Tribunes parue dans Initiatives n°100, Été 2016
En Janvier 2015 lors de ses vœux à la presse, deux semaines après les attentats qui ont touchés Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, Manuel Valls avait cru bon de parler d’un « apartheid territorial, social et ethnique » dans notre pays le tout en invoquant le fameux esprit du 11 janvier.
Le Premier Ministre stigmatisait ainsi les quartiers populaires et leurs habitants comme étant la source des maux les plus tragiques que nous avons connu en 2015.
Un an et demi après, le Gouvernement a présenté le projet de loi « Egalité Citoyenneté » sensé être le dernier grand projet de loi du quinquennat, celui qui va répondre aux problèmes de la jeunesse, celui qui va faire le lien entre l’égalité et la citoyenneté deux grandes valeurs malmenées qui font notre société française, et donc luttent contre la radicalisation !
En réalité, cela ressemble plus à une liste à la Prévert de mesures sans grandes cohérences allant de la généralisation du service civique aux quotas de chansons en langues régionales sur les radios. Et si nous avons quelques difficultés à saisir le sens général du texte quelques mesures méritent que l’on s’y arrête plus largement notamment dans le Titre II : Mixité sociale et Egalité des chances dans l’Habitat relatif au logement, c’est certainement le gros morceau de ce texte.
Le premier étonnement est de trouver des dispositions relatives au logement et aux quartiers prioritaires de la ville dans un texte qui se veut en réponse aux attentats et, qui pourrait conforter certains esprits qui font eux aussi des parallèles hasardeux entre quartiers populaires et terrorisme, à l’instar des échos que nous recevons d’une ville de l’Hérault.
Nous pensons que les dispositions de ce projet de loi vont produire l’exact opposé des objectifs avancés par le Gouvernement. Il va fragiliser la mixité sociale et la situation des locataires dans le parc social.
Un des axes directeurs du texte est, nous dit-on, la mixité sociale dans le logement. Pour les auteurs du texte il s’agit avant tout d’« éviter d’ajouter de la pauvreté à la pauvreté ». Ainsi, ils proposent concrètement que 25% des attributions de logements sociaux hors quartiers politique de la ville soit pour les 25% des demandeurs aux revenus les plus faibles. Si en apparence la mesure semble aller dans le bon sens, elle est immédiatement nuancée par la possibilité de moduler le taux initial de 25% par les conférences d’intercommunalités. De plus les bailleurs seront autorisés à moduler les loyers. Au moment où l’INSEE annonce un recul constant des revenus depuis 2009, la mixité sociale ne pourra pas se résoudre par l’application de pourcentages ou de quotas.
Au groupe Communiste républicain et citoyen, nous soutenons de longue date la nécessité absolue de mixité sociale dans le logement et cela passe par l’emploi, la lutte contre la précarité et la hausse des salaires. Nous avons le sentiment que ce projet de loi développe une vision du logement social réservé aux plus pauvres contraire aux objectifs affichés. D’ailleurs, lorsque notre groupe a mis en débat une proposition de loi sur le logement nous avons défendu une autre conception de la mixité.
Par exemple, l’augmentation du « Supplément loyer de solidarité », (SLS) qui n’a absolument rien de solidaire, de 25 à 35% des revenus proposée dans le projet de loi « Egalité citoyenneté » va plutôt conduire à l’éviction des classes moyennes logées dans le parc social qu’à renforcer le mélange des populations. La CNL a démontré qu’une plombière ou un boulanger gagnant en moyenne 1820€ seraient soumis au SLS.
Pour nous, le levier principal contre la ghettoïsation et pour la mixité est aussi l’augmentation des plafonds de ressources d’accès au logement social. Ce relèvement de plafond permettrait aux personnes ayant des ressources trop faibles pour habiter dans le privé d’accéder au logement public et ainsi de se loger dans des conditions économiquement acceptables. Cela aurait également le mérite de limiter le recours au SLS et de répondre à notre objectif du logement social comme étant généraliste.
Quant aux obligations relatives à la loi SRU et plus précisément l’article 55, l’équilibre est déplacé des communes aux EPCI. Cela continuera d’entretenir les disparités entre les communes d’un même territoire en matière de répartition des logements. Par exemple, dans un département comme dans les Hauts-de-Seine, fief emblématique de la droite en Ile-de-France, certains EPCI seront considérés comme respectant la loi SRU alors que l’effort de logement ne porte que sur une ou deux communes, c’est le cas pour la ville de Gennevilliers qui a 60% de logement sociaux.
Les réponses apportées par le Gouvernent à des problématiques réelles et récurrentes sont totalement l’opposés des propositions que nous avons toujours portées en matière de logement public et d’organisation de la ville. Et ce sont ces propositions que nous porterons lors de l’examen du texte au Sénat au mois de septembre sans occulter que l’attractivité des territoires et des quartiers ce n’est pas seulement le logement mais aussi et surtout l’offre de services publics, les questions de l’école, l’action contre les discriminations, autant de sujets que les gouvernements successifs de droite comme socialiste n’ont jamais voulu traiter au nom de la réduction de la dépense publique.