Tribunes libres
« Fraude légale » qu’ils nous disent…
Les financiers manient les chiffres, mais aussi un certain langage -
Par Eric Bocquet / 31 mars 2023Le mardi 28 mars dernier, des perquisitions ont été effectuées dans cinq banques, à Paris. La BNP Paribas, la Société générale, HSBC, Natixis et Exane (filiale de BNP). L’origine de l’affaire remonte à 2018, le quotidien le Monde avait révélé dans une enquête intitulée CumEx Files, les pratiques de certaines banques complices de fraude fiscale, c’est un sujet d’arbitrage de dividendes. Les financiers, nous en conviendrons, manient les chiffres, mais aussi un certain langage.
De quoi s’agit-il donc ? Des actionnaires étrangers transféraient la propriété de leurs actions à ces banques la veille du versement des dividendes, ce qui leur permet d’échapper au paiement des impôts sur les dividendes. Ces CumEx Files représentent un pillage fiscal de 140 milliards d’euros au niveau européen. Pour la France, les pertes se situeraient entre un et trois milliards d’euros par an. Tiens, justement on cherche quelques sous pour financer nos retraites…
En 2018, la Commission des finances du Sénat avait produit un amendement visant à empêcher ces pratiques, il fut soutenu par tous les groupes politiques du Sénat. Malheureusement, la majorité macronienne l’avait vidé de son contenu à l’Assemblée nationale, il est donc devenu complétement inopérant. En Macronie, on ne touche pas au grisbi !
Les Allemands furent bien plus énergiques que nous puisque deux présidents de banques impliquées ont été destitués, jugés et condamnés. On ne peut que souhaiter que ces perquisitions permettent à la Justice d’aller jusqu’au bout… sans entraves. Il faut vous dire que quatre des banques perquisitionnées hier font partie de la quinzaine de banques habilitées par Bercy à acheter nos titres de dette publique. On les appelle les « SVT », les spécialistes en valeur du Trésor, toujours la langue des financiers. N’y a-t-il pas ici un énorme paradoxe à confier à ces banques peu regardantes le soin de gérer notre dette, qu’elles contribuent elles-mêmes à creuser en nous piquant des recettes fiscales ?
Qu’en pense Gabriel Attal ?