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Tribunes libres

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Vers l’éclatement de l’égalité républicaine

Acte III de la décentralisation -

Par / 1er avril 2013

Tribune parue dans le numéro d’avril du journal Initiatives.

Le projet annoncé d’acte III de la décentralisation est à plusieurs titres profondément inquiétant. Il recentre l’action de l’État, en lien avec la politique d’intégration européenne. Il organise son désengagement de nombreuses compétences relevant jusqu’ici de sa responsabilité, avec de nouveaux transferts vers les régions d’abord, mais aussi vers les départements et les communes, ou plus précisément ce que l’on appelle le bloc communal, pour mieux faire disparaître les communes y compris dans le langage administratif et politique. Ce faisant, ce projet porte une conception de l’État recentré sur ses missions régaliennes, telle qu’elle est promue par les idéologues du libéralisme et les traités européens, afin de réduire les dépenses publiques. Tout aussi grave, ce projet de réforme porte un nouveau principe d’organisation de l’État : celui de sa libre coordination avec l’intervention des collectivités territoriales.

Ainsi, tout laisse penser que d’une région à une autre, l’action de l’État pourrait à l’avenir être différente. Il introduit enfin dans notre droit, le principe général de proportionnalités des normes concernant les collectivités. Pour se faire, il propose que le législateur habilite le pouvoir réglementaire, c’est-à-dire le pouvoir central, afin qu’il dispose dorénavant de la possibilité de différencier les modalités d’application de la loi dans chaque territoire. Or, ne nous le cachons pas, derrière le mot de normes, qu’il est bon de décrier aujourd’hui, se cache en fait les réglementations qui permettent l’application de la loi partout et pour tous. Il s’agit donc de la déclinaison réglementaire de notre principe constitutionnel déclarant notre « République une et indivisible ».

Il s’agit bien souvent de règles de sécurité, d’hygiène et de santé publique, de qualité des prestations offertes, d’égalité et d’accès aux services publics locaux. Aussi, s’il est juste de vouloir réduire leur excès trop souvent bureaucratique et tatillon, toute version low-cost de leur application mettrait à mal notre pacte social et affaiblirait la protection des citoyens. Avec l’énoncé de ces nouveaux principes fondant l’action publique, il n’est nul besoin d’être grand clerc pour comprendre l’importance des bouleversements que leur application risque d’entraîner sur le terrain de l’égalité des citoyens et des territoires. Plus que jamais, il vaudra mieux vivre dans des territoires riches et pleins d’avenir que dans des régions définies comme pauvres et archaïques.

D’autant que ces principes s’appliqueraient au sein d’une architecture de l’organisation territoriale de la République s’inscrivant pleinement dans le cadre de la réforme territoriale sarkozyste de 2010, que la gauche avait pourtant combattue. Certes, la disparition du conseiller territorial et le retour annoncé de la compétence générale en faveur des départements et des régions sont des avancées importantes qui permettent d’envisager, en particulier, la pérennité de nos départements. Mais le reste de la loi demeure, en particulier la marche forcée qui est en cours actuellement vers l’intégration des communes au sein d’intercommunalités aux périmètres et aux pouvoirs élargis. D’ailleurs, on ne parle plus dans ces textes de coopération, mais tout simplement d’intégration pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines.

Cette intégration sera encore davantage renforcée dans certains territoires, comme Paris, Lyon et Marseille, mais aussi avec les métropoles dorénavant plus nombreuses et disposant d’encore plus de compétences. Ainsi, par différents biais, les compétences communales vont se réduire et la compétence générale retrouvée des départements et régions sera, particulièrement, encadrée. La libre administration va se restreindre et se mettra en place une concentration des pouvoirs locaux. Le principe constitutionnel qui veut qu’aucune collectivité territoriale ne puisse exercer une tutelle sur une autre sera lui aussi mis en cause, en particulier par le biais des conférences territoriales, des pactes de gouvernances et autres schémas prescriptifs, sans parler des nouveaux modes de représentation et la règle majoritaire au sein des intercommunalités, qui feront qu’une partie des communes pourra imposer ses choix à l’autre partie.

Au nom de l’efficacité recherchée, c’est la concentration des pouvoirs qui est proposée, au nom de la diversité de nos territoires, c’est l’inégalité et la concurrence qui va se mettre en place. C’est un projet qui porte dans ses fondements, l’éclatement de l’égalité républicaine. Si nous le rejetons, nous ne sommes pas pour autant partisans du statu quo. Une nouvelle phase doit s’ouvrir et elle doit être celle de la coopération et de la co-élaboration, pour une décentralisation démocratique et solidaire.Ce n’est pas de nouveaux transferts de compétences dont nous avons besoin, et encore moins de compétences exclusives attribuées à tel ou tel autre niveau de collectivités.

Non, il faut au contraire un ensemble de compétences partagées, qui permettent à chacun de jouer sa partition dans le cadre d’une vision globale et à partir du principe de subsidiarité, pour favoriser le développement des politiques publiques. Dans ce cadre, les trois niveaux actuels de collectivités territoriales doivent être maintenus, et aucun autre niveau ne doit être créé. Chaque territoire qu’elles représentent dispose des périmètres pertinents pour mener à bien les politiques nécessaires au développement de notre pays. Dans ce cadre, nous pensons qu’il faut refonder l’intercommunalité qui n’aurait jamais dû s’éloigner de son objectif, d’être un outil de coopération entre les mains des communes et non comme actuellement, avec la loi de 2010 et les projets actuels, des outils d’intégration forcée, visant à faire disparaître les communes. Les communes, nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux.

Elles représentent, pour nous, des foyers de base de notre démocratie. Elles sont des lieux de l’engagement citoyen au service de la collectivité, favorisant dans la proximité les échanges et les controverses nécessaires à l’expression du pluralisme. L’existence de 500 000 élus locaux n’est pas une charge, mais au contraire, un formidable atout démocratique. Les communes sont aussi des lieux de gestion et d’écoute dans la proximité, au plus près des besoins et des attentes de nos concitoyens, qu’il nous faut sauvegarder.

Derrière nos inquiétudes, il n’y a aucune réticence au changement, au contraire, mais nous refusons le moule de l’intégration, de la concentration des pouvoirs, de l’éloignement des citoyens des lieux de décisions, de la mise en concurrence des territoires. Nous ne voulons pas d’une régionalisation/métropolisation rampante et de l’austérité à tous les étages. Nous avons une tout autre ambition pour nos territoires et pour notre pays.

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