Tribunes libres
« Patience et longueur de temps… »
La défense des lanceurs d’alerte impose de ne rien lâcher, jamais ! -
Par Eric Bocquet / 10 novembre 2022Je fais mienne cette morale de La Fontaine concluant la fable intitulée « Le Lion et le Rat ». Elle s’applique parfaitement à l’histoire (réelle) que je vais vous narrer.
Il s’agit de l’histoire très sérieuse d’un lanceur d’alerte, Nicolas Forissier, un ancien auditeur interne de la banque suisse UBS. Dès 2009, il alertait, avec plusieurs de ses collègues, les autorités de contrôle du secteur bancaire sur les pratiques illégales de sa banque. Il avait découvert à l’occasion de ses contrôles que sa banque démarchait illégalement des clients français afin de leur proposer d’ouvrir des comptes non-déclarés en Suisse. Évidemment, cette démarche courageuse lui valut beaucoup d’ennuis : pressions, menaces, licenciement, tentative de corruption, etc.
Nicolas Forissier a tenu bon, il n’a jamais cédé. Grâce à son action, UBS fut condamnée en décembre 2021 par la justice française pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée ». Ce sont ainsi 1,8 milliard d’euros que la banque a dû payer pour sa condamnation. Nicolas n’a jamais demandé d’argent pour lui, il m’a confié un jour son souhait d’être nommé dans l’ordre national du Mérite (ONM). Je suis à ses côtés pour soutenir cette demande depuis 6 ans et demi.
La première demande officielle fut adressée à Michel Sapin le 4 avril 2016, il était le ministre des Finances de l’époque. Cette demande a ensuite transité par différents ministres qui se sont renvoyé la balle : Darmanin, Le Maire, Belloubet… J’ai relancé l’affaire auprès de Jean Castex, le lendemain de sa nomination à Matignon. Je dois être à une cinquantaine d’interventions sur ce dossier : courriers, coups de téléphone, SMS, messages aux ministres lors des séances des questions d’actualité au gouvernement, et toujours les mêmes réponses dilatoires.
En juin dernier, j’ai adressé un courrier au président de la République, après sa réélection. Je fus reçu fin juillet par un conseiller parlementaire de l’Elysée, M. Pierre Herrero. Je lui expose le dossier en détail, de vive voix, il semble comprendre mon agacement et mon courroux, il perçoit aussi ma détermination à ne pas capituler. Depuis, j’ai changé d’interlocuteur, le dossier est traité (ou pas) par Mme Charlotte Dewitte. Pas de réponse à mes coups de fil, mails et SMS… Je pense préparer très vite un deuxième courrier au président de la République…
Ne rien lâcher, jamais !