Une urgence économique, sociale et environnementale

Politique industrielle

Publié le 31 mars 2016 à 11:15 Mise à jour le 28 juillet 2016

Tribune parue dans Initiatives n°98, Mars 2016

Au troisième trimestre de 2015, nous avons franchi la barre des 6 500 000 demandeurs d’emplois toutes catégories confondues. Depuis 2012, François Hollande promet l’inversion de la courbe du chômage, mais qu’est-ce que propose le gouvernement ? Le plan pour l’emploi annoncé début janvier par la Ministre du Travail, de la Formation professionnelle et de l’Emploi n’est rien d’autre que les mêmes vielles recettes libérales que l’on nous sert depuis Raymond Barre. Ce plan prévoit 500 000 formations par an, sans aucune garantie de création d’emploi et un nouveau développement de la précarité. Après des années de politiques de stigmatisation des travailleurs, de baisse « du coût du travail » sans résultats réel, nul besoin de preuves supplémentaires de l’urgence d’une politique différente.

La résorption du chômage de masse ne pourra pas se faire sans une nouvelle politique industrielle sans baisse du temps de travail. Nous ne parlons pas de réindustrialisation, mais bien de nouvelle politique industrielle. L’industrie a évolué, elle s’est modernisée, il ne s’agit donc pas de revenir à ce qu’elle était dans les années 80 mais bien de définir et de mettre en œuvre une véritable politique industrielle respectueuse des salarié-e-s et de l’environnement.

La financiarisation de toute notre économie n’a pas épargné l’industrie. Nous sommes passé d’un modèle de recherche du profit à travers l’innovation à un modèle mue uniquement par l’augmentation des recettes des actionnaires. L’avenir industriel, aujourd’hui c’est : plus il y a de licenciements, plus il y aura de rémunération pour les actionnaires. En conséquence, la production industrielle a reculée de 11 points en 25 ans.

Ni la crise, ni le soit-disant « coût du travail » trop élevé ou encore le code du travail trop « gros », désignés par le MEDEF comme boucs émissaires, ne sont responsables de l’asphyxie de notre industrie. L’exigence de toujours plus de rentabilité à court terme et les logiques financières sont en passe d’avoir raison de la puissance de l’industrie française. Et ce gouvernement, avec le CICE et les multiples exonérations de cotisations sociales poursuit ce qui se fait depuis des dizaines d’années.

Pourtant en février 2012, la proposition de loi des Sénateurs et Sénatrices Communistes républicains et citoyens, visant à interdire les licenciements boursiers a été votée par l’ensemble de la gauche à l’exception de 4 voix. En effet, pour nous l’interdiction de licenciement lorsqu’une entreprise fait des bénéfices est un préalable indispensable à une nouvelle politique industrielle. L’exemple de PSA est particulièrement significatif. L’entreprise qui a touché 74 millions de CICE en 2014 et a réalisé 571 millions de bénéfices net en 2015, annonce début février la suppression de 750 emplois dans son usine de Poissy. La direction se cache derrière les départs volontaires mais en réalité ces suppressions masquent une délocalisation vers la Slovaquie où sont fabriquées les mêmes véhicules qu’à l’usine de Poissy. Deux ans après la liquidation de l’usine d’Aulnay-sous-bois !
Les délocalisations orchestrées depuis des années pour encore une fois répondre aux exigences des actionnaires sont une erreur. Emmanuel Macron promet des mesures pour financer l’innovation, mais comme le rappelle Nadia Salhi de la CGT « Il est illusoire de croire qu’on puisse innover sans usines de production ». On ne peut pas séparer le savoir, du savoir-faire et du faire. Lorsque la production est délocalisée, in fine c’est l’abandon sur le territoire français de la R&D.

Le déclin industriel de la France résulte du choix de la finance contre l’emploi, la défense des filières stratégiques et la réponse au défi de la transition énergétique. Une industrie puissante est nécessaire pour relever les défis du monde de demain et inventer ses nouvelles infrastructures.
A la volonté de toujours plus de profits pour les actionnaires, nous devons opposer la réponse aux besoins humains. Et ces besoins sont grands en transports propres et innovants, en télécommunications, en logements performant en matière thermique, en agro-alimentaire, dans la santé et l’industrie pharmaceutique, et nous pourrions encore allonger cette liste.
Nous ne pouvons pas espérer engager la nécessaire transition énergétique sans une nouvelle politique industrielle loin des logiques productivistes. La fin de l’obsolescence programmée est impérative et doit s’accompagner du recyclage et de la maintenance pensés dès la conception.

Le spatial et le numérique sont également des domaines industriels d’avenir dans lesquels nous ne devons pas céder notre maitrise y compris publique. L’État qui se retire du capital d’Arianespace ou encore le fabricant de micro-circuit STMicroélectronics qui abandonne la recherche et le développement en France et en Europe sont des attaques intolérables contre notre industrie.

Les politiques libérales menées par le gouvernement socialiste aussi bien que par la droite conduisent à des échecs sociaux, environnementaux et économiques. Seul un renouveau industriel permettra de répondre aux besoins humains tant en matière d’emplois, de formation que de transition énergétique.

Jean-Pierre Bosino

Ancien sénateur de l'Oise
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