Contrats d’avenir
Par Dominique Watrin / 3 octobre 2012Si le volet formation du projet de loi portant création des contrats d’avenir a été renforcé, les nouvelles dispositions adoptées au cours des discussions parlementaires n’ont pas encore suffisamment de force contraignante pour les employeurs.
Je suis intervenu en séance pour interpeller Michel Sapin à ce sujet, au moyen d’une intervention sur l’article 1er
"Comme ma collègue Isabelle Pasquet, je considère que, face à la situation dramatique subie par les jeunes de notre pays, il fallait que le Gouvernement agisse promptement. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, modifié d’abord par l’Assemblée nationale, puis par la commission des affaires sociales du Sénat, nous semble amélioré par rapport à sa version initiale.
Ainsi, le volet formation a été renforcé. Cependant, les nouvelles dispositions n’ont pas encore suffisamment de force contraignante pour les employeurs, c’est-à-dire qu’elles ne garantissent pas encore suffisamment leur pleine application. Cela résulte sans doute du fait que les engagements en la matière, comme la pérennisation des contrats, concernent exclusivement la demande d’aide, comme si l’engagement de la structure d’accueil ne valait que pour l’État, au motif que celui-ci finance.
Messieurs les ministres, pour que ces droits soient pleinement opposables aux bénéficiaires des emplois d’avenir, sans doute aurait-il été souhaitable que les engagements de l’employeur figurent non seulement sur la demande d’aide – ce qui est légitime –, mais également sur le contrat de travail qui lie l’employeur au salarié ainsi recruté, ce dernier ne pouvant, en cas de contestation, que se prévaloir de son contrat de travail.
Cela est d’autant plus important que, en raison de la dématérialisation de la procédure de demande d’aide, il semble que, contrairement aux anciens contrats uniques d’insertion, les CUI, les bénéficiaires des emplois d’avenir ne soient pas appelés à signer la demande d’aide. Aussi serait-il utile que les décrets d’application prévoient les modalités d’information des jeunes recrutés quant à l’existence de leurs droits, par exemple en prévoyant, lors de la signature du contrat, un livret d’information.
Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée d’aborder cette question, pour vous interroger, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, sur les conséquences d’un amendement du rapporteur, adopté en commission des affaires sociales, qui tend à supprimer l’obligation d’information des institutions représentatives du personnel sur un sujet pourtant fondamental, « l’exécution de ces contrats, notamment quant aux obligations de formation ».
Si j’ai bien compris, cet amendement de suppression ne serait que formel (M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social opine.), dans la mesure où le code du travail prévoit déjà une disposition similaire. (M. le ministre opine de nouveau.) Or il me semble que cette réponse n’est que partielle et je crains qu’en l’état actuel du droit les dispositions déjà en vigueur ne correspondent pas tout à fait à celles que prévoyait l’alinéa supprimé. En effet, l’article L. 2323-48 du code du travail prévoit effectivement une information des comités d’entreprises et, le cas échéant, des délégués du personnel sur « la conclusion des conventions ouvrant droit à des contrats initiative-emploi [et] à des contrats d’accompagnement dans l’emploi ».
Or le projet de loi prévoyait que l’information portait également sur l’exécution des obligations de formations, ce qui n’est pas le cas dans l’article L. 2323-48. Ce volet formation constitue pourtant une priorité pour notre groupe et une véritable chance pour les bénéficiaires. C’est pourquoi nous considérons que l’information des institutions représentatives du personnel sur l’état d’avancement des actions de formations mises en œuvre est encore légitime.
Messieurs les ministres, je vous poserai une dernière question relative à l’intégration des emplois d’avenir dans l’effectif de la structure d’accueil. À l’heure actuelle, ils en sont exclus, comme l’ensemble des CUI d’ailleurs. Or, au mois d’octobre dernier, le tribunal d’instance de Marseille a rendu une décision contraire au projet de loi, puisqu’il considère que « les salariés en contrats aidés devaient être comptabilisés dans les effectifs des entreprises, ce qui leur donne accès au droit fondamental à une représentation syndicale et à une représentation du personnel ». Le tribunal d’instance a considéré que l’article L. 1111-3 du code du travail, qui exclut les salariés en contrats aidés des effectifs, était contraire au droit européen, plus précisément à la directive du 11 mars 2002 établissant « un cadre général relatif à l’information et à la consultation du travailleur ». Une telle disposition prive « le salarié titulaire d’un contrat aidé [...] du droit de bénéficier d’institutions représentatives du personnel. [Cela] n’est pas conforme au droit communautaire qui détermine une protection minimale à laquelle les États ne peuvent déroger qu’en adoptant des mesures nationales plus favorables aux travailleurs ».
Messieurs les ministres, au regard de cette décision et de sa portée concrète pour les salariés, ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable de revenir sur cette situation ?"