Ils condamnent les grecs a l’austérité !

Publié le 1er juin 2010 à 12:10 Mise à jour le 8 avril 2015

Seuls les élus du groupe CRC-SPG se sont prononcés contre le « plan d’aide » à la Grèce, refusant de faire payer par tout un peuple les errements des spéculateurs.

Dans sa très grande majorité, le Sénat a adopté le 7 mai dernier le « plan d’aide » à la Grèce en approuvant une nouvelle loi de finances rectificative spécialement programmée à cet effet. Dans sa très grande majorité : seuls les élus du groupe CRC-SPG se sont en effet prononcés contre ce plan, qui à leurs yeux n’a rien d’un plan d’aide, mais qui au contraire met « l’Etat grec et son peuple sous la tutelle du FMI et de l’Union européenne » en imposant « une saignée aux salariés, aux retraités, aux chômeurs, à tout un peuple, alors que les spéculateurs et les dirigeants sont exonérés de toutes responsabilités, de toutes sanctions ». Les sénateurs UMP et centristes ont naturellement approuvé le dispositif proposé par le gouvernement. Les élus socialistes également, car, comme l’a justifié Nicole Bricq, « soutenir la Grèce, c’est défendre la zone euro, c’est respecter les traités dont la France est signataire, bref, c’est être conséquent avec l’engagement européen qui est le nôtre, même s’il y aurait beaucoup à dire sur les orientations de l’Union européenne tout au long de ces dernières années ». Voilà qui a le mérite de la clarté. On ne peut pas en dire autant de l’attitude des quelques sénateurs verts : ils n’ont pris part ni à la discussion ni au vote. Avec ce plan, la France s’engage à prêter à la Grèce 5,3 milliards d’euros à un taux de 5 %, ce qui représente 21 % des 30 milliards apportés
par l’Union européenne, auxquels s’ajoutent
15 milliards venus du FMI. D’où viennent ces
5,3 milliards ? D’un nouvel emprunt. En résumé, la France s’endette pour que la Grèce puisse s’endetter pour payer ses dettes... aux banques françaises ! C’est que la Société Générale, le Crédit Agricole, BNP Paribas comptent parmi les principaux créanciers de l’Etat hellène. « Était-il inconcevable que les banques, qui ont souscrit une bonne partie de la dette publique grecque, contribuent à l’effort général, par exemple en rééchelonnant elles-mêmes cette dette, voire en consentant des abandons de créances, a interrogé Bernard Vera, sénateur de l’Essonne ? Ce pseudo-dispositif d’aide à la Grèce constitue au fond une répétition du plan de soutien aux banques, sans l’exigence d’aucune contribution ni contrepartie. En réalité, on nous propose ici de faire porter par les dettes publiques les créances douteuses que les banques et les compagnies d’assurance détiennent sur la dette publique grecque. La véritable solidarité avec le peuple grec, c’est celle que nous portons et qui vise à entendre les attentes et les aspirations populaires, notamment quand les plus riches, les profiteurs de la crise, les financiers et les banquiers se trouvent exonérés du moindre effort, en Grèce comme en France. Ce n’est pas dans le dumping fiscal et social, ni dans la réduction de la dépense publique, ni dans le financement exclusif des dettes des États par les marchés que nous rendrons à l’Europe corps et sens pour nos compatriotes. Le mythe de la stabilité économique de l’Union vient de partir en fumée. Telle est la grande leçon de cette crise, qui est loin d’être dénouée par ce projet de loi. Ce texte, replié sur la préservation de la rentabilité des marchés, assorti des mesures d’austérité les plus dures que le peuple grec ait eu à subir depuis la Seconde Guerre mondiale, contribuera à plonger la Grèce dans une récession très grave et dommageable pour toute l’Europe. » Défendant au nom du groupe CRC-SPG une motion de procédure invitant le Sénat à rejeter d’emblée ce plan, Michel Billout a estimé pour sa part que cette crise démontre « que nous sommes arrivés au bout de la logique de la construction ultralibérale de l’Union européenne ». « L’euro, cet instrument monétaire unique, a poursuivi le sénateur de Seine-et-Marne, n’a jamais réussi à devenir l’instrument monétaire commun des seize pays participants. Il est au contraire devenu l’instrument de la hausse des prix et de la dégradation du pouvoir d’achat des ménages dans bien des pays. Il n’a aucunement réussi à se positionner comme monnaie de référence dans les échanges internationaux. Il est devenu le corollaire de la remise en cause des acquis sociaux et des garanties collectives accordées aux travailleurs en matière de santé, de retraite, de conditions de travail et d’emploi. Il est temps que la politique reprenne le pas sur les marchés financiers et que la mise en oeuvre des objectifs de l’Union passe par d’autres méthodes que celle consistant à laisser les États membres coincés entre les critères de convergence et les exigences des marchés financiers. À quand une véritable responsabilisation des acteurs des marchés, des banques comme des compagnies d’assurance, passant au besoin, et nous pensons que cela est désormais d’une impérieuse nécessité, par la mise en oeuvre d’une taxation pénalisant la spéculation monétaire, décourageant le développement des montages financiers spéculatifs, rendant de fait plus transparents et plus lisibles les mouvements affectant les transactions sur devises ? Nulle trace de cette exigence citoyenne et démocratique dans le texte qui nous est soumis ici ! Et jamais, parce que l’on reste dans le droit fil de la stratégie de Lisbonne, on ne s’affranchit de la prégnance de la spéculation, ni des critères de convergence, ni du pacte de stabilité, dont il est de plus en plus évident qu’il est au mieux caduc, au pire meurtrier pour l’Union ! »

Une assurance tous risques
pour les spéculateurs

Présenté par ses initiateurs comme un moyen de préserver la stabilité économique et financière des pays du vieux continent, le Fonds de garantie mis en place par l’Union européenne a surtout de quoi rassurer les marchés financiers. « Désormais, expliquent les sénateurs communistes dans un communiqué, avec les 500 milliards d’euros de garantie que les Etats de l’Union sont prêts à mobiliser, c’est jackpot à tous les coups pour la spéculation ! Si un Etat paie ses dettes, tout va bien : les intérêts nourrissent les prêteurs. Si un Etat ne paie pas, tout va bien aussi : la garantie jouera et les spéculateurs rentreront dans leurs frais ! Et pour que l’Etat défaillant (Grèce, Portugal, Italie, Espagne ou n’importe lequel des seize pays de la zone euro) rembourse à l’Europe, il faudra qu’il mette en œuvre un plan d’austérité du même profil que celui imposé à la Grèce et qui se traduit notamment par le recul de l’âge de départ en retraite et la mise en cause du droit du travail. Ce qui entraînera une déflation accroissant encore le rendement de l’opération pour les spéculateurs. Les partisans de ce bricolage financier, de l’UMP au PS, ont donc mis l’Europe à guichet ouvert pour la haute finance. » Champagne !

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