Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Recueils de mes interventions

Amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales revendicatives :

Nous voulons que ceux qui ont préféré l’indignation et la dignité à la résignation et à la peur ne soient pas condamnés de ce seul fait. -

Par / 27 février 2013

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si l’amnistie est un acte qui a pour objet de faire tomber dans l’oubli certaines infractions, elle est avant tout un acte qui résulte d’une volonté politique et qui la traduit.

François Hollande, dans son discours du Bourget, avait évoqué « la France d’hier » dont il fallait tourner la page en faveur de « la France de demain ». Cependant, mes chers collègues, pour écrire cette nouvelle page, il nous faut gommer les restes d’un passé révolu contre lequel les forces progressistes de ce pays ont toujours fait front commun. Il faut refuser toute politique qui écraserait l’expression des solidarités et des luttes sociales.

Nous parlons ici de ceux qui ont été arrêtés arbitrairement pour avoir voulu manifester le jour de la visite d’un personnage public. Nous parlons de l’ensemble des syndicalistes mis au ban, de militants associatifs arrêtés pour avoir fourni une aide humanitaire devenue illégale, de militants du droit au logement, mais aussi de tous ceux qui se sont organisés collectivement pour résister à un capitalisme financier omnipotent et qu’on prétend pourtant insaisissable.

M. Rémy Pointereau. C’est parti !

M. Dominique Watrin. Ce que nous vous proposons en réalité, c’est de poser les fondements d’une autre société où l’action collective ne serait pas criminalisée. C’est un engagement à refuser la facile stigmatisation de l’action syndicale face à des logiques financières de plus en plus brutales.

Il faut privilégier les voies de la vraie négociation. Cela passera aussi par des lois qui imposeront l’examen sérieux des propositions alternatives soumises par les salariés et leurs représentants, particulièrement en cas de conflit social, de menaces de licenciement et de fermetures d’entreprise.

Nous voulons que ceux qui ont préféré l’indignation et la dignité à la résignation et à la peur ne soient pas condamnés de ce seul fait.

Rappelons aussi que beaucoup de poursuites pour des faits commis durant des actions collectives et revendicatives sont souvent perçues, notamment par les intéressés, comme des condamnations pour l’exemple plutôt que comme des sanctions véritablement fondées.

On a pu entendre que cette proposition de loi donnerait un sentiment d’impunité à nos concitoyens. Il faut répondre à cette assertion qui, en plus d’être regrettable, est fausse. S’il est dangereux de confondre sentiment d’impunité et amnistie, il est plus dommageable encore que cette confusion s’exprime en ces lieux.

Nicolas Sarkozy, contrairement à Jacques Chirac, n’avait pas fait le choix de l’amnistie, se justifiant par la « tolérance zéro ». C’était aussi un choix de classe, tout à fait regrettable.

En 1982, le Président de la République demandait, au nom de la « réconciliation nationale », la disparition des dernières sanctions statutaires infligées aux généraux putschistes d’Algérie. Ultime amnistie, car, par extensions successives et en l’espace de vingt ans, par des amnisties de droit ou par celles qui furent subordonnées à des considérations individuelles, ces militaires ont été réintégrés dans leurs droits à pension, dans leurs grades et décorations. Ainsi, l’ensemble des faits qui leur étaient reprochés, quelle que soit leur nature, ont été oubliés : délits et crimes de sang, tentatives d’assassinat, assassinats, atteintes à la sureté de l’État, j’en passe...

Et certains ici chercheraient à restreindre la portée de la présente proposition de loi et refuseraient son application à de simples citoyens qui se battent pour la défense de leurs droits fondamentaux ? Attention à ne pas la vider de son sens !

Mais, fort heureusement, on peut faire le constat que la plupart des lois d’amnistie sont positives.

La loi d’amnistie du 4 aout 1981 a ainsi bénéficié aux personnes physiques, aux personnes morales et à l’ensemble des travailleurs sanctionnés des branches nationalisées, à l’exception des mineurs grévistes de 1948 et de 1952 – je reviendrai ultérieurement sur ce point à l’occasion de la défense d’un amendement.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Voilà la vérité !

M. Dominique Watrin. Un argument fallacieux est souvent utilisé pour combattre cette proposition de loi : il semble que la vieille représentation des classes laborieuses comme des classes dangereuses ait décidément la vie dure !

Ainsi, l’amnistie de condamnations liées à des activités syndicales ou revendicatives serait d’abord un signal favorable donné au durcissement des conflits sociaux en cours.

J’habite un territoire, l’ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, où de la crête de Vimy l’on voyait, voilà encore cinquante ans, fumer des dizaines et des dizaines de cheminées d’usines, symboles éclatants du dur et douloureux labeur de la classe ouvrière. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Rémy Pointereau. C’est germinal !

M. Dominique Watrin. Aujourd’hui, tout a disparu ou presque. Une partie de l’activité a été reconvertie vers l’automobile, aujourd’hui en crise. Quelques usines textiles ou métallurgiques ont survécu, avant de péricliter à leur tour.

La violence du capitalisme est passée par là. L’usine Metaleurop, qui représentait 1 500 emplois directs et indirects, a été rayée de la carte par quelques actionnaires dans un bureau doré du paradis fiscal de Zoug, en Suisse. Ceux-là ne seront jamais condamnés et n’attendent aucune amnistie ! Ils ont pourtant laissé à l’État l’entière charge du plan social et, en prime, celui de la dépollution du site, cela en toute impunité !

Là aussi, comme dans beaucoup d’endroits en France, les ouvriers et cadres de l’entreprise ont dû montrer leur détermination, simplement pour se faire entendre, se faire respecter et ne pas être abandonnés. C’est le lot de vérité de tous les conflits sociaux, la lutte du pot de terre contre le pot de fer !

J’étais aux côtés d’Yves Coquelle, vice-président du conseil général du Pas-de-Calais, qui siégea ensuite sur les travées de notre Haute Assemblée, pour accompagner pendant de longs, de trop longs mois ces salariés en lutte.

Il est en effet difficile de faire reconnaître ses droits dans un État qui ne s’est pas encore doté des lois nécessaires pour affronter la violence cynique de la finance… Mais nous ne désespérons pas d’y arriver : le groupe CRC reviendra à la charge sur ce sujet, vous le savez bien, mes chers collègues !

Le souvenir me revient particulièrement d’un après-midi où nous étions, avec les salariés, devant la sous-préfecture de Lens. Soudain, une poussée de la foule menace de faire voler en éclats l’une des portes du bâtiment, provoquant l’irruption des CRS. Sans doute, dans d’autres circonstances, ces ouvriers « indignes » auraient-ils pu être interpellés et condamnés. Mais il n’en a rien été : au premier rang étaient les élus du peuple.

Ce conflit social reste bien vivant dans les mémoires locales. Contrairement à ce qui peut être dit, ce qui a été transmis, ce n’est ni la violence supposée, ni quelques débordements limités, mais bien l’affirmation collective d’une fierté sociale, celle d’appartenir à une classe ouvrière combative, une leçon retenue aujourd’hui par les employés de Sublistatic et de Samsonite, confrontés à la même liquidation financière de leur entreprise, et qui continuent de se battre avec dignité sur le même territoire.

Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, il y a des amnisties que l’on ne peut oublier. Celle-ci ne sera pas cause d’esclandre, mais elle restera remarquable, parce qu’elle est juste. La clémence, lorsqu’elle épouse le souci de justice, signe la noblesse d’une démocratie.

Ce que nous ferons ensemble, à gauche, en votant cette proposition de loi, ce sera tout simplement de redonner leur honneur à tous ceux qui, victimes de répression, n’ont fait que défendre leurs droits et leur dignité. Nous serons ainsi fidèles à ce qu’il y a de meilleur dans les valeurs de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Bio Express

Dominique Watrin

Sénateur du Pas-de-Calais
Membre de la commission des Affaires sociales
Elu le 25 septembre 2011
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Administration