Intermittents : du sel sur la plaie de la brutalité

Publié le 12 mai 2004 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

Une déclaration de Jack Ralite publiée dans l’Humanité

« Depuis 1974 je vais chaque année à Cannes. J’y vois des films que je ne reverrai jamais, qui viennent parfois d’endroits où règne l’autoritarisme.

C’est à Cannes qu’ils sont visibles, qu’ils existent, notamment à la « Quinzaine des réalisateurs ». Je vais à Cannes pour découvrir d’autres cinématographies, découvrir de nouveaux auteurs et revoir les anciens. Le festival 2004 est de ce point de vue, un beau bouquet composé et pluraliste où le monde est présent.

Je vais à Cannes aussi pour autre chose, particulièrement cette année. Nul ne peut oublier en effet la brutalité avec laquelle le MEDEF a voulu et cru régler le problème des intermittents.

Jean-Pierre Raffarin a dit vouloir « mettre de l’humanité dans cette brutalité ». Mais sa façon de faire, c’est surtout de mettre du sel sur la plaie de la brutalité. C’est humiliant pour les intermittents. On peut y voir des petits pas mais aussi se demander si cela n’est pas un placebo, ce médicament sans principe actif que celui à qui il est destiné croit être un médicament.

Monsieur Raffarin me fait penser à un personnage d’une pièce de théâtre tchécoslovaque de Pavel Kohut, « Auguste Auguste Auguste ». Il voulait « arriver à arriver à arriver ». M. Raffarin lui, ne parvient pas « à arriver à arriver à arriver de décider à décider de décider ». En un mot, il nous balade. C’est pourquoi je serai avec les intermittents quand ils se baladeront sur la Croisette. Et la balade des intermittents sera importante. La Croisette sera une chambre d’écho. Ils seront soutenus par les réalisateurs français sélectionnés qui ont déclaré : « sans les intermittents, nos films n’existeraient pas ». C’est capital d’avoir cela en tête.

Monsieur Raffarin devrait cesser de laisser nager le MEDEF en lui. Et la déclaration arrogante de Monsieur Seillière hier déclarant vouloir supprimer les annexes 8 et 10, montre que Monsieur Raffarin devrait changer de carburant. Il faut avoir du courage, Monsieur le Premier Ministre, pour écouter ce qui se dit dans une pluralité politique et sociale rarement atteinte comme au « Comité de Suivi » ou à la mission Paillé de l’Assemblée nationale.

Les intermittents se saisissent de Cannes pour mettre en avant leurs revendications. Ils ne veulent pas de coup de force mais ils n’acceptent pas, devant si peu de résultats, d’être sages... « comme une image », pour faire référence au film d’Agnès Jaoui.

Un rendez-vous européen est aussi prévu à Cannes. Il faut y être attentif. Déjà, en 1992, le Commissaire européen à la culture trouvait la législation culturelle française « extravagante ». Et le rapport de M. Jean Marimbert du 30 juillet 1992 ajoutait : « La dynamique d’intégration communautaire voudrait diluer l’originalité du système français par exemple en faisant reculer la notion de salariat au profit d’une conception tournée vers l’exercice libéral de l’activité artistique ».

Certes, la Commissaire européenne actuelle, Viviane Reding pense différemment, mais la Commission de Bruxelles vient pourtant d’attaquer la France sur « la présomption de salariat ». Ainsi, depuis 1992, l’Europe n’a pas renoncé aux mauvais coups pilotés par la financiarisation de la création artistique. Et es cinéastes français sélectionnés à Cannes sont soucieux de voir « la politique culturelle de l’Europe aussi faible et balbutiante aujourd’hui que sa politique sociale ». Cela concerne tous les arts.

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