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Tribunes libres

Parues dans la presse ou dans le journal du groupe, retrouvez ici les tribunes libres signées par les membres du groupe CRC.

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Les salariés les plus exploités et les plus précarisés

Colloque sur les saisonniers -

Par / 2 avril 2015

Il me revient la lourde responsabilité de conclure ces deux journées de colloque consacrées aux saisonniers, car le chemin peut encore prendre un peu de temps.

Mais il ne s’agit que de la conclusion du colloque mais pas du sujet en lui-même.

Tout au long de nos travaux, les débats ont été riches et pertinents prouvant s’il en était besoin, que nous avons eu raison de nous pencher une fois de plus, sur la situation des travailleurs saisonniers. Le nombre de participants à prendre la parole, plus la qualité des interventions, sont des éléments très positifs.

Je profite de l’occasion pour remercier tous les interlocuteurs présents qui par leur expérience, leur expertise et leurs observations ont su mettre en lumière les spécificités du travail saisonnier. Le monde de la saisonnalité, un peu trop dans l’ombre et le flou, représente un peu plus de 2 millions de nos concitoyens tout secteur confondu. Personnellement, j’en ai pris conscience en 1995 avec mon élection de Maire.

Il était donc impérieux et opportun pour le Groupe CRC de s’emparer de cette question en concertation avec vous, tous les acteurs placés en première ligne ou à l’avant-garde sur le sujet.

Toutes les régions de notre pays sont concernées, de la montagne au littoral en passant par la campagne, mais aussi dans nos villes. Les différents témoignages entendus, nous prouvent que le travail saisonnier est une composante essentielle de l’emploi sur l’ensemble de notre territoire. Pour preuve, 84% des offres d’emplois au Pôle Emploi d’Auray concernent des postes saisonniers.

Justement, les débats d’hier ont montré que le visage du travail saisonnier est quelque peu méconnu : Occulté d’une part, parce que la définition même de ce type de contrat est floue selon les instances compétentes. Mystérieux d’autre part car l’exercice même des missions des travailleurs saisonniers peut dans certains cas s’exercer hors du droit.

Ce sont eux les plus exploités, les plus précarisés et qui subissent une négation quotidienne de leur statut, de leur travail et de leurs droits. Ils en ressentent une grande souffrance en partie due à l’image dévalorisée qu’ils ont de leur situation, conjuguée à l’incertitude du lendemain. De plus, les allers-retours successifs à Pôle Emploi sont mal vécus et engendrent régulièrement de la souffrance

Lors des échanges, on a pu constater que ce type de contrat ne concernait plus uniquement des jeunes mais aussi des personnes plus âgées et avancées dans leur parcours professionnel, donc expérimentées. Fatigués aussi quelquefois en raison de l’intensité du travail.

Les travailleurs saisonniers sont des salariés par définition précaires puisque leurs contrats sont des CDD dits « par nature ». Une précarité à grande échelle. Comme certains d’entre vous ont pu le dire, si rien n’est fait, le contrat saisonnier sera le siphon qui entraînera tous les autres contrats vers le bas. Mais en sens inverse, c’est vrai aussi. Il peut être un ascenseur possible pour l’ensemble des salariés.

A ce titre, la clause de reconduction paraît essentielle à tous. Elle est à généraliser dans toutes les filières ainsi que la prime de précarité qui doit être intégrée au contrat.

J’ai été particulièrement frappé mercredi sur la situation des salariés saisonniers en matière d’hygiène et de sécurité. La fréquence et la gravité des accidents du travail, des conditions de vies déplorables faute de pouvoir se loger décemment, l’accès aux soins de santé compliqué pendant les saisons…autant de phénomènes sous-estimés car la forte mobilité de l’emploi, la grande diversité des lieux de travail, rendent très difficile le suivi des travailleurs saisonniers et la traçabilité de leur exposition aux risques professionnels.

Comment ne pas également être touché par les témoignages entendus sur les contraintes de logement et de déplacements. Le manque de transports collectifs a été pointé. Certains d’entre vous ont évoqué que ces deux points devraient être pris en charge par l’employeur. Les collectivités locales peuvent également s’impliquer : en créant un foyer de jeunes travailleurs, une auberge de jeunesse, des places réservées en camping dans des mobil-home…par exemples. Mais dans les secteurs où le logement social manque, et c’est le cas sur la côte, la situation est tendue toute l’année. Il ne faut oublier non plus le problème de la caution et des dépôts de garantie.

Et que dire des conséquences sur la vie quotidienne, de la famille et des enfants. L’éloignement géographique, les horaires décalés ne favorisent pas un épanouissement familial serein.

A ce propos, je souhaiterais parler de l’accès aux loisirs et à la culture pour les travailleurs saisonniers. Les mêmes contraintes professionnelles se répercutent sur leur temps libre. Et nous savons tous ici que sans culture et sans activités de loisirs, l’émancipation et le bien-être personnel ne sont pas au rendez-vous. La culture n’est pas un supplément d’âme, c’est le soleil dont nous avons tous besoin.

Justement, cette deuxième matinée de réflexion a prouvé qu’il est nécessaire d’actionner plusieurs leviers pour faire reculer la précarisation sociale et professionnelle liée à leurs conditions de travail et aux conditions spécifiques de l’exercice de leur métier.

Je profite de l’occasion pour saluer la participation de notre ancien Ministre, notre très estimé Anicet Le Pors dont les 31 propositions ne sont malheureusement pas frappées de caducité. Elles sont à utiliser comme tremplin et sans modération. Je note que la montagne est en avance sur la mer…mais celle-ci remonte toujours !

Il est donc plus qu’urgent de passer des paroles aux actes !

Le cœur des dispositions qui contribueraient à s’attaquer à cette précarité massive est connu. Certaines ont été citées comme par exemple, la clause de reconduction des contrats, premier remède contre la peur du lendemain pour les saisonniers fidélisés. Il serait juste de revaloriser les contrats saisonniers en homogénéisant les statuts. Il ne faudrait pas omettre non plus les besoins essentiels en formation qui permettent justement de faire reculer la précarité.

Pour l’avenir, il ne faut pas oublier non plus les initiatives locales dont certains d’entre vous ont évoqué des exemples. Pour ma part, je pense à la maison de l’emploi à Auray qui a su fédérer autour d’un projet tous les acteurs du secteur. Son espace saisonnier est devenu un lieu de ressources identifié par tous et pour tous les publics. Elle propose une sécurisation des parcours professionnels et un accompagnement des salariés comme des entreprises en facilitant les partenariats et les actions de sensibilisation. Elle s’occupe également du logement des travailleurs par la mise en place d’un réseau spécifique à cette question.

Pour les jeunes qui ne connaissent pas leur droit au travail, les missions locales devraient assurer ce service essentiel afin de leur faciliter leur parcours de formation et d’emploi.

C’est de cet élan que nous devons tous nous servir pour rompre l’isolement des saisonniers. Ces espoirs locaux doivent nous inspirer pour la suite et démontrer aux collectivités locales qu’elles ont un rôle majeur à jouer.

Face au chômage de masse, vous avez su nous démontrer que l’emploi saisonnier peut constituer une chance et une richesse pour nos territoires. Mais celui-ci ne doit pas se faire au minima des droits sociaux et professionnels.

Face à ce constat, notre responsabilité est de faire de la saisonnalité, un levier et non plus une problématique. La saisonnalité ne doit plus être considérée comme un frein mais comme une ressource.

J’espère que ces 2 journées auront permis à chacun d’appréhender l’ampleur de la question sociale posée.

Les travailleurs saisonniers n’ont que trop attendu. Les Sénatrices et Sénateurs du groupe CRC porteront des mesures nouvelles pour améliorer leurs conditions de travail et sécuriser leurs contrats. Après avoir écouté et entendu Anicet le Pors, je crois qu’en faisant reculer la précarité des saisonniers, cela nous aiderait beaucoup à faire reculer le chômage de masse.

Pour conclure, j’emprunterais les mots de l’auteur dramatique Armand Salacrou qui disait : « sur la terre, deux choses sont simples ; raconter le passé et prédire l’avenir. Y voir clair au jour le jour est une autre entreprise… »

Espérons que ces deux journées nous le permettent.

Anicet le Pors a cité Tocqueville pour qui le passé doit éclairer l’avenir. A nous d’être des acteurs déterminés. Ne lâchons rien. L’espoir doit être alimenté chaque jour, pour cela, il faut développer la solidarité et le combat collectif.

Merci et bon vent à toutes et à tous.

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