Tribunes libres
Les autoroutes du bonheur…
Il est temps de siffler la fin de la récréation pour les actionnaires et revenir à l’intérêt général. -
Par Eric Bocquet / 28 avril 2023Si vous avez emprunté l’autoroute durant cette période de vacances de printemps, vous avez constaté la hausse des péages. En effet, leur prix a été augmenté de 4,75%, au 1er février dernier. Or, un rapport récent de l’Inspection générale des finances (IGF) et du service d’inspection du ministère de l’Écologie proposait tout simplement de réduire ces tarifs de 60%, excusez du peu !
Le document s’appuyait sur une étude de 65 pages qui met en évidence une « rentabilité très supérieure à ce qui était attendu ». Les rapporteurs envisageaient deux scénarii : soit une fin anticipée des concessions en 2026 (celles-ci courent jusqu’à des dates comprises entre 2031 et 2036), soit une baisse drastique des tarifs dès 2022 : « Elle devrait être de 58% pour le réseau ASF Escota et de 59% pour APRR Area. » Ce qui représente une économie de 21 euros environ pour un trajet Marseille-Toulouse ou de 35 euros, pour un Paris-Lyon. Ce rapport remis à Bercy est resté à ce jour lettre morte.
Ce travail fait singulièrement écho au rapport de la commission d’enquête du Sénat, rendu en septembre 2020, qui avait conclu lui aussi à une « surrentabilité des sociétés concessionnaires d’autoroutes » et évoquait pour la suite de la durée des concessions « des perspectives de rentabilité prometteuses. »
En 2019, les résultats consolidés des sociétés APPR/ASF-Escota/Cofiroute/SANEF-SAPN étaient les suivants : chiffre d’affaires : 9 milliards d’euros, résultat net : 3,3 milliards, dividendes : 3 milliards. Au-delà de 2022, les dividendes versés pourraient atteindre 40 milliards (dont 32 pour Vinci et Eiffage).
Quand on se souvient que la privatisation de ces autoroutes avait « rapporté » 14,8 milliards à l’État, une somme censée résorber la dette publique, chiffrée à l’époque à 1 142 milliards. On se fiche du monde !
Il est temps de siffler la fin de la récréation pour les actionnaires et revenir à l’intérêt général.