Juché sur une camionnette, Guy Fischer s’a- dresse à la foule des manifestants : « Le groupe CRC-SPG, lance-t-il, fera tout ce qui est en son pouvoir pour s’opposer à la privatisation de La Poste ! » Entouré de Nicoles Borvo Cohen-Seat et d’Odette Terrade, le sénateur du rhône est venu saluer devant le Sénat les postiers qui manifestent ce 22 septembre.
Un peu plut tôt, dans l’hémicycle cette fois, le parlementaire communiste avait dénoncé le double langage du président de la république et de son premier ministre. « Une nouvelle fois, le gouvernement tente de tromper les postières et postiers, les usagers, l’ensemble de la société. Oui, la volonté du pouvoir est de privatiser à terme La Poste en commençant par sa transformation en société anonyme. Ils ont procédé de la même manière pour France Télécom, pour GDF et les choses sont en cours pour EDF. Demain, c’est la SNCF que les financiers et leurs représentants politiques s’attaqueront. Notre peuple refuse cette libéralisation de La Poste qui intervient alors que Nicolas Sarkozy et consorts ne jurent que par la refondation du capitalisme. » Le ton est donné...
Le Sénat en première ligne
« Opposants déterminés à un projet de loi qui lamine un service public de proximité », les élus du groupe CrC-SPG se préparent donc à batailler ferme dès le 2 novembre. C’est en effet à cette date que débutera au Sénat l’examen du projet de loi relatif « à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales » défendu par Christine Lagarde, ministre de l’Economie.
Comme à son habitude le gouvernement a choisi d’expédier au plus vite le débat parlementaire en recourant à la procédure accélérée, formule qui limite la discussion à un seul passage devant chaque chambre. C’est au Sénat que la bataille parlementaire s’annonce la plus risquée pour le gouvernement. L’UMP y dispose en effet d’une majorité seulement relative et non absolue, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale. Ensuite, les bancs de la Haute assemblée sont peuplés d’élus locaux, souvent ruraux, de droite ou de gauche, particulièrement sensibles à l’in- quiétude de leurs administrés, du moins en paroles ! Il n’est pas à exclure, de ce fait, que la droite et le centre ne fassent pas le plein de leurs voix habituelles. Enfin, les sénateurs socialistes ont aussi fait part de leur intention d’en découdre. déclaration qui demande évidemment à être vérifiée dans les faits...
Mis bout à bout, ces éléments laissent entrevoir des débats se prolongeant au-delà des prévisions gouvernementales, alors même que l’ordre du jour parlementaire est déjà surchargé. reste qu’il est bien improbable, au bout du compte, que le Sénat rejette la réforme. Mais pas totalement impossible. Jean- Claude Danglot, sénateur du Pas-de-Calais se félicite ainsi d’une « dynamique unitaire qui peut conduire le gouvernement à un repli. Celui-ci peut toujours décider de passer en force, mais il fera alors un pari risqué. Et ce d’autant que l’exemple de France Télécom illustre de manière tragique les dangers de la logique de privatisation ».
La privatisation derrière le changement de statut
La Poste doit pouvoir lutter à armes égales avec ses concurrents, ce que son statut d’établissement public ne lui permettrait pas aujourd’hui, d’où la nécessité qu’elle soit transformée en société anonyme : c’est peu de le dire, les raisons invoquées par le gouvernement pour justifier sa réforme atteignent des sommets de mauvaise foi.
Le statut actuel de La Poste ne lui interdit pas, par exemple, de bénéficier, de financements nouveaux nécessaires à son développement. Christine Lagarde oublie aussi de rappeler que le gouvernement a accepté avec satisfaction la directive européenne prévoyant la libéralisation totale des activités postales au 1er janvier 2011. Quant aux promesses de Nicolas Sarkozy, assurant que le capital de l’entreprise restera 100% public, elles n’engagent que ceux qui veulent bien y croire, c’est-à-dire les amnésiques ! « Les exemples sont aujourd’hui nombreux où l’ouverture du capital des établissements publics s’est finalement transformée en une privatisation pure et simple, comme cela fut le cas pour EDF et GDF ou bien encore pour France Telecom, rappellent les sénateurs communistes..
Le refrain est bien connu : on transforme en société anonyme puis on privatise. » d’autant que la dérégulation est passée par là. « La Poste est déjà soumise à des pressions importantes pour améliorer sa compétitivité économique au détriment de ses missions de service public, poursuivent-ils. Notamment, de nombreux bureaux de poste ont déjà été fermés, transformés en simples points de contact ou en agences postales communales, des suppressions d’emplois ont conduit à réduire l’amplitude d’ouverture des bureaux et l’accessibilité bancaire est largement remise en cause par la filialisation de la banque postale ainsi que par la banalisation du livret A. » Une tendance qui ne pourra que s’accentuer avec la privatisation.
Les Français doivent décider
Selon un sondage CSA publié par L’Humanité, plus de six Français sur dix sont « défavorables » au changement de statut de La Poste, et 75 % se prononceraient contre sa privatisation s’ils devaient s’exprimer lors d’un référendum. On comprend que le gouvernement ne soit pas disposé à organiser une telle consultation populaire, comme le demandent les élus du CRC- SPG, confortés, comme tous les opposants au projet gouvernemental, par le succès de la votation citoyenne organisée partout en France du 28 septembre au 3 octobre.