Jusqu’au-boutisme libérale

Publié le 1er janvier 2010 à 13:05 Mise à jour le 8 avril 2015

Approuvé par la majorité sénatoriale en décembre après trois semaines de discussion, le prochain budget ne sera pas un levier permettant de sortir de la crise. Le gouvernement persiste en effet dans des choix qui ont déjà fait la preuve de leur nocivité : suppression massive d’emplois publics, maintien d’exonérations fiscales indues qui creusent le déficit.

Christine Lagarde, ministre de l’Economie, et Eric Woerth, ministre du Budget sont de grands optimistes : ils veulent voir ici où là, dans quelques statistiques flatteuses, les premiers signes de la reprise. En 2010, promettent-ils, l’économie française repartira sur de bons rails, grâce évidemment à l’excellente politique du gouvernement. Une douce vision que les sénateurs communistes ne partagent pas, comme ils en ont témoigné tout au long de la discussion du budget 2010, du 19 novembre au 8 décembre. D’abord parce que l’année 2009 va s’achever par un recul de la croissance d’environ 2,5 % et par la destruction de 500 000 emplois. Ensuite parce qu’en 2010, compte tenu des choix budgétaires opérés, il est fort à parier que la situation ne s’améliore guère pour les Français, à l’exception des plus privilégiés d’entre eux. « Ce gouvernement qui a prêté, sans contraintes excessives ni prise de participation au capital, plusieurs milliards d’euros aux banques françaises, cultive quelque peu ce que l’on peut qualifier de foi inébranlable dans les vertus de la main invisible du marché, résume Thierry Foucaud. Une question se pose : les demandeurs de logement, les personnes privées d’emploi, les travailleurs précaires, les salariés stressés qui mettent parfois fin à leurs jours, les jeunes diplômés qui ne trouvent pas d’emploi à la fin de leurs études vont-ils attendre que toute cette belle mécanique se mette effectivement à fonctionner ? Les choix effectués par le gouvernement dans le présent projet de loi de finances montrent que l’on est fort loin de la prise en compte des besoins collectifs. » Comme les exemples suivants le montrent notamment.

Les accidentés fiscaux

Tout un symbole ! Comme l’avait fait la majorité à l’Assemblée nationale à l’initiative de Jean-François Copé, le président du groupe UMP, les sénateurs de droite ont aussi voté la fiscalisation des indemnités journalières versées aux salariés victimes d’un accident du travail. Une simple mesure de justice fiscale selon eux. Une disposition d’un cynisme inqualifiable pour les élus du groupe CRC-SPG. « Cette fiscalisation des indemnités journalières en cas d’accident du travail est une mesure injuste et indécente, s’indignent-ils. C’est un message particulièrement choquant adressé aux victimes du travail à l’heure où celui-ci est particulièrement dégradé. Nous tenons à dénoncer la campagne de désinformation révoltante qui accompagne ce projet. Vouloir présenter des victimes, accidentées du travail, comme des privilégiés et évoquer l’équité pour faire passer cette réforme aux yeux de l’opinion publique est totalement inacceptable. » La mesure rapportera 150 millions d’euros par an. Quant aux véritables niches fiscales, celles qui bénéficient avant tous aux contribuables les plus aisés et aux grosses entreprises, elles vont continuer de coûter 70 milliards d’euros à l’Etat, puisque le gouvernement a finalement décidé, pour l’essentiel, de ne pas y toucher. Sûrement au nom de l’équité.

Un impôt repeint en vert

La création de la taxe carbone est l’une des nouveautés de ce budget. A son sujet aussi, les élus du groupe CRC-SPG se sont montrés très critiques, dénonçant « une véritable TVA sociale repeinte en vert », le gouvernement surfant sur des préoccupations légitimes pour introduire un nouvel impôt qui à l’arrivée ne sera ni très écolo ni très juste. « Le réchauffement climatique dû à l’utilisation d’énergie produite par des combustibles fossiles représente un risque majeur pour notre société. Si cette prise de conscience, dorénavant partagée, est positive, le mécanisme proposé par la taxe carbone, est décevant, analysent-ils : il est fondé sur une ineptie sociale et risque de ne pas s’avérer efficace, tant il s’inscrit dans la continuité des pratiques actuelles. En clair, cette nouvelle taxe représente annuellement 300 euros supplémentaires par ménage pour le seul chauffage, 7 à 8 centimes d’augmentation du prix du litre d’essence et 15 % d’augmentation prévisible du prix du gaz. Par ailleurs, cette taxe ne vise pas à résoudre le problème des émissions de gaz à effet de serre ni des modes de production, elle n’incite pas à la révolution énergétique pourtant nécessaire et elle consacre l’usager comme principal responsable de la pollution. » Autre effet collatéral : la taxe sera déduite de la valeur ajoutée des entreprises qui y sont assujetties, ce qui diminuera encore les ressources dont disposent les collectivités locales.

Un mauvais coup contre les collectivités

Autre gros volet du budget 2010, la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la Contribution économique territoriale ont donné lieu à une belle mascarade de la part de Jean-Pierre Raffarin et de quelques sénateurs UMP. Vent debout dans les journaux et devant les caméras de télévision contre la réforme, ils l’ont voté des deux mains dans l’hémicycle. Les quelques aménagements apportés par le Sénat, comme l’ajout d’une close de revoyure où la modification de certains barèmes, ne changeant pourtant pas l’économie générale du projet gouvernemental. Les sénateurs communistes la résument ainsi : couplée avec la réforme territoriale (voire pages 2 et 3), cette suppression signe la fin de l’autonomie des collectivités et de leur capacité d’investissement, déjà bien mise à mal. « Le projet de suppression de la taxe professionnelle ne peut se comprendre sans le situer dans le contexte du projet politique, du projet de société, mis en oeuvre par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, en lien étroit avec les politiques libérales européennes, estime Marie-France Beaufils. Communes, départements et Régions deviennent aujourd’hui un obstacle à la croissance du capitalisme sur des secteurs où celui-ci pourrait trouver de nouvelles ressources. »

Une frénésie destructrice

Record battu : avec 36 000 emplois publics en moins, le gouvernement sera en 2010 le champion toutes catégories du dégraissage. Le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite s’apparente en effet à un vase plan social. De ce point de vue, le gouvernement fait mieux qu’en 2009 où il avait rayé de la carte 30 000 emplois publics. Seulement, si l’on peut dire. En 2010 encore, l’Education nationale figure à la première place de ce funeste tableau d’honneur : 16 000 postes en moins ! « Outre l’idéologie antisociale et réactionnaire qu’elle supporte, remarque Josiane Mathon-Poinat, cette frénésie destructrice est en totale inadéquation avec notre époque, marquée par la dépression économique. La crise a pourtant révélé avec force le rôle d’“amortisseur social” d’un service public étendu dans notre pays, du point de vue non seulement du pouvoir d’achat, de l’emploi, de notre système de protection sociale et de retraite, mais aussi de l’éthique, face à l’immoralité, ou plutôt l’amoralité, spectaculairement affichée par le système financier dans le monde et en France. »

Le vertige de la dette

Tout cela n’empêche pas le gouvernement de battre un autre record. La dette publique devrait s’élever à 1400 milliards d’euros l’an prochain, et le déficit approcher les 120 milliards . Bravo la droite ! Car cette performance abyssale est le résultat de sa politique. « Un tel endettement provient en particulier des moins-values de recettes fiscales, qui ont profondément détérioré les comptes publics, mais aussi et surtout de choix fiscaux qui, mis bout à bout, font porter par l’État ce qui devrait procéder, bien souvent, de la seule responsabilité des entreprises ou des autres agents économiques, indique Bernard Vera. Le paquet fiscal instauré par la loi TEPA, c’est 15 milliards d’euros de dette publique de plus chaque année depuis 2007. L’extinction du système d’imposition séparée des plus-values, c’est 20,5 milliards d’euros de perdus, au seul motif de renforcer la structure de nos groupes, qui ont ainsi pu trouver, grâce à l’action du gouvernement et de la majorité sénatoriale, les moyens financiers de leur croissance externe et, parfois, de leur délocalisation. Le crédit d’impôt recherche, qui a coûté cette année 4 milliards d’euros, sans la moindre progression des dépenses éligibles, c’est encore de la dette publique en plus ! » N’en jetez plus...

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