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Tribunes libres

Parues dans la presse ou dans le journal du groupe, retrouvez ici les tribunes libres signées par les membres du groupe CRC.

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Les handicapés victimes eux aussi de l’austérité

Accessibilité aux lieux publics -

Par / 13 mai 2014

Entretien paru dans Initiatives n°89.

Comment réagissez-vous à la volonté du gouvernement d’accorder de nouveaux délais,
allant de trois à neuf ans, à l’obligation de rendre accessibles les lieux publics et les transports aux personnes handicapées ?

Annie David. La loi de 2005 a été qualifiée de grande loi parce qu’elle portait un principe fondamental auquel je suis très attachée, celui de l’accessibilité universelle, étendant la notion d’accessibilité à tous les types de handicaps et à tous les domaines de la vie en société, prenant en compte toutes les personnes qui peuvent se trouver en situation de handicap durable ou provisoire, et qu’elle le rendait obligatoire ; c’était un enjeu considérable. Pourtant ce principe avait déjà été affirmé par une loi d’orientation de 1975, déjà considérée comme une grande loi puisqu’elle consacrait pour les personnes handicapées le droit d’exister à part entière. Bilan, trente ans après, on était loin du compte. Alors en 2005, un nouveau délai de dix ans est accordé. Et à nouveau, à quelques mois de l’échéance de 2015, nouveau constat : l’objectif de mise en accessibilité ne sera pas atteint. Aujourd’hui le gouvernement nous soumet une nouvelle bonne idée, permettre à tous les opérateurs qu’ils soient publics ou privés de revoir leur programmation, leurs échéanciers, sans pression, sans pénalité… et pour la troisième fois sans moyens financiers ! En 2005, nous avions bataillé pour une loi d’égalité sociale, et avec les associations nous avions dénoncé l’absence d’un volet financier qui aurait permis de concrétiser les bonnes intentions de la loi. Les personnes handicapées et leurs familles y ont mis leur espoir ; elles auront espéré durant 40 ans, il leur faudra attendre encore, 10 années peut-être, avant de pouvoir se déplacer librement, travailler, partir en vacances avec leurs enfants, diner dans un restaurant avec leurs amis où elles veulent quand elles veulent ! Parce qu’il s’agit d’abord de cela, le droit de vivre. Le handicap dont souffrent les personnes n’est-il pas assez lourd en lui-même pour y ajouter le poids de l’indifférence de la société et de l’isolement ? Repousser encore les délais de mise en accessibilité c’est repousser l’ambition d’une société adaptée aux besoins de toutes et tous, et cela n’augure rien de bon en termes de solidarité qui plus est, au moment même où l’on parle d’adapter la société aux personnes vieillissantes.

Beaucoup d’élus locaux sont cependant soulagés : faute de moyens, ils étaient souvent dans l’incapacité de respecter ces nouvelles normes dans les temps…

Annie David. Cela apparait clairement dans les rapports établis dés 2012 : ce sont les communes et les départements qui ont le plus investi en faveur de l’accessibilité. Ce sont d’ailleurs souvent les collectivités qui ont les populations les plus modestes qui investissent le plus en faveur de leurs et concitoyennes et concitoyens en termes d’action publique et ce sont elles qui ont eu à procéder au plus grand nombre d’adaptations. Ce sont souvent ces collectivités qui ont les ressources les plus faibles et qui sont le plus touchées par la réduction des dotations au nom de la réduction des déficits publics. Alors oui, le fait de ne pas être soumises à des pénalités en cas de non achèvement et de pouvoir étendre leur échéancier de programmation est pour elles un soulagement légitime. Mais comment accepter que les personnes handicapées servent de variable d’ajustement aux budgets territoriaux ! Comment justifier que des acteurs publics ou privés qui n’ont tout bonnement pas fait de l’accessibilité une priorité, qui ont rejeté l’obligation faite par la loi, qui ont pour certains parié sur un recul du législateur, se voient aussi octroyer des délais !

Comment financer des travaux qui se chiffrent en milliards d’euros ?

Annie David. Toute la question de la réussite ou de l’échec de la politique d’accessibilité réside dans la question des moyens financiers. En 2005, le groupe CRC avait voté contre le projet de loi qui faisait l’impasse sur l’accompagnement en termes de moyens humains et de moyens financiers. Nous considérions qu’il était indispensable qu’un fonds relevant de la solidarité nationale soit dédié aux collectivités et aux petits opérateurs privés pour soutenir leurs efforts. Le bilan nous donne raison et cette question est toujours d’actualité pour nous. Il n’est pas envisageable que l’on puisse faire appel à la seule péréquation entre les collectivités dont les dotations ont déjà subi des baisses considérables et qui, après le discours de politique générale du Premier ministre sont amenées à en connaitre de nouvelles. Et surtout l’accessibilité n’est pas qu’un coût, c’est un investissement qui comme la santé rapporte à l’ensemble de la société. Accroitre l’accès aux loisirs, à la culture, à la consommation, génère des richesses. Nombre d’opérateurs privés n’ont aucun doute sur les bénéfices de la filière économique du 3e âge ! Alors si tant est qu’un pacte véritablement solidaire s’oriente vers une relance de la consommation, soyons sûrs que les investissements engagés en matière d’accessibilité seront rapidement rentabilisés.

Faut-il revoir la loi de 2005 ?

Annie David. La loi de 2005 avait de nombreuses lacunes ne serait-ce qu’au plan financier, je l’ai dit, au plan humain, pour l’accompagnement des collectivités, pour le contenu des programmations, l’aide technique, l’aide à l’anticipation des besoins. Nous avions identifié un certain nombre de difficultés autour des maisons départementales pour le handicap, sur les aides compensatrices, les aides aux personnes ; la loi d’habilitation présentée par le gouvernement ne reprend aucun de ces sujets, je le déplore d’autant qu’elle introduit un certain nombre de dérogations qui constituent un recul.

Combien de personnes en France sont-elles concernées par des difficultés de mobilité ?

Annie David. Il est très difficile d’évaluer le nombre de personnes directement affectées par des difficultés de mobilité selon que l’on prend les sources de l’INSEE ou celles du ministère de la Santé. Environ 16 % de la population serait aujourd’hui directement concernée. Avec le vieillissement de la population, ce chiffre sera rapidement dépassé. Mais ces chiffres n’ont que peu de sens dans la mesure où l’adaptation de notre société à des besoins initialement définis pour le domaine du handicap s’avère pertinente dans de très nombreuses situations quotidiennes, les personnes âgées, mais aussi les parents avec des poussettes, des voyageurs avec des valises, des personnes momentanément blessées, fatiguées.

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