En tant que maire d’une importante ville de la région parisienne, Fontenay-sous-Bois, pourquoi redoutez-vous la réforme des collectivités lancée par le gouverne- ment ?
Jean-François Voguet. Je vais prendre deux exemples. d’abord la suppression de la taxe professionnelle, car c’est un élément de la réforme. dans ma commune, elle représente plus de 40 % des recettes fiscales. Sa suppression ou sa modification représente un grand risque d’assèchement de nos moyens. Nous allons donc devoir restreindre nos investissements et réduire nos activités. Ce n’est pourtant pas de cela dont notre pays et nos populations ont besoin.Tous les maires le savent bien la demande est forte pour le développement des services collectifs. deuxième exemple, la loi va contraindre les intercommunalités à se regrouper ou à se redessiner et les communes, qui ne le sont pas encore, à en devenir membre. Et tout cela sera décidé par le Préfet, c’est-à-dire par l’Etat avec des préoccupations bien éloignées des réalités locales. Pour notre part, comme bon nombre de communes dans notre région, nous ne sommes pas en intercommunalité bien que nous soyons bien installés dans une démarche active de coopération intercommunale. Nous allons donc être contraints d’être rattachés à des communes avec les- quelles nous n’avons aucun projet commun et sans qu’il y ait la moindre volonté partagée par leurs élus ni leurs populations. Ce faisant, nous perdrons la maîtrise de nos recettes de taxe professionnelle et beaucoup de nos pouvoirs d’intervention seront délégués obligatoirement, en particulier la maîtrise de notre dévelop- pement urbain. Nous allons tout simplement y perdre de façon autoritaire, notre indépendance, notre autonomie de gestion et nos possibilités d’action.
Par delà ces préoccupations spécifiques, pensez- vous que toutes les autres communes seront touchées de la même façon ?
Jean-François Voguet. Bien entendu. Ces deux exemples sont symptomatiques des objectifs réels qui se cachent derrière ces projets de réforme et qui vont toucher toutes les communes, quelles que soient leur taille et leur richesse. Il s’agit, pour le pouvoir central de reprendre la main, d’obliger les collectivités locales à se regrouper, voire à disparaître, en particulier au sein des métropoles, à réduire leurs activités, et à éloigner les exécutifs locaux du pouvoir de contrôle des citoyens. François Fillon a d’ailleurs été clair, il veut contraindre les collectivités locales à réduire leurs dépenses, quitte à supprimer un grand nombre de services publics locaux ou bien alors en les transférant à des sociétés privées. Pour nous y contraindre, il supprime nos moyens financiers, il rend les subventions d’autres collectivités plus faibles voir les supprime et réduit drastiquement les dotations d’Etat et la fiscalité sur les entreprises. Cela en est donc fini du principe constitutionnel des libertés communales. Nous conservons la clause de compétence générale, mais nous n’aurons plus les moyens financiers pour faire face à la défense des intérêts de notre population et de nos territoires. Enfin, pour réduire ce contre-pouvoir que nous représentons et l’influence des élus locaux auprès de leurs concitoyens, la réforme va diminuer leur nombre. 100 000 élus municipaux vont ainsi disparaître, alors qu’il s’agit de bénévoles, dévoués, qui représentent par ailleurs l’ensemble de la diversité sociale, philosophique et politique de notre république. C’est un coup terrible porté à notre démocratie.
Êtes-vous également inquiet pour l’avenir des départements et des régions ?
Jean-François Voguet. Vous savez, on a dit que plus personne ne sait « qui fait quoi ». C’est un mensonge, en particulier pour les maires. Nous savons tous très bien le rôle du département et de la région. Sans eux, sans leurs actions et leur aide, sans leur puissance financière et leur expertise, nous ne pourrions pas mener à bien bon nombre de projets. Ils sont indispensables, y compris à la vie communale. Leurs compétences, leurs prérogatives sont une avancée essentielle des lois de décentralisation. En supprimant leurs élus spécifiques, on s’attaque à leur pouvoir d’agir, en leur retirant la clause de compétence générale, on les transforme en une administration déconcentrée de l’Etat, ayant à leur tête des sortes de préfets, des administrateurs élus. En effet sans cette clause, ils seront dans l’impossibilité d’intervenir dans d’autres secteurs que ceux que la loi leur aura définis et ils devront le faire suivant des directives qui leur interdiront toute indépendance. C’est un recul considérable. C’est sans doute la fin des départements et c’est sûrement la fin de la décentralisation.