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Tribunes libres

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Une affaire trop importante pour la laisser aux seuls militaires

Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale -

Par / 31 mai 2013

Tribune parue dans Initiatives n°84, juin 2013.

L’activité des parlementaires du Front de gauche dans le domaine de la Défense nationale est souvent méconnue et incomprise. Dans le meilleur des cas, on ne retiendra que leur prise de position lorsque le Parlement est sollicité pour donner son avis sur une intervention militaire de la France à l’étranger. En revanche, la discussion du budget de la défense, deuxième budget de l’État en volume et traduction financière d’une politique aux incidences considérables sur la vie et l’économie de notre pays, passe totalement inaperçue.

Ceci peut se comprendre, car l’essentiel des décisions en matière de Défense nationale étant constitutionnellement du ressort du seul Président de la République, le rôle du Parlement est très limité : peu de textes législatifs proprement dits, une fonction de contrôle qui, la plupart du temps, se limite en séance publique à des débats sans vote. On aurait pourtant tort de se satisfaire de cette situation, d’y être indifférent, et de penser que la faiblesse du contrôle démocratique sur cette activité régalienne de l’État serait le signe de son peu d’importance. Un autre danger serait de considérer que ces questions ne doivent concerner que les spécialistes ou ceux qui en ont le goût, et bien évidemment les militaires. Il se trouve que dans la prochaine période, les parlementaires communistes devront très concrètement exposer leurs analyses et prendre publiquement position sur ces questions majeures, à l’occasion de la publication du Livre blanc de la Défense et de la sécurité nationale et de la discussion, à l’automne, d’une loi de programmation militaire qui en sera la traduction budgétaire.

Un nouveau « Livre blanc » a en effet été remis au Président de la République le 29 avril dernier. Élaboré par un groupe restreint d’experts et de représentants de l’État, auxquels étaient associés trois députés et trois sénateurs, il dresse un état des lieux et propose au chef de l’État les nouvelles grandes orientations de la politique de défense du pays pour la décennie à venir. Il devrait être examiné en séance publique au Parlement avant l’été. Il faut d’emblée déplorer que les questions traitées ne fassent pas, hormis un débat parlementaire à l’audience limitée, l’objet d’un large débat national. Les réponses apportées dans ce document sont pourtant déterminantes pour l’avenir de notre pays et révélatrices d’une certaine conception de la société, que pour notre part nous ne partageons pas pleinement.

Il faut en premier lieu regretter que les options proposées ne soient pas en rupture avec les politiques de défense de la droite et qu’elles se contentent de les adapter à des situations nouvelles, mais sans aucunement remettre en cause le modèle stratégique de projection des forces, d’intégration et de soumission à l’Otan qui était celui des battus de mai 2012. Depuis une vingtaine d’années, nous sommes pourtant passés d’une armée de conscription, dont la mission principale, malgré de nombreuses contradictions, était la sanctuarisation du territoire national, à une armée de professionnels prioritairement utilisés à des interventions extérieures, la plupart du temps dans le cadre de l’Otan, et sans lien précisément établi avec des menaces pesant sur la souveraineté et l’indépendance du pays.

Depuis le précédent Livre blanc, le contexte géostratégique a aussi particulièrement évolué : nous avons réintégré le commandement militaire de l’Otan (sans aucun débat démocratique sur cette nouvelle orientation stratégique qui nous réengage dans une alliance contraignante) et l’intervention de cette organisation est en passe de s’achever en Afghanistan tandis que nous avons mené deux nouvelles opérations militaires d’envergure, en Libye et au Mali. Après l’espoir suscité par leurs « printemps », l’évolution des sociétés arabo-musulmanes est inquiétante et l’opposition entre deux blocs régionaux qui se cristallise à travers le conflit syrien risque d’embraser tout le Moyen-Orient. Enfin, la guerre menée au Mali a révélé combien les pays de la bande sahélienne étaient profondément déstabilisés par le sous-développement qui génère le narco-terrorisme et les revendications des Touareg.

L’analyse des menaces contre notre pays exposées dans le Livre blanc n’est pas fondamentalement renouvelée et reste prisonnière des mêmes schémas de pensée que ceux de la droite. Certes, de nouveaux risques de conflits entre États, dus à l’augmentation des budgets militaires, notamment en Asie, sont identifiés, mais seules la déstabilisation du Moyen et du Proche-Orient, la déliquescence de certains États livrés aux trafics et aux groupes armés, et la prolifération des armes de destruction massives restent mises en avant. Tout cela sans qu’en soient analysées les causes profondes. La globalisation qui multiplie les flux de marchandises et de personnes est perçue sous le seul angle de l’augmentation des risques de terrorisme, sans mettre en cause la responsabilité des luttes pour la défense de leurs propres intérêts qui opposent entre elles les grandes entités économiques et financières à travers le monde. La criminalité organisée, les risques naturels (conséquence partielle du réchauffement climatique) sanitaires ou industriels, les flux migratoires, ainsi que les attaques contre nos ressortissants à l’étranger, complètent la liste des menaces, avec une priorité désormais accordée à la lutte contre les attaques que subissent les systèmes informatiques.

Par ailleurs, la doctrine de la dissuasion nucléaire avec ses deux composantes, maritime et aéroportée, est réaffirmée, alors qu’il aurait fallu s’interroger sur sa pertinence pour lutter aujourd’hui contre des menaces ne provenant plus d’États en tant que tels, et sur le coût financier considérable de nos forces nucléaires (¼ du budget global de la Défense) qui est maintenu au détriment de l’équipement de nos forces conventionnelles, et qui pèse lourdement sur les finances publiques. La parution de ce nouveau Livre blanc aurait dû être l’occasion d’ouvrir le débat sur cette question fondamentale, qui, malgré les apparences, ne fait plus consensus dans le pays et qui entretient une dangereuse course aux armements. Dans un tel contexte, la notion, purement militaire, de « défense » est à nouveau assimilée à celle beaucoup plus large de « sécurité nationale ». Les menaces ne sont pas véritablement hiérarchisées, comme ne sont pas non plus clairement définis ce que sont les « intérêts vitaux » du pays, au nom desquels nous entretenons un outil militaire qui représente une part si importante du budget national.

La principale question que se sont posée, à juste titre, les rédacteurs de ce nouveau Livre blanc était de savoir comment conserver les ambitions de la France dans un monde instable et comment maintenir un effort substantiel pour assurer notre sécurité dans une situation économique et budgétaire aussi dégradée. Mais leurs réponses ont pour nom austérité et atlantisme, deux dangers mortels pour l’indépendance et la souveraineté nationale. En outre, sous couvert d’annoncer des moyens budgétaires préservés, le Président de la République organise en réalité un affaiblissement global de notre outil de défense : les éléments principaux en sont une nouvelle suppression de vingt-quatre mille postes dans les armées, ce qui entraine une réduction de leur format et donc de leur « contrat opérationnel », et une baisse de 40 %, chaque année, des crédits attribués aux programmes d’armement. Avec la disparition d’unités et d’établissements, cela aura inévitablement des conséquences négatives sur la situation de nos territoires et de leurs populations, ainsi que sur l’emploi et la perte de savoir-faire de nos industries de défense. Enfin les ventes envisagées de participations de l’État dans ces industries pour réaliser des économies budgétaires, annoncent de nouveaux abandons de maîtrise publique dans un secteur aussi déterminant pour la souveraineté nationale.

Tout ceci peut sembler abstrait et éloigné des préoccupations de nos concitoyens. Ce sont pourtant des décisions qui, si elles étaient confirmées, pourraient avoir des répercussions négatives sur leurs vies, tant d’un point de vue économique que sur la défense à plus long terme des intérêts de notre pays. C’est tout l’enjeu des prochaines discussions autour du Livre blanc et de la Loi de programmation militaire, au cours desquelles les parlementaires communistes feront entendre la singularité de leur voix dans le consensus ambiant. Cela suppose notamment une autre évaluation des menaces, actuelles et futures, qui pèsent sur la France afin de se donner les moyens adaptés pour y faire face. Ils ne laisseront pas ce débat se dérouler dans l’indifférence générale. Ils proposeront ainsi l’alternative d’une véritable politique de défense, qui garantisse l’autonomie de décision stratégique de notre pays et la souveraineté de son peuple.

C’est la seule façon de conforter, dans un cadre multilatéral, un système de sécurité collective qui soit un outil efficace de résolution des conflits sur le chemin de la paix et du désarmement international.

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