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Antoine Deltour, un voleur ? Il est temps de légiférer sur les lanceurs d’alerte

Protection des lanceurs d’alerte -

Par / 12 mai 2016

Un voleur…Telle est la nouvelle dénomination qu’a attribué la justice luxembourgeoise à Antoine Deltour à l’origine des « Luxleaks ». Alors que le procès de ce vosgien de 30 ans est terminé, il risque une peine de 18 mois de prison ferme alors qu’il n’a agi que dans l’intérêt commun.

Mais alors qu’est-ce qui différencie un lanceur d’alerte d’un voleur ?

Un lanceur d’alerte est « Une personne ou un groupe qui estime avoir découvert des éléments qu’il considère comme menaçants pour l’homme, la société, l’économie ou l’environnement et qui de manière désintéressée décide de les porter à la connaissance d’instances officielles, d’associations ou de médias, parfois contre l’avis de sa hiérarchie. » Cette personne c’est Edward Snowden, c’est William Binney, c’est Thomas Drake, mais aussi Irène Franchon mais apparemment pas Antoine Deltour !

Tous ont en commun leur courage…Le courage de signaler un disfonctionnement, un scandale dans l’intérêt général et ce malgré le risque de tout perdre. Car oui, aussi étonnant que cela puisse paraitre, le lanceur d’alerte n’est protégé pour l’instant par aucune loi.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, permettez-moi ce bref rappel historique…

Le droit d’alerte, tel qu’on l’entend en droit international, naît en 1863 avec le False Claims Act, dispositif fédéral protégeant les Etats-Unis de marchés frauduleux. C’est du mouvement des droits civiques américains inspiré des thèses sur la vérité antithétique de la violence, et des scandales des papiers du Pentagone (avec le lanceur d’alerte Daniel Ellsberg) puis du Watergate, que nait en 1972 le terme de whistleblowing créé par Ralph Nader. Puis, c’est en 1977 qu’est créée la première grande fondation de défense des lanceurs d’alerte par des avocats spécialistes des droits de l’homme (Government Accountability Project), et en 1978 la première traduction juridique de whistleblowing avec la protection de l’agent public lanceur d’alerte dans le Civil Service Reform Act, et la création de l’Office of Special Counsel, autorité gouvernementale de l’alerte . Ainsi, à dater des années 70, au fil de scandales et de crises politiques, sociales et morales et sous la pression des sociétés civiles, le droit d’alerte essaime dans le monde. Ce n’est qu’à l’aube des années 2000 que le phénomène arrive en Europe avec la grande loi britannique Public Interest Disclosure Act (PIDA) de 1998. La définition quant à elle s’est formée au fil des 50 années la notion de whistleblowing, évoluent, suite aux crises financières, sanitaires, environnementales, passant du « signalement de fraudes comptables « à celui de « risque pour autrui », et donc au concept de « signalement dans l’intérêt général ».

L’intérêt général c’est justement ce qui a poussé Antoine Deltour à agir. Cet homme se retrouve aujourd’hui dans le viseur des multinationales et du Luxembourg suite à la révélation de l’affaire Luxleaks. Ainsi, pour avoir agi dans l’intérêt de tous, cet ancien auditeur du cabinet d’audit PWC s’est retrouvé attaqué par son ancien employeur pour « vol domestique », ’« accès frauduleux dans un système informatique », « divulgation de secrets d’affaires » et de « violation du secret professionnel ». Alors que son procès est terminé, il risque 18 mois de prison.

Et pendant ce temps-là ? Et bien les multinationales contournent une grande partie de leurs taxes sur bénéfices, évitant de payer des milliards d’euros d’impôts.

Luxleaks rappelle une histoire encore plus récente celle des Panamapapers, qui est le fruit du courage d’un autre lanceur d’alerte resté anonyme. Pour rappel, cette affaire qui commence à peine mêle un peu plus de 200 milles sociétés, plus de 500 banques dans ce qui est le plus grand scandale financier jamais révélé. Vous le devinez, un tel niveau d’opérations frauduleuses fait évidemment courir un risque énorme à l’économie mondiale. Ainsi, pour un pays comme la France, le manque à gagner de l’évasion fiscale, qui porte sur 60 à 80 milliards d’euros par an, est forcément compensé par la fiscalité qui pèse sur les particuliers et les entreprises qui ne se dérobent pas à l’impôt.

J’ai d’ailleurs créé suite à la révélation de ce scandale le "hashtag" #NobelPrizeForWhistleblowers sur twitter afin de permettre à tous d’émettre un appel à l’attribution de façon collective du Prix Nobel d’économie aux lanceurs d’alerte qui dans cette affaire auront montré que via le Panama et sûrement par ailleurs, il y a une solution pour régler la supposée si difficile question des déficits publics. Il s’agit de faire valoir la justice, l’intérêt général et l’efficacité économique en outre une bonne manière de renouer avec les équilibres budgétaires.

D’un point de vue législatif, l’Assemblée nationale a adopté un amendement durant le Projet de loi Numérique visant à protéger « les lanceurs d’alerte de sécurité », et ce en exemptant de peine « toute personne » qui, à travers un accès non autorisé – cela constitue un délit –, découvre une faille et en alerte immédiatement « l’autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause ».

En revanche, les amendements tendant à exempter de poursuites ces personnes ont été rejetés.

Des poursuites donc, mais sans peine… tout bonnement insuffisant.

Bien au contraire, les lanceurs d’alerte veillant à avertir les responsables de traitement des failles dans leurs systèmes doivent être exemptés de toute poursuite, sachant que le plus difficile et le plus long à endurer sont les poursuites.
Il faudrait aboutir à un statut général des lanceurs d’alerte, pour éviter notamment des procès scandaleux, comme le procès LuxLeaks. Il y a ainsi urgence à contribuer à l’amélioration de la protection des lanceurs d’alerte en les exemptant de toute poursuite administrative ou judiciaire dès lors que les autorités ne peuvent pas à priori faire état de leur mauvaise foi.

Aujourd’hui nous faisons face à une législation sans définition globale du lanceur d’alerte, ni canaux sécurisés (internes et externes), ni Autorité indépendante ; sans garantie de confidentialité ni possibilité d’anonymat, ni sanctions pénales pour les auteurs des représailles, ni fonds de dotation ni fondation pour les victimes.

Or, pour qu’une législation soit efficace il est essentiel que le triptyque : une législation globale, un traitement efficace de l’alerte et un soutien aux victimes soit respecté…

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