 18,6 milliards d’euros et a enregistré 522 millions d’euros de bénéfices en 2006.

Le point fort du nouvel ensemble, selon ses dirigeants : « le pôle de recherche et développement (R&D) s’appuiera sur une force de frappe de plus de 26.000 ingénieurs ». Pourtant c’est bien le secteur recherche et développement qui est le plus touché par les plans sociaux qui se sont succédés. Déjà en 2003, puis 2004, ils avaient provoqué chez ALCATEL le départ de 1500 salariés, sous forme de pré-retraite à partir de 53 ans. À l’époque, M. Patrick DEVEDJIAN, ministre délégué à l’industrie, qualifiait ces plans de « rééquilibrage des ressources ».

L’Essonne compte deux des sept sites franciliens d’ALCATEL. Il s’agit de Nozay qui compte 1000 salariés, dont 800 dans le secteur recherche et développement, et de Massy qui emploie 900 salariés.

Le site de Vélizy (dans le département voisin des Yvelines) compte quant à lui 3000 salariés dont 1000 en R&D, 1000 en direction/administration et 1000 en commerce/clientèle.

L’une des questions à laquelle devrait pouvoir répondre la commission d’enquête est de déterminer les conséquences de cette fusion sur les marchés financiers et son corollaire, la recherche de dividendes accrus pour les actionnaires.

L’accord signé en 2006 entre les groupes français et américain en vue de la constitution d’un seul groupe d’équipements en communication, prévoyait immédiatement la disparition de 10 % des emplois. Elle est en réalité de l’ordre de 16 %.

À l’annonce du plan, la direction a justifié sa décision en s’appuyant sur la restructuration entraînée par la fusion et la nécessité de réaliser une économie de 1,7 milliard d’euros en trois ans.

Cette allégation est cependant formellement démentie par les syndicats selon lesquels deux tiers des suppressions d’emplois sont motivés par la seule recherche de rentabilité.

Ce fait est corroboré par les bénéfices affichés par le groupe, ce qui exclut complètement la possibilité d’évoquer d’éventuelles difficultés et la sauvegarde de l’entreprise pour justifier le plan social. Il ne fait aucun doute que nous sommes placés ici devant un cas typique de licenciements boursiers.

ALCATEL-LUCENT poursuit une stratégie industrielle essentiellement basée sur le redéploiement vers l’Europe de l’Est et l’Extrême-Orient et sur une implantation locale dans les pays à forte croissance ou pays dits « émergents » dans lesquels elle veut s’imposer.

La délocalisation de la comptabilité vers la Roumanie comme celle de certaines études vers la Chine sont déjà une réalité. ALCATEL avait d’ailleurs fait en 2001 l’acquisition de Shangaï Bell qui regroupe 10 % des effectifs en recherche et développement du groupe. La nécessité de « prendre des parts de marché » en Chine, face à des concurrents qualifiés de « très agressifs », et l’accès à des financements chinois ne peut en toute logique qu’amener le groupe à renforcer son implantation dans un pays où l’on vend plus de cinq millions de portables par mois.

Dans ces conditions, la crainte, affichée par les syndicats et les salariés, de voir dans ce plan de restructuration une première étape vers une délocalisation du secteur recherche et développement des sites français, est bien réelle.

Si personne ne nie le caractère très « concurrentiel » de ce secteur d’activité, il serait extrêmement intéressant de définir toutes les causes de ce plan pour comprendre les grandes restructurations en cours.

Rappelons quelques faits : la signature fin 2006 d’un important contrat avec la société PT Indosat, opérateur de téléphonie indonésien, le partenariat avec Vodafone, le renforcement de la position d’Alcatel dans Thales avec une participation passant de 9,46 à 20,95 %, offraient un avenir radieux au groupe franco-américain sur le plan industriel.

Pourtant, en janvier 2007, l’action plonge de 10 % à la suite d’un « profit warning » (alerte sur des prévisions de résultats du titre boursier inférieurs aux estimations annoncées) portant sur le 4ème trimestre 2006 : la société réalise sur cette période un chiffre d’affaires de 3,87 milliards d’euros et un résultat d’exploitation de 120 millions, soit un tiers seulement des prévisions. C’est sans doute bien trop peu pour les actionnaires.

C’est l’annonce du plan de licenciements et la disparition de 12 500 postes qui fait remonter l’action.

Cela nous rappelle brutalement que la logique financière n’est pas la logique industrielle. Nous nous trouvons, pour reprendre l’expression utilisée par le secrétaire de la Confédération Européenne des Syndicats, en plein « capitalisme de casino ».

Le rapport de la mission conjointe des inspections générales des finances, de l’administration et des affaires sociales remis en janvier 2007 fait état de 65 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises.

Les salariés et les citoyens sont interrogatifs sur l’utilisation de ces fonds qui n’ont pas été intégrés dans une obligation de développement ou de maintien de l’emploi.

Le remboursement de tout ou partie de ces aides publiques constitue dès lors une demande légitime face aux annonces de suppressions d’emplois. Elles ne doivent en aucun cas être considérées comme un « droit à licencier ».

Le groupe ALCATEL-LUCENT reçoit de la collectivité des dizaines de millions d’euros de subventions directes chaque année. Ces soutiens proviennent notamment de l’Agence de l’innovation industrielle (ANR) qui consacre une enveloppe de 38 millions d’euros au projet de télévision mobile TVMSL, dont Alcatel est le chef de file, et qui a alloué 21 millions d’euros, pour la seule année 2006, au pôle de compétitivité francilien System@tic, où Alcatel figure, là encore, parmi les principaux bénéficiaires.

Les salariés et les syndicats relèvent à juste titre la contradiction qui existe entre la démarche de retrait d’Alcatel-Lucent de son secteur français de recherche et développement et son implication dans les pôles de compétitivité. M. Daniel BRUNEL, Vice Président de la Région Île-de-France, parle à ce titre de la tentation « d’effet d’aubaine ».

Sans doute s’agit-il également de ceux que M. Patrick DEVEDJIAN appelle des « chasseurs de prime », oubliant que c’est lui même qui avait, en 2002, fait abroger la loi créant des commissions de contrôle des aides publiques aux entreprises. Que c’est lui également qui a suspendu l’instauration d’une étude d’impact social et territorial en cas de restructuration.

Cette responsabilité sociale et territoriale des groupes multinationaux, et particulièrement dans ce cas précis d’ALCATEL-LUCENT, doit conduire celui-ci à assurer une charge de travail ainsi que la reconquête d’activités industrielles, fortes des compétences et savoir-faire des hommes et des femmes de l’entreprise.

C’est dans cette optique que les syndicats d’ALCATEL ont demandé et obtenu du ministre du travail, la mise en place d’un groupe d’étude, afin de dégager les perspectives du secteur des équipements européens de télécommunication. Il rassemble des représentants des équipementiers, des salariés et des experts. Il s’appuie sur l’agenda de Lisbonne qui avait l’ambition de faire de l’Europe, le fer de lance des télécoms.

En 2000, puis de nouveau en 2005, l’Europe a, rappelons-le, affiché des « ambitions » en matière de technologie de l’information et de la communication (TIC) à la hauteur des enjeux qui sont considérables. Il est regrettable qu’aucune politique industrielle sérieuse ne soit venue relayer cette volonté, ni au niveau européen, ni au niveau du gouvernement français.

Aujourd’hui, la France et l’Europe risquent fort de voir passer très rapidement le train sans elles. Chaque jour qui passe, sans que les investissements lourds en recherche et développement dans les technologies de l’information et de la communication, indispensables pour donner à l’Europe l’indépendance à laquelle elle prétend vis à vis des États-Unis et de l’Asie, réduit nos chances.

En déplaçant sa R&D vers la Chine, Alcatel-Lucent joue la pénétration renforcée des produits chinois en Europe, plutôt que de contribuer - avec le reste de la filière et les pouvoirs publics - à mettre en oeuvre la stratégie de Lisbonne.

Comme nous l’affirmions lors des débats sur la loi de programme pour la recherche, l’État doit agir plus résolument en faveur de la relance de l’effort des entreprises dans la recherche appliquée et l’innovation, mais encore faudrait-il que les effets des mesures engagées en ce sens puissent être évalués.

De juin à octobre 2006, le cabinet d’audit « KPMG » a réalisé une étude concernant quarante pôles de compétitivité. Elle nous apprend que si les partenariats inter-industrie et recherche-industrie font partie des objectifs prioritaires des pôles, l’emploi, les coopérations industrie-formation et l’installation d’activités nouvelles sur les territoires des pôles sont, en revanche, en queue des priorités.

En ce qui concerne plus particulièrement la question de l’emploi, un quart de l’enveloppe de 1,5 milliard d’euros consacrée au financement des pôles de compétitivité consiste en exonérations d’impôt sur les sociétés, de taxe professionnelle, de taxe foncière et de cotisations sociales. Or, cette politique d’allégement et de défiscalisation a largement démontré son inefficacité en matière d’emplois.

Outre la demande d’un moratoire pour stopper les délocalisations et l’intervention de l’État dans le cas de licenciements boursiers, les parlementaires du groupe communiste et républicain ont déposé une proposition de loi tendant à lutter contre les délocalisations et favoriser l’emploi.

L’interdiction des licenciements boursiers y est complétée par un dispositif dissuasif mettant en oeuvre le principe de responsabilité. Les entreprises seraient ainsi moins enclines à considérer le travail comme une variable d’ajustement et une contrainte négligeable lors des prises de décision. Ces mesures doivent s’accompagner d’un dispositif de contrôle des fonds publics et visent à empêcher les pratiques dites de dumping social et fiscal, à l’origine de la majorité des délocalisations.

Ce sont là quelques pistes et réflexions qui pourraient être étudiées par la future commission d’enquête chargée d’examiner les causes et les conséquences du plan de restructuration annoncé par le groupe ALCATEL-LUCENT.

Dans cette perspective, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d’adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application de l’article 6 de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, et de l’article 11, alinéa 1, du Règlement du Sénat, il est créé une commission d’enquête, composée de 21 sénateurs, chargée d’examiner les causes et les conséquences du plan de restructuration annoncé par le groupe Alcatel-Lucent.

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