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Une logique mortifère pour les établissements publics de santé

Suppression du processus de convergence tarifaire -

Par / 25 mai 2012

Les établissements publics de santé connaissent aujourd’hui des situations particulièrement difficiles, du fait des politiques de rigueur économique et des contraintes financières que les gouvernements successifs leur imposent depuis des années. Celles-ci se sont accrues avec le passage à la tarification à l’activité - la T2A - et l’adoption de la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires : loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires) qui tendent à imposer aux hôpitaux des mécanismes inspirés du modèle privé, y compris industriel. L’hôpital y est réduit à des entreprises de soins, dont la seule priorité est, avant même la satisfaction des besoins en santé des populations, l’équilibre financier.

Cette logique est mortifère et il faut y mettre un terme, notamment en sortant du financement exclusivement réalisé à l’acte et en réintroduisant de réels financements destinés à compenser les dépenses particulières liées à l’accomplissement des missions de service public.

D’une certaine manière, cette proposition de loi en proposant que l’on rompe avec la convergence tarifaire y contribue, puisqu’elle réaffirme avec force une réalité que les professionnels de santé, les usagers et les élus locaux connaissent : un hôpital et une clinique n’ont pas les mêmes finalités et ne peuvent donc pas être dirigés, organisés et financés de la même manière.

Revisiter les modes de financement appelle parallèlement à repenser la démocratie sanitaire particulièrement mise à mal par la loi HPST.

Instaurée en 2004, la convergence tarifaire est incontestablement liée à la Tarification à l’Activité - la T2A - dont le principe repose sur une harmonisation des règles de financement entre établissements publics et établissements privés lucratifs. Ce faisant, le législateur a semblé croire que l’on pouvait « effacer » la « nature » des établissements, en imposant un financement unique à l’ensemble des établissements de santé, sans qu’il n’y ait à rechercher si ces derniers sont publics ou privés à vocation commerciale. Ainsi, un acte réalisé au sein d’un établissement public devrait obligatoirement être financé au même montant dans tous les établissements de même type, sans distinction de nature (publique ou privé).

Cette analyse est naturellement contestable dans la mesure où les tarifs pratiqués dans les établissements privés commerciaux et qui servent quasi systématiquement de référence dans le cadre de la convergence tarifaire, ne recouvrent pas les mêmes champs que dans les hôpitaux. À titre d’exemple, les tarifs des cliniques n’incluent pas les honoraires des praticiens qui y exercent, alors que ceux-ci sont pleinement intégrés dans les tarifs hospitaliers. Cela constitue d’ailleurs l’une des préconisations de la Cour des comptes qui considère que si le législateur veut instaurer un mécanisme de convergence - fusse-t-il ciblé - le périmètre ciblé devrait pour le moins et pour des raisons « d’équité », « inclure les honoraires des médecins ; le reste à charge pour les assurés et les protections complémentaires ».

La Cour des comptes recommande également d’inclure dans les tarifs du secteur privé lucratif, le prix des actes liés au séjour en clinique mais effectués hors des murs de l’établissement, c’est-à-dire ceux réalisés en médecine de ville. Les cliniques exigeant de plus en plus souvent de leurs patients, qu’ils réalisent certains actes à l’extérieur, tels que les actes d’imagerie ou de biologie. Cette « externalisation » fausse naturellement les tarifs dans la mesure où tous ces actes sont réalisés au sein des établissements publics de santé et sont par conséquent intégrés dans le tarif global. Cette spécificité hospitalière, qui a le mérite de clarté en matière d’analyse des coûts, constitue par ailleurs une chance pour le patient, qui, pris en charge intégralement dans l’hôpital, est largement moins exposé aux dépassements d’honoraires que ceux qui peuvent être exigés par certains spécialistes, tant dans les cliniques commerciales qu’en médecine de ville.

En outre, la convergence tarifaire tend à nier les différences fondamentales qui existent pourtant réellement entre les établissements publics de santé et les établissements de santé privés.

Ces derniers - en dehors des cas où ils se voient confier des missions de service public - ne sont pas assujettis à certaines contraintes propres aux établissements publics et qui ne sont pas sans conséquence sur l’organisation des soins et sur la dépense. C’est notamment le cas des dépenses induites par la réalisation de soins non programmés (urgences) qui exigent des établissements publics de santé qu’ils soient en mesure de faire face à une fréquentation parfois accrue et non prévue.

La finalité de la convergence tarifaire est claire : imposer à tout prix une réduction des tarifs hospitaliers servant de base pour la rémunération à l’acte dans un seul objectif, la réduction des dépenses publiques. Le rapport remis par la Cour des comptes en septembre 2011 est clair : « La volonté de rapprocher les tarifs des deux secteurs participe à la mise sous tension du dispositif hospitalier public et comme telle doit favoriser la réforme du système de soins ». La mise sous tension dont il est question ici est évidement financière et la réforme du système de soins ne s’analyse en réalité, que sous l’angle économique de réduction des dépenses.

D’ailleurs, le rapport de la Cour des comptes est clair. L’application totale de la convergence tarifaire, c’est-à-dire par l’alignement du tarif public sur celui du secteur privé, « induirait, selon une logique purement arithmétique, compte tenu du financement actuellement accordé aux établissements ex DG (Dotation Globale) qui est de 31,7 milliards d’euros, une perte de recette annuelle supérieure à 7 milliards d’euros ».

Cette situation fragiliserait donc les établissements publics de santé qui n’auraient d’autres choix, pour faire face aux contraintes économiques, que de réduire leurs dépenses contraintes, à commencer par la plus importante d’entre elles, les dépenses en personnels. Situation d’autant plus inquiétante que l’on constate aujourd’hui un gel des enveloppes financières attribuées au titre des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation (MIGAC). On sait pourtant que jusqu’à aujourd’hui, certaines charges pesant sur les seuls établissements publics de santé ont été « sorties de la base tarifaire » pour être transférées sur les MIGAC, à l’image de la création d’un MIG « précarité ».

Or, ces MIGAC qui contribuaient - insuffisamment - à compenser les écarts entre les tarifs pris en charge par l’assurance maladie et les dépenses réellement engagées dans les établissements publics de santé, ont connu en 2011 un gel, voire une diminution. Le Gouvernement d’alors, considérant que les MIGAC devaient comme la politique tarifaire, participer à la régulation macro-budgétaire, a ainsi décidé de geler 80 millions d’euros dédiés au AC - Aide à la Contractualisation - tout en imposant 62 millions d’euros d’abattement initial, comme le souligne le site internet spécialisé « finances hospitalières » pour « effort d’économies ».

La situation n’est guère enviable dans les établissements médicosociaux.

Ainsi, selon une étude menée par la Fédération Hospitalière de France, et le Syndicat national de gérontologie clinique en 2012, la convergence entre les EHPAD et les USLD pourrait conduire à une réduction de crédits d’environ 211 millions d’euros. Cette étude met notamment en évidence que les 126 unités de soins de longue durée (USLD) où la convergence tarifaire est appliquée, on assiste à un recul notable du « Pathos moyen pondéré » (PMP). Or, ce PMP est primordial pour les établissements, puisque mesuré en points, il détermine le niveau de prestations fournies par l’établissement pour la prise en charge des soins médicaux apportés à la personne dépendante et contribue de fait à définir le Gir moyen pondéré soins (GMPS) qui, multipliés par une valeur en euros et par le nombre de lits exploités, définissent une dotation théorique (le « tarif plafond ») pour chaque établissement. Réduire l’importance du PMP entraîne donc de fait une réduction de la dotation accordée aux établissements. Selon cette étude, « la convergence tarifaire totale (prévue à l’horizon 2016) sur cet échantillon de 126 établissements devrait se traduire par un recul de leur enveloppe de 76,5 millions d’euros, soit une réduction de 21 % de leurs moyens en personnel soignant et médical ». Des réductions que les établissements n’auraient pas d’autres choix que de compenser là encore par une réduction de la masse salariale, au détriment des personnes accueillies et des personnels. Pourtant, comme le rappelaient la FHF et le SNGC dans un courrier adressé le 12 janvier 2012 à Xavier BERTRAND - alors ministre du travail, de l’emploi et de la santé - « les tarifs plafonds appliqués ont été définis sans aucune concertation et ne permettent pas une présence médicale et infirmière continue », alors même que « ces unités accueillent des personnes âgées très dépendantes (GIR moyen pondéré de 853) et très malades (PMP moyen de 393 ) ».

Cette incidence de la convergence tarifaire sur la masse salariale et donc indirectement sur la qualité et la sécurité des soins et prestations réalisés au sein des EHPAD est confirmée par une autre étude de la FHF menée en 2010. Celle-ci démontre que « seulement 1,6 % des EHPAD publics en situation de convergence ont des ratios d’encadrement soignant supérieur à 0,5. Tandis que 57 % des EHPAD publics en situation de convergence tarifaire ont des ratios d’encadrement soignant inférieurs à 0,30 ». Nous sommes donc loin de la préconisation du plan : « solidarité grand-âge » qui, pour mémoire, préconise 1 encadrant pour 1 résidant qui relève du GIR 1 ; 0,84 pour les résidants qui relèvent du GIR 2 ; ou 0,66 pour ceux du GIR 3

La convergence tarifaire entraîne donc de facto une pression économique sur les établissements qui n’ont d’autres choix que de la répercuter sur la masse salariale via la suppression de postes d’aides-soignants, d’aides médico-psychologiques et d’infirmiers qui sont pourtant indispensables auprès des résidents. Cette contrainte économique pèse également sur les personnels qui sont nombreux à décrire un travail physiquement et moralement dur, sous rémunéré, trop précarisé et insuffisamment reconnu, les privant par exemple, de toute évolution professionnelle.

Depuis quelques années, les gouvernements successifs semblent avoir décidé de ralentir le processus de convergence tarifaire, à l’image de l’arrêté du 6 février 2012 portant modification de l’arrêté du 26 février 2009 fixant les règles de calcul des tarifs plafonds et de mise en oeuvre de la convergence tarifaire. Celui-ci prévoit qu’à partir de l’année 2012, les EHPAD non « pathossifiés » ne sont plus en convergence tarifaire.

Un ralentissement mais non un renoncement, dans la mesure où la convergence devrait être totale - si rien n’est fait - à compter de 2018. C’était en tout cas l’engagement pris par François FILLON - alors Premier ministre - dans un courrier adressé novembre 2011 à la Fédération Hospitalière Privée - FHP - dans lequel il considérait « que le financement des hôpitaux ne pouvait pas être fondé sur des dotations forfaitaires et arbitraires, déconnectées de toute notion d’activité médicale ».

Cette négation même des spécificités des établissements publics, c’est-à-dire d’établissements de qualité et recevant toutes les catégories de publics, sans distinction de ressources, est au coeur de ce processus de convergence, dont la finalité est l’assimilation du public et du privé, étape indispensable à la privatisation des services publics de santé et d’accueil médico-social.

Ce processus de convergence nuit à la qualité de l’accueil et conduira au final à accroître les difficultés que rencontrent nos concitoyennes et nos concitoyens, dans l’accès aux soins. Personne ne peut ignorer le fait qu’aujourd’hui, ce ne sont pas les mêmes publics qui optent pour les cliniques commerciales et celles qui sont soignées dans les hôpitaux. Imposer un financement similaire, sans tenir compte de ces spécificités pourraient conduire les établissements publics à privilégier, comme le font les cliniques commerciales, les opérations les plus rentables au détriment de celles qui le sont moins. À cet égard, la diminution notable du nombre d’établissements réalisant des interruptions volontaires de grossesse est éloquente.

Si nous souhaitons que notre pays conserve un système de santé aussi protecteur et efficace que celui que nous connaissons actuellement, il convient de mettre un terme à ce processus de convergence tarifaire.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 est abrogé.

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