Abroger ou suspendre le bouclier fiscal ? Le débat a fini par gagner les rangs mêmes de la droite, celle-ci ne pouvant rester plus longtemps insensible face à l’impopularité grandissante chez une très forte majorité de Français de ce symbole du sarkozysme. A tel point que plusieurs de ces responsables n’hésitent plus à évoquer publiquement l’hypothèse. Mais, de là à voter la fin du dispositif honni, il y a un pas que les parlementaires UMP et centristes, pour l’immense majorité d’entre eux, ne sont pas encore disposés à franchir. Débattue en séance publique le 20 mai dernier, la majorité sénatoriale a ainsi rejeté la proposition de loi du groupe CRC-SPG visant à abroger ce « marqueur idéologique » qu’est pour la droite le bouclier fiscal. « Aujourd’hui, a pourtant expliqué Thierry Foucaud, près de 70 % des Français, qu’ils soient de droite ou de gauche, jugent nécessaire la suppression ou, à tout le moins, la suspension du bouclier fiscal. Comme ils ont raison ! Du chèque de 7 millions d’euros remboursés, lors de la première année d’application de ce dispositif, à Mme Meyer, héritière des Galeries Lafayette, au chèque moyen de 360 000 euros versés à un petit millier de bénéficiaires en 2009, en passant par l’auto-liquidation encouragée par notre rapporteur général – une mesure qui coûte 142 millions d’euros de trésorerie à l’État ! –, tout a conduit, et singulièrement depuis l’abaissement du plafond à 50 %, à rendre intolérable l’existence du bouclier fiscal. Nos compatriotes se font une idée élevée de l’égalité, qui leur rend parfaitement insupportable un dispositif comme le bouclier fiscal. On ne peut pas écrire dans la Constitution que chacun contribue à la charge publique à concurrence de ses facultés, et laisser perdurer un système dans lequel, à un moment donné, certains sont considérés comme étant trop riches pour continuer à payer impôts et cotisations sociales. » Injuste socialement, le bouclier fiscal est également inefficace sur un plan économique, comme l’a aussi rappelé le sénateur de Seine-Maritime. « Notre potentiel de croissance ne réside pas dans le maintien d’un bouclier fiscal qui ne conduit aucun contribuable à revenir et coûte 600 millions d’euros au budget général, somme à laquelle doit être ajoutée la dette induite et ses intérêts ! Il dépend de la suppression pure et simple de cette disposition et d’un effort renouvelé dans le domaine de la formation initiale et de l’insertion professionnelle de notre jeunesse, quelle que soit son origine sociale. » Conscients d’avoir perdu la bataille de l’opinion publique sur ce dossier, de moins en moins enclins à défendre une mesure qui s’est transformée en un boulet chaque jour plus difficile à porter, certains à droite cherchent une porte de sortie honorable, à l’image de « la tétralogie » proposée par Jean Arthuis, le président centriste de la commission des Finances, Philippe Marini, le rapporteur général UMP du Budget et par Jean-Pierre Fourcade, autre élu UMP. Ces trois figures du Sénat lient la suppression du bouclier fiscal et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune à une taxation plus importante des plus-values et à un relèvement de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. La proposition semble parée de toutes les vertus de la justice fiscale. En fait, elle conduit, en supprimant notamment l’ISF, à protéger de l’impôt les possédants les plus aisés, ainsi que l’a démontré Bernard Vera, sénateur de l’Essonne : « L’INSEE, étudiant le patrimoine des Français, a largement montré que le facteur principal d’inégalité dans notre pays résidait plus dans l’existence d’inégalités profondes de patrimoine que dans celles de revenu. Vouloir accroître l’imposition des revenus les plus importants ne doit donc se faire qu’en maintenant une imposition du patrimoine, au risque de décourager un peu plus ceux qui, par leur seul travail, sans avoir de patrimoine personnel important au départ, valorisent leurs compétences, exercent des responsabilités et des fonctions raisonnablement rémunérées. Imposer demain le cadre supérieur, imaginatif, créatif, et porteur d’idées nouvelles, impliqué dans la vie de son entreprise, pour mieux exonérer l’héritier qui se contente de vivre du revenu de son patrimoine et qui s’intéresse de très loin à la vie de l’entreprise dont il détient une partie des actions, ne serait pas de bonne politique. Protéger les acquis des détenteurs de patrimoine et taxer le travail au moment où les Français attendent plus de justice sociale, singulièrement quand on parle du devenir de nos retraites, est tout de même le plus parfait exemple de conservatisme qu’il nous soit donné d’apprécier ! »
La droite sénatoriale s’entête à défendre le bouclier fiscal
Discutée en séance publique le 20 mai, la proposition de loi du groupe CRC-SPG visant à abroger le dispositif a été repoussée par la majorité.