Petite devinette. Qui a dit : « Désormais, les organisations syndicales seront associées aux opérations de restructuration dans les entreprises. Elles participeront aussi au contrôle des aides publiques. [...] C’est une transparence que nous devons aux contribuables. » Réponse : Nicolas Sarkozy, le 19 mars dernier. Le Président de la République annonçait dans la foulée un décret sur le contrôle des aides publiques ayant pour objet de rendre obligatoire l’information du comité d’entreprise. Mais, comme l’explique Robert Hue, « il s’agit d’un leurre complet, puisqu’il n’y est nullement question de contrôle ni de sanction ». Les sommes en jeu sont pourtant considérables, le montant des aides publiques aux entreprises atteignant un niveau record : 40 milliards d’euros d’allégements de cotisations sociales, 20 milliards d’euros d’exonérations de taxe professionnelle, 10 milliards d’euros d’aides directes à l’automobile, sans compter les 320 milliards d’euros de garanties aux établissements bancaires. Ces sommes colossales sont accordées au nom du maintien ou du développement de l’emploi. Mais, en l’absence de contrôles fiables, rien ne le garantit. Voilà pourquoi les sénateurs du groupe CRC-SPG ont déposé, à l’initiative du sénateur du Val-d’Oise, une proposition de loi visant à « l’évaluation et au contrôle de l’utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers ». Cette proposition reprend, en les adaptant, les principes contenus dans la loi relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, votée en janvier 2001. Sous la pression du patronat, la loi fut abrogée par la majorité sénatoriale dès le mois de décembre 2002. Débattue en séance publique le 7 mai, elle s’est encore une fois heurtée à la volonté de la majorité sénatoriale. De fait, la droite ne veut pas entendre parler de la moindre contrainte. « La création d’une commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, ne serait à mon sens ni moderne ni archaïque, mais simplement superfétatoire, dans le meilleur des cas », a justifié Christine Lagarde, la ministre de l’Economie. Superfétatoire : autrement dit, superflue... Un argument récusé par Robert Hue : « Il est au contraire plus que jamais nécessaire qu’une loi pertinente et efficace permette d’assurer la transparence, ainsi que le contrôle et l’intervention des organisations syndicales, des représentants des élus et de l’État. L’argent public doit impérativement concourir à atteindre un grand objectif national de maintien et de création d’emplois, ainsi que de développement et d’investissements utiles à la création de richesses réelles. Or, visiblement, la majorité de cette assemblée refuse toute transparence dans l’utilisation de l’argent public. Pourtant, l’enjeu financier est considérable, et il s’agit de l’argent de nos concitoyens ! Allez-vous amener l’opinion publique à considérer cette absence de transparence comme un véritable camouflage d’État ? Allez-vous laisser se poursuivre ce qui pourrait relever - je le dis avec gravité - du détournement de fonds publics ? Enfin, et c’est à mes yeux le plus grave, vous nous accusez de jouer sur l’émotionnel en temps de crise : ayez le courage de dire aux Français que vous ne souhaitez pas instaurer la transparence dans l’utilisation de l’argent public ! »
Une progression fulgurante
Refusé par la droite, le contrôle des fonds publics est justifié par l’inflation à elle seule des sommes en jeu : de 1993 à 2007, les allégements de cotisations sociales sont passés de 1 milliard à 42 milliards d’euros, le tout accompagné de nouveaux allégements de l’impôt sur les sociétés ou de la taxe professionnelle. Dans le même temps, la part des dividendes dans la valeur ajoutée des entreprises progressait de 7 % à 16 % des profits bruts. « Ceux-là mêmes qui refusent que le Parlement légifère sur la rémunération des dirigeants des entreprises cotées, résume Bernard Vera, entendent empêcher que l’on contrôle les fonds publics et repousser cette idée dangereuse de confier aux salariés de nouveaux pouvoirs d’intervention ! Car tout est là : la commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises et sa déclinaison régionale ne seraient rien d’autre qu’un outil de plus au service des salariés et des élus locaux pour appréhender la réalité des relations que l’État entretient avec le monde des affaires, de l’industrie et du commerce. » C’est sans doute cela dont ne veut pas la majorité sénatoriale...