Déception

Publié le 1er avril 2010 à 12:00 Mise à jour le 8 avril 2015

C’est dans un contexte de crise générale de la quasi-totalité des filières agricoles et de profond désarroi du monde agricole qu’intervient la loi de modernisation agricole. Une loi censée améliorer le sort de la ferme France, une loi de plus ou une loi pour rien ? Le titre premier évoque la définition et la mise en œuvre d’une politique publique de l’alimentation, ses intentions sont louables en matière de qualité de la restauration collective et d’efforts à mener dans le cadre scolaire pour tenter de contrer la mal bouffe et des habitudes nutritionnelles catastrophiques qui tendent à se généraliser. Le législateur que je suis veillera à ce que ces intentions ne restent pas lettre morte et soient liées étroitement à la proximité des productions, à leur qualité et au caractère rémunérateur des agriculteurs. Le titre deuxième est la clé de voûte du texte et souhaite renforcer la compétitivité de l’agriculture française qui se prépare à la fin des primes et des quotas. Le texte envisage de rendre obligatoire un contrat écrit entre producteurs et acheteurs, entre interprofessions et grande distribution. J’avoue être très dubitatif face à cette contractualisation écrite dont la possibilité existait déjà dans le code rural, mais n’était pas utilisée. Un contrat reste un rapport de force entre le vendeur et l’acheteur. Je ne vois pas de contraintes suffisantes dans le texte pour infléchir les comportements prédateurs de la grande distribution et les attitudes spéculatives. L’officialisation d’un Observatoire des prix et des marges contribuera certes à un peu plus de transparence, mais ne sera en rien contraignant. Enfin, le rôle majeur que la loi veut faire jouer aux organisations de producteurs et interprofessions risque de dédouaner le gouvernement et Bruxelles de leurs responsabilités et de mettre en concurrence ces organisations dans les territoires. Le volet consacré à l’assurance récolte offre une belle opportunité aux grands groupes d’assurances et souffre particulièrement d’un défaut d’engagement public financier de l’Etat, d’un manque de solidarité et de mutualisation. Le statut d’agriculteur-entrepreneur vise a priori à exclure dès 2013 des dizaines de milliers d’exploitations agricoles du soutien public, nous demanderons la suppression de cet article 11. Les volets pêche, forêt et outre-mer sont également traités dans ce texte avec le même esprit. Ce texte nécessite de profondes modifications et une évolution significative, mais très aléatoire des règles de concurrence « libre et non faussée » de l’Union européenne. C’est pourquoi il risque fort de décevoir une profession déjà désespérée.

Gérard Le Cam

Ancien sénateur des Côtes-d'Armor
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