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Nos propositions de loi et de résolution

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Suppression de la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d’accident du travail

Par / 12 janvier 2010

Mesdames, Messieurs,

La loi de finances pour 2010 a prévu de soumettre à l’impôt sur le revenu, à hauteur de 50 % de leur montant, les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale aux victimes d’un accident du travail.

Cette mesure purement dogmatique, profondément injuste et dont les économies escomptées sont minimes (135 millions d’euros) a été présentée et maintenue par la majorité parlementaire et le gouvernement, alors même qu’elle a et continue de susciter l’indignation chez une très grande majorité de Français, toutes tendances politiques confondues.

Avec l’adoption de cette fiscalisation, même partielle, des indemnités journalières versées aux accidentés du travail et surtout avec la scandaleuse campagne de communication gouvernementale qui l’a accompagnée, la « coproduction législative » a montré son pire visage pour entériner un grave et symbolique recul dans les droits des victimes du travail.

Non, les accidentés du travail n’étaient pas et ne sont toujours pas des privilégiés. Non, ces salariés, hommes et femmes, dont la vie bascule suite à un accident survenu sur leur lieu de travail et qui en gardent trop souvent la trace dans leur chair, n’étaient pas les heureux bénéficiaires d’une niche fiscale qu’il fallait supprimer, au nom d’un prétendu « Rendez-vous d’équité » ou du faux argument de l’alignement de tous les salaires de remplacement.
Créer cette fiscalisation, après bien des tentatives, fut un message clair : « Nous oserons tout ». Ce fut aussi en quelque sorte l’instauration, non pas d’une double mais d’une triple peine : aux traumatismes, tant physiques que psychologiques, dus à l’accident de travail et aux graves pertes de revenus qui en découlent, s’ajoute maintenant la fiscalisation des faibles indemnités journalières que perçoivent les accidentés du travail suite à cet accident.
L’adoption de cette fiscalisation et le discours politique qui l’a accompagnée sont venus nier le statut de victimes de ces salariés, et ceci pour récupérer sur leur dos de bien maigres sommes. Au contraire, d’autres exonérations sociales et fiscales et d’un tout autre montant, dont le bouclier fiscal, n’ont nullement été remises en cause dans la loi de finances pour 2010.

L’argument avancé, de traiter de la même manière tous les revenus de remplacement, ne tient ni juridiquement ni moralement : les indemnités journalières versées aux accidentés du travail et celles versées aux salariés en arrêt maladie ou en congé maternité n’ont pas la même nature, de par la raison (appelée aussi le « fait générateur ») qui en occasionne le versement. Le salarié victime d’un accident du travail n’a pas pu se soustraire à l’accident survenu « par le fait ou à l’occasion du travail ». De par son contrat de travail, il devait être là, à la disposition de son employeur, au moment où la machine a explosé ou quand la nacelle a cédé.

Une autre différence de nature existe entre les indemnités versées en cas d’arrêt maladie ou de congé de maternité, d’une part, et celles versées en cas d’accident du travail, d’autre part. Les premières sont financées par des cotisations salariales et constituent donc une forme de salaire différé qui, comme tel, peut être soumis à fiscalisation (contrairement aux cotisations). Les secondes sont financées par les seules cotisations employeurs (elles mêmes déductibles de l’impôt sur les sociétés) et ne sont en rien un salaire différé.

Enfin, réduire la réparation d’un dysfonctionnement dommageable de l’organisation du travail à un simple salaire de remplacement est choquant quand on se penche sur les causes de trop nombreux accidents du travail.
Trop souvent, l’accident, évènement en principe imprévisible et soudain, avait en réalité toutes les chances de se produire, tant les conditions dans lesquelles le travail s’exécute sont dégradées. Une certaine organisation du travail poussée à l’extrême, dont le seul but est la maximisation des profits (réduction des dépenses de sécurité, travail à flux tendu, cadences intenables, salariés livrés à eux-mêmes et devant se comporter en auto entrepreneur,...), contient en elle-même une mise en danger des salariés et génère des accidents. Trop d’accidents.

Après l’accident, on accorde à la victime une indemnité journalière pour essayer de réparer ces « dommages collatéraux » de la rentabilité à deux chiffres ! Comment comparer cette réparation avec l’indemnité journalière versée à la salariée en congé maternité ou au salarié qui est certes tombé malade, mais sans que cela ait été causé par son travail ?
Soumettre à l’impôt ces indemnités, même partiellement, c’est nier leur nature qui est de réparer les nombreux dommages subis par une victime d’un accident du travail.

Par conséquent, dans un article premier, nous proposons d’abroger la mesure de fiscalisation partielle des indemnités journalières versées aux accidentés du travail, qui a été adoptée par l’article 85 de la loi de finances pour 2010.
Cependant, nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin et de proposer, comme nous l’avons déjà fait par le passé, la réparation intégrale des préjudices subis par les accidentés du travail.

En effet, toutes les personnes qui, un jour au l’autre, ont été confrontées à ces accidents du travail (accidentés, familles, associations, juristes) s’accordent à dire que la réparation forfaitaire mise en place par le régime des accidents du travail doit être réformée pour offrir, enfin, une réparation intégrale. C’est ici que nous verrions l’équité avancée par certains...
La loi du 9 avril 1898 concernant les responsabilités dans les accidents du travail a été l’acte fondateur de l’indemnisation des accidentés du travail appelés alors les « mutilés du travail ». Cependant cette ambitieuse loi, pour être adoptée à l’époque, opérait un compromis : elle facilitait la reconnaissance des accidents du travail mais prévoyait en contrepartie, une réparation partielle des dommages causés au salarié.

Depuis cette date, la solidarité nationale envers les victimes de tout type de dommage a fort heureusement progressé et on ne compte plus les régimes de réparation plus ou moins intégrale (accidents de la circulation, aléa thérapeutique, amiante, essais nucléaires, etc.).

Pourtant, les accidentés du travail continuent de recevoir une indemnisation partielle de leurs dommages : 60 % de leur revenu pendant les 28 premiers jours d’arrêt, puis 80 % à partir du 29ème jour. Cette indemnisation est très loin de couvrir leurs dommages souvent multiples : atteintes corporelles et psychologiques immédiates, perte pour l’avenir de la faculté de vivre pleinement ainsi que de subvenir à ses besoins, par son travail.

À la malchance de subir un accident vient s’ajouter une perte de revenus et à cette baisse de salaire stricto sensu, s’ajoute souvent la perte de primes (notamment les primes assises sur l’assiduité) et la partie du revenu due à l’accomplissement d’heures supplémentaires. Ces pertes de revenus sont particulièrement significatives alors que, dans beaucoup d’entreprises, les formes variables de rémunération ont été fortement développées. Alors que la victime d’un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, dite « loi Badinter de 1985 », sera dans la grande majorité des cas, indemnisée à 100 %, et nous nous en réjouissons, nous pensons qu’il est temps que cette réparation intégrale soit aussi accordée aux accidentés du travail. Cette disparité des taux d’indemnisation doit cesser.

Il n’est pas normal que, dans notre pays, ces victimes du travail ne puissent pas être indemnisées de l’ensemble de leurs préjudices (moral, esthétique, pretium doloris, préjudice d’établissement), sauf à faire reconnaître la faute inexcusable de leur employeur au terme de trop nombreuses années de procédure. Un régime légal de réparation intégrale aurait de plus pour conséquence de tarir les nombreux contentieux visant à faire reconnaître cette faute inexcusable (alors que la fiscalisation créée par la loi de finances pour 2010 que nous voulons abroger est de nature à attiser ce contentieux).
C’est la raison pour laquelle dans les articles 2, 3, 4 et 5 de cette proposition de loi, nous proposons la réparation intégrale des différents préjudices subis par les accidentés du travail.

Cependant, cette proposition de loi ne veut pas simplement revenir sur la fiscalisation des indemnités journalières et proposer une réparation intégrale de leurs préjudices, elle veut également se situer en amont de l’accident du travail et tenter d’en améliorer leur prévention.
C’est pourquoi nous proposons une mesure qui serait de nature à mieux inciter les entreprises à oeuvrer efficacement pour limiter la survenance d’accidents du travail dans leur entreprise. Le taux de sinistralité d’une entreprise doit avoir des conséquences immédiates et directes sur le montant de son chiffre d’affaires et notamment sur celui soumis à l’impôt sur les sociétés.
Pour ce faire nous proposons que les cotisations Accidents du Travail et Maladies Professionnelles (ATMP) que versent les entreprises, ne soient plus traitées comme une charge déductible pour elles au regard du paiement de l’impôt sur les sociétés.

Cette « défiscalisation » des cotisations ATMP de l’impôt sur les sociétés, par le biais d’une diminution du chiffre d’affaires, a un effet pervers : plus l’entreprise connaît d’accidents du travail en son sein, plus ses cotisations ATMP sont élevées et comme elle déduit ces cotisations de son chiffre d’affaires, moins elle paie, au final, d’impôt sur les sociétés. Ce mécanisme n’est vraiment pas incitatif pour réduire les accidents du travail.
Réintroduire les sommes correspondantes aux cotisations ATMP des entreprises dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés serait, au contraire, de nature à inciter chaque entreprise à agir immédiatement pour diminuer sa sinistralité puisque cette dernière aurait des conséquences bien plus immédiates et concrètes sur son chiffre d’affaires que le montant de ses cotisations ATMP.

Nous sommes en effet persuadés que l’incitation à la prévention des accidents du travail est le levier sur lequel il faut intervenir pour faire diminuer de manière significative les accidents du travail et nous pensons par ailleurs que le système actuel de tarification des cotisations ATMP des entreprises n’est pas suffisamment incitatif.

La tarification collective, encore trop présente dans le régime en place, est celle qui déresponsabilise le plus les entreprises en matière de prévention des accidents du travail. Ceci est d’autant plus dommageable que cette tarification collective s’applique dans les petites et très petites entreprises où les salariés ne bénéficient d’aucun représentant du personnel.
D’une manière générale, les entreprises qui veillent à la sécurité et à la santé de leurs salariés doivent être financièrement encouragées, car le respect des conditions de sécurité, même si ce n’est que l’application de la loi, a un coût. Au contraire, celles qui mettent en danger leurs salariés, volontairement ou non, doivent être financièrement pénalisées car les violations des textes sur la sécurité au travail ont souvent pour cause, au-delà de l’ignorance, l’appât du gain.

C’est en définitive une application plus concrète de l’idée de bonus-malus, qui par ailleurs commence à être utilisé, notamment en matière de cotisations ATMP.

L’article 5 de cette proposition réintroduit donc ces sommes dans l’assiette du chiffre d’affaire des entreprises, soumis à l’impôt sur les sociétés, en modifiant la rédaction de l’article 39 de code général des impôts.
De plus, l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, en y soumettant le montant des cotisations ATMP, aura pour conséquence d’accroître les recettes générées par cet impôt et créera des rentrées fiscales supplémentaires pour l’État.

Nous savons que l’équilibre financier de la branche Accidents du Travail et Maladies Professionnelles de la Sécurité sociale doit être maintenu et que toute nouvelle dépense pour cette branche doit être accompagnée d’un réajustement des cotisations sociales qui la financent.

Sans intervenir directement dans ce domaine, nous proposons, pour financer les charges résultant pour l’État et les régimes sociaux, des mesures contenues dans la présente proposition de loi, de les compenser par un relèvement, à due concurrence, du taux de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) assise sur les revenus des capitaux et du patrimoine.
Les auteurs vous proposent donc d’adopter la proposition de loi suivante :

PROPOSITION DE LOI

TITRE I

DÉFISCALISATION DES INDEMNITÉS JOURNALIÈRES VERSÉES
PAR LA SÉCURITE SOCIALE AUX ACCIDENTÉS DU TRAVAIL

Article 1er

« L’article 85 de la loi de finances pour 2010 est abrogé. »

TITRE II

RÉPARATION INTÉGRALE DES PRÉJUDICES SUBIS
PAR LES SALARIÉS VICTIMES D’UN ACCIDENT DU TRAVAIL
OU D’UNE MALADIE PROFESSIONNELLE

Article 2

Avant le chapitre Ier du titre 1er du livre IV du code de la sécurité sociale, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :

« Chapitre préliminaire 

« Réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles

« Art. L. 410-1- Les personnes victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et leurs ayants droit ont droit, dans le cadre des dispositions du présent livre, à la réparation intégrale de leurs différents préjudices. »

Article 3

Après le 4° de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis une indemnisation en réparation des souffrances physiques et morales, des préjudices esthétiques et d’agrément, du préjudice d’établissement et de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

« En cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants, ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, bénéficient d’une indemnisation en réparation du préjudice moral. »

Article 4

L’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« En cas d’incapacité permanente la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité médicalement reconnu. »

2° Au troisième alinéa, après les mots : « Dans le cas où l’incapacité permanente », les mots : « est égale ou supérieure à un taux minimum et » sont supprimés.

3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque, par la suite d’un ou plusieurs accidents du travail, la victime a droit à indemnisation, celle-ci se fait, sur demande de la victime, soit par l’attribution d’une rente qui tient compte de la ou des indemnités en capital précédemment versées, soit par l’attribution d’une indemnité en capital dans les conditions prévues à l’article L. 434-1. »

Article 5

Le premier alinéa de l’article L. 433-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« L’indemnité journalière est égale au salaire net journalier perçu. »

TITRE III

MAINTIEN DU MONTANT DES COTISATIONS ACCIDENTS
DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES VERSÉES
PAR LES EMPLOYEURS DANS L’ASSIETTE DE L’IMPÔT
SUR LES SOCIÉTÉS

Article 6

Au premier alinéa du 1° du 1. de l’article 39 du code général des impôts, après les mots : « dépenses de personnel et de main-d’oeuvre », sont insérés les mots : « à l’exception des sommes représentant le montant des cotisations versées par l’entreprise au titre de sa participation au financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale pour les risques professionnels. »

Article 7

Les éventuelles conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par un relèvement des taux prévus aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale.

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