Tribunes libres
« Avec tambours et trompettes »
Quand les gouvernements récupèrent quelques milliards au titre de la lutte contre l’évasion fiscale chaque année, on en entend parler ! -
Par Eric Bocquet / 2 mars 2023Quand les gouvernements récupèrent quelques milliards au titre de la lutte contre l’évasion fiscale chaque année, à l’heure des bilans, on en entend parler. C’est ce que le ministre, Gabriel Attal, a fait la semaine dernière en claironnant que Bercy avait en 2022, par sa lutte contre l’évasion fiscale, produit des résultats historiques !
Diantre ! Voilà donc une annonce bien fracassante. Le ministre déclare avoir récupéré 14,6 milliards d’euros, l’an dernier. Ce n’est pas rien, mais franchement nous sommes très loin du compte. Ce résultat est certes meilleur que celui de 2021, mais moins bien qu’en 2015, par exemple. Rappelons aussi qu’entre 2010 et 2018, les résultats oscillaient entre 16 et 21 milliards. Rien d’historique donc dans le chiffre avancé cette année.
Beaucoup de communication pour montrer à nos concitoyen.ne.s que le gouvernement ne laisse pas faire les fraudeurs… Tout au moins, il voudrait le faire croire. Les syndicats des finances publiques rappellent sans cesse ce chiffre estimé entre 80 et 100 milliards d’euros perdus chaque année par la République de par tous les systèmes sophistiqués d’évasion fiscale.
D’ailleurs, au titre de l’année 2022, il y a la condamnation de McDonald’s France, épinglé par le fisc français à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Il s’agit de l’aboutissement d’une enquête initiée il y a dix ans, un redressement de 737 millions d’euros, plus une amende de 508 millions en contrepartie de l’arrêt des poursuites judiciaires. Oui, vous avez bien lu et c’est là où nous exprimons un désaccord de fond avec le ministre. Gabriel Attal, comme avant lui Bernard Cazeneuve, Gérald Darmanin, aux Comptes publics à l’époque, ont tous considéré qu’il était préférable de « négocier », « transiger » avec le fraudeur, plutôt que de poursuivre en justice. Leur argument commun, consistant à dire : « Il vaut mieux être sûr de récupérer une partie de la somme plutôt que d’aller en justice, car c’est beaucoup plus long et on n’est pas sûr de gagner. »
Cela s’appelle dans le droit français une CJIP (Convention judiciaire d’intérêt public) créée en 2016 par la loi Sapin. Cela veut dire que la République capitule et cela nourrit le sentiment d’une justice à deux vitesses. C’est intenable !
Il y a urgence à changer de braquet et surtout de logiciel en matière de lutte contre l’évasion fiscale !