Tribunes libres
Rompre avec la gestion dévastatrice du capitalisme mondialisé, rassembler autour d’un projet de transformation
Voeux du groupe CRC -
Par Éliane Assassi / 31 janvier 2017Une chose est certaine, vous présenter mes vœux le 31 janvier, présente le défaut d’être la dernière date possible mais aussi le grand avantage de pouvoir tenir compte de certains événements qui se sont déroulés durant ces dernières semaines et qui montrent que l’année 2017 ne sera pas une année électorale comme les autres.
Rien n’est écrit, tout est possible et, selon les points de vue, le meilleur comme le pire.
Cette volatilité, cette incertitude, ces coups de théâtre sont porteurs de lourds dangers pour l’équilibre démocratique de notre pays.
L’affaiblissement croissant du Parlement, Monsieur le Président, alors que déjà la Vème République posait dès le départ la suprématie de l’exécutif ; l’intervention décisive de la Commission de Bruxelles à commencer par la validation à priori des projets de loi de finances et l’effacement du politique devant l’économie, entraînent inexorablement notre société vers une crise de régime.
Où se prennent les vraies décisions, qui les prend, qui décide ? Nos concitoyens et concitoyennes en ont assez de leur impuissance à savoir, de leur impuissance à agir et à intervenir.
Bien sûr, des comportements qui persévèrent ces dernières années et concernant une minorité de femmes et hommes politiques, d’élus ont mis de l’huile sur le feu et largement participé à jeter le discrédit sur l’ensemble des acteurs de la vie politique.
Mais fondamentalement, à mon sens, c’est l’affaissement démocratique qui est à la source de cette défiance.
A quoi bon voter si les promesses sont rarement tenues puisque, pour les tenir, il faudrait renverser la table d’un système qui confine de plus en plus et bien trop souvent à l’oligarchie.
Or, le parlement, cœur du système démocratique est affaibli. L’inflation législative, l’éparpillement des tâches fait oublier ce que vous appeliez Monsieur le Président, « le cœur du métier », c’est-à-dire l’élaboration de la loi. La fameuse « rationalisation » du travail parlementaire qui aboutit quant à elle à son appauvrissement en la réservant à quelques élus-techniciens au sein des commissions qui, malgré des volontés affichées, demeurent bien à l’abri des regards.
Cette rationalisation, restreint le débat public. Les grands débats longs, intenses que certains ont pu connaître ici n’étaient pas une perte de temps. Ils permettaient la confrontation et le débat d’idées. Le droit d’amendement, le droit de débattre des amendements est essentiel. Sa réduction par l’utilisation massive d’irrecevabilités est un non sens démocratique. C’est avec ce droit et le droit d’intervention en séance publique que nous avons pu alerter bien avant l’heure contre tous les dangers d’une loi comme la loi Macron, monstre juridique, plus de 400 articles, plus libéraux les uns que les autres, où pour combattre la Loi El Khomri rejetée dès la rue comme dans l’opinion.
Sans ces droits, le parlement n’est rien face au pouvoir exécutif. Sans ce débat, le parlement s’éteint et tend à devenir une assemblée au pouvoir limité et peu écoutée comme le parlement européen dont la voix est si ténue malgré des moyens considérables.
La période électoral à venir symbolise cet affaissement des assemblées.
L’élection présidentielle du fait du quinquennat et de l’inversion du calendrier écrase tout et en particulier les élections législatives.
Tout démontre aujourd’hui la personnalisation du pouvoir, d’un pouvoir en demi-teinte comme je l’ai dit, casse le débat politique, le réduit.
L’année 2017, année électorale, sera une année décisive sur le plan démocratique.
Le sénat lui-même -et c’est souvent oublié- est concerné puisqu’il se renouvellera par moitié en septembre et conclura des mois d’intense mobilisation.
Notre groupe sera concerné pour 19 de ses 21 sièges.
Nous irons à cette bataille avec un bilan fort que beaucoup connaissent ici. Petit par la taille, notre groupe occupe depuis longtemps une grande place au Palais du Luxembourg. Par notre action, nous brisons souvent le ronron d’un libéralisme bon teint, partagé malheureusement sur de nombreux bancs.
Le sénat, Monsieur le Président, aurait-il la même légitimité sans les batailles, les « coups de gueule », la présence sur tous les textes et débats, quelle que soit leur importance, du Groupe CRC ?
Pour l’échéance de septembre, comme pour les élections présidentielles présidentielle et législatives, notre objectif sera le rassemblement. Pas pour le plaisir de rassembler mais pour unir sur le projet de transformation sociale et écologique en rupture avec la gestion dévastatrice du capitalisme mondialisé à laquelle, nous assistons depuis trop longtemps.
Je fais donc le vœu -et c’est un sentiment qui monte chez beaucoup de nos concitoyens- d’un grand chambardement démocratique. Certainement pas pour retirer des compétences au parlement, supprimer des élus pour satisfaire telle ou telle tentation démagogique mais pour restaurer la force du parlement, la force du débat citoyen, la force de l’intervention citoyenne. Rendre le pouvoir au peuple tel est mon premier vœu aujourd’hui. Ce vœu est d’autant plus fort que face au dernier développement de l’actualité, l’exaspération montre la transparence de la vie politique, de son financement doit être totale. Le peuple ne supporte plus les abus, avantages personnels tirés de fonds publics. Aujourd’hui, trop c’est trop ! Il faut des moyens pour faire vivre la démocratie mais en aucun cas cela doit permettre l’enrichissement des élus, de leurs amis, de leurs proches.
Après cet appel au sursaut démocratique, mon second vœu pour cette année 2017 s’inscrit dans un monde incertain, où la violence règne dans beaucoup d’endroits mais aussi dans les têtes de beaucoup d’hommes et femmes.
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump est avant toute chose un échec pour les politiques passées. Des décennies de désespérance, d’aigreur, d’abandon culturel ont amené à ce résultat qui continue de nous effarer de nous inquiéter, l’élection, même si le modèle démocratique américain mérite d’être relativisé, d’un milliardaire vulgaire matchiste, raciste, violent à la tête de la première puissance mondiale.
J’étais de tout cœur avec ces centaines de milliers de femmes américaines dans la rue pour défendre leurs droits, les droits civiques et cela veut dire quelque chose, au pays de Martin Luther King et d’Angela Davis, pour défendre l’honneur d’un peuple.
La décision d’interdire l’accès au territoire américain de citoyens provenant de pays où pourtant ce sont les Etats Unis qui avec d’autres mais en chef de groupe ont semé le chaos.
Les Etats Unis sont nés de l’immigration. C’est leur raison d’être.
J’appelle à la plus grande vigilance face à cette dangereuse décision de Donald Trump qui banalise l’idée d’exclusion, de discrimination la plus abjecte.
Interdire d’accès à un être humain en raison de son nom, de son origine rappelle de sinistres heures. Notre voix, celle des démocrates doit s’élever fortement pour faire reculer le chef d’état américain en s’appuyant sur la formidable mobilisation qui se développe là-bas.
Mes vœux se rapprochent aussi du grand Canal à Venise. Quel effarement d’entendre les commentaires haineux, assassins alors que le jeune gambien Pateh Sabally se noyait sous les yeux de centaines de personnes. Comme les milliers de migrants, Pateh aurait pu disparaître dans l’indifférence générale. Mais lui il a subi l’insulte. Cette scène d’une rare violence illustre le réveil de la bête immonde sur le continent européen. Oui, je fais le vœu que l’humanité l’emporte sur la barbarie.
Il faut se lever, se dresser, débattre, expliquer, convaincre que c’est la solidarité, le partage, celui des richesses et du travail qui est un avenir pour l’humanité et certainement pas la destruction de l’autre, le repli individualiste.
Comment ne pas terminer par un vœu de paix car la guerre est bien entendu l’étape ultime de ces affrontements, un vœu pour le peuple syrien en espérant que pour lui 2017 ne connaîtra plus les bombes et les massacres et permettre l’ébauche d’une solution démocratique.
Des vœux d’espoir, d’amour, de moments heureux comme dans notre groupe où en 2016 nous avons eu deux naissances et nous en attendons une pour 2017. Je l’ai déjà dit l’an dernier : au groupe CRC nous formons une belle équipe. Ensemble, Sénatrices, sénateurs, collaboratrices, collaborateurs du groupe ou de parlementaires, nous travaillons certes beaucoup et la tâche n’est pas toujours facile ; mais nous savons aussi partager de bons moments faits de rires et de convivialité et je dirai même de fraternité. Ces moments je vous souhaite à toutes et à tous de les vivre dans votre vie professionnelle et votre vie personnelle.
Bonne année à toutes et à tous !