Chronique d’une bataille parlementaire (8)

Réforme des retraites : le bras de fer continue !

Publié le 14 octobre 2010 à 14:20 Mise à jour le 8 avril 2015

Depuis le 5 octobre et pour trois semaines, le Sénat examine à son tour la réforme des retraites. Cette discussion, parole de sénateurs communistes et du Parti de Gauche, n’aura rien de feutré ! Retrouvez ici un résumé quotidien des interventions et des actions venant de parlementaires mobilisés contre une réforme « totalement injuste » et qui se veulent à l’unisson de la protestation populaire.

Ce ne sera donc pas avant mercredi prochain, jour où lors d’un vote solennel la majorité sénatoriale devrait adopter le projet de réforme des retraites. Réunie hier soir, la conférence des Présidents, l’organe exécutif du Sénat, n’a pu que reconnaître l’évidence : compte tenu de la lenteur de la discussion, les débats devront se prolonger la semaine prochaine. Pour tenir cet agenda, le gouvernement a même été contraint de pousser à la roue. Les sénateurs siégeront samedi après-midi et devront poursuivent leurs travaux lors de plusieurs séances de nuit. « Le gouvernement avait annoncé haut et fort que la discussion allait s’achever ce week-end, ce n’est pas le cas », se félicite Nicole Borvo Cohen-Seat.

Ce matin, à la reprise de la séance à 9 h 30, les sénateurs devaient encore examiner 805 amendements. Le rythme est toujours aussi lent : hier, seulement 40 amendements ont été passés en revue. « Les grondements populaires se font entendre chaque jour un peu plus », résument les élus du groupe CRC-SPG en défendant leurs très nombreux amendements. Rare moment consensuel, trois amendements identiques présentés par les socialistes, des centristes et des UMP prévoyant l’élaboration, en cas de divorce, d’un relevé comparatif des droits à la retraite acquis par les deux conjoints, ont été adoptés à l’unanimité. « Cela ne coûte pas grand-chose quand c’est de l’information, mais quand il s’agit de donner quelque chose aux femmes vous le refusez », tempère toutefois Marie-France Beaufils, sénatrice d’Indre-et-Loire, à l’adresse de la majorité sénatoriale.

Au programme de la matinée : la suite de l’examen de l’article 4. Celui-ci augmente progressivemement, juqu’à 41,5, le nombre d’annuités nécessaires pour percevoir une pension à taux plein. « Cet article allonge la durée de cotisation, explique Evelyne Didier, sénatrice de Meurthe-et-Moselle. Quel est l’impact financier de cette mesure ? Pour un smicard, il en coûtera 700 à 800 euros par an. Faute de recettes nouvelles, les salariés devront cotiser plus longtemps et en plus se serrer la ceinture. Certes, les Français vivent plus longtemps en bonne santé. Mais allez à 3 heures du matin à la marée de Rungis, prenez la ligne 13 du métro à 6 heures du matin avec les femmes de ménage, passez une journée dans une usine textile. Vous verrez ce que cela signifie, l’exigence d’une retraite à 60 ans à taux plein ! Les inégalités sociales sont impressionnantes. La démographie a bon dos, qui sert à masquer le fait qu’une part croissante de la richesse produite sert à rémunérer le capital. Les 41,5 annuités seront difficiles à réunir pour beaucoup ! Rappelez-vous le mot de Bismarck fixant l’âge de la retraite à 65 ans parce qu’on lui indiquait que les travailleurs mourraient à cet âge... Nous ne voulons pas de ce cynisme d’État. » Fait remarquable : les sénateurs socialistes sont particulièrement discrets lors de la discussion de cet article. Officiellement, le PS est en effet favorable à cet accroissement du nombre d’annuités. Mais pas dans ces conditions. Les élus socialistes voteront donc contre cet article..

Comme chaque jour ou presque, la séance a débuté par un rappel au règlement du groupe CRC-SPG. Ce jeudi, Annie David dénonce une nouvelle « publicité mensongère » du gouvernement. Parue dans la presse gratuite du jour, une pleine page vante les améliorations de la retraite des femmes que la réforme gouvernementale est supposée apporter. Réaction de la sénatrice de l’Isère : « En matière de fausse communication, le gouvernement récidive. Voici cette fois une publicité scandaleuse et mensongère, dans les journaux gratuits, sur la retraite des femmes. Vous affirmez que le gouvernement agit résolument pour améliorer la retraite des femmes. Vous osez dire que vous luttez contre l’inégalité salariale, alors que la sanction prévue n’est que de 1 % de la masse salariale et ne porte que sur le défaut d’information. Les entreprises ne sont contraintes à aucun résultat ! La retraite des mères n’est « améliorée » que pour 25 000 femmes dans des conditions très restrictives. Leur retraite sera seulement moins dégradée que prévu dans le projet de loi initial. Et l’article 23 sanctionnera 14 000 agents publics, les mères de trois enfants voulant partir après quinze ans. Et vous ne limitez nullement le travail précaire et le travail à temps partiel dont les femmes sont les premières victimes. Il est insupportable que l’argent des contribuables soit utilisé pour ces publicités mensongères. »

La séance est suspendue à 12h50. Seuls trois amendements ont été discutés au cours de la matinée.

A suivre...

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