L’Aprés-mines dans la Grande Région

Insuffisances et évolutions nécessaires de la législation

Publié le 11 février 2012 à 15:26 Mise à jour le 8 avril 2015

En date du 22 mars 2007, a été instituée par décret la Commission Nationale de Concertation sur les Risques Miniers. J’en suis actuellement la 1ère Vice-Présidente. Elle compte également parmi ses membres : René Drouin (Maire de Moyeuvre-Grande), Denis Schitz (Maire de Tressange), Philippe Leroy (Sénateur de Moselle) et Denis Jacquat (Député de Moselle).
Dans le cadre de nos travaux, comme vous pouvez vous en douter, nous avons suivi de près la mission sur l’indemnisation des dégâts miniers, commandée par le Ministre d’alors, Jean-Louis Borloo, au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) et au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Vous êtes d’ailleurs nombreux ici à vous être manifestés et à avoir apporté vos témoignages auprès des deux experts attachés à cette mission, Jean-Luc Vo Van Qui et Isabelle Vaulont.
Un an et demi plus tard, le rapport est enfin là ; trace écrite, recueil d’une situation vécue par toutes les victimes des dégâts miniers et trop souvent incomprise par nos bureaucrates de la capitale. Combien de fois avons-nous dû raconter, recommencer, répéter encore et toujours notre histoire, au fil des changements ministériels ? Ce rapport aura au moins le mérite d’exister.

Avant de le commenter, je souhaiterais revenir rapidement sur le rôle de la CNCRM, afin de vous rappeler que nous pouvons être un interlocuteur privilégié et porter votre voix au plus haut niveau.
La commission a en effet été conçue pour donner des avis et des recommandations au ministre chargé des mines, sur la prévention des risques miniers dans le cadre de l’Après-mines. Elle a fait suite à l’Agence de Prévention et de Surveillance des Risques Miniers (APSRM), dissoute en 2007.
Ses domaines d’intervention concernent :

  • l’amélioration de la connaissance des aléas et des risques miniers, le renforcement de leur surveillance et le développement de l’information sur la prévention ;
  • la prise en compte des risques dans l’utilisation des sols et dans la construction, et plus généralement la réduction de l’exposition des personnes et des biens aux risques miniers, notamment par le développement des plans et travaux de prévention ;
  • le développement d’analyse et d’expertise, notamment en exploitant le retour d’expérience ;
  • et enfin, l’organisation territoriale de la concertation en matière de risques.
    De plus, au moins une fois par an, le directeur de l’action régionale, de la qualité et de la sécurité industrielle doit rendre compte, devant la commission, de l’action de l’Etat et présenter les orientations pour l’année à venir.

Lors de notre réunion du 18 janvier dernier, nous avons donc mis à l’ordre du jour la présentation des conclusions de ce fameux rapport.
Je m’attacherai tout d’abord à vous en présenter une synthèse, à laquelle je tenterai ensuite d’apporter quelques commentaires.

La plus grande partie du document dresse un état des lieux complet, abordant la variété et les spécificités des dégâts miniers. Clair et exhaustif quant aux aspects technique, historique et juridique, il est en ce sens un véritable point d’appui pour tous les acteurs concernés. Il fournit également un bilan chiffré assez complet des indemnisations effectuées et en cours. On relève ainsi que les indemnités versées au 30 juin 2011 concernaient à 99,9% des dommages en Lorraine, dont 52% au titre du fer et 47% au titre du charbon.
Le rapport reconnaît non seulement l’importance des dégâts miniers passés mais il insiste également sur la forte probabilité des dégâts encore à venir. C’est dans cet état d’esprit qu’un dispositif de traitement des dégâts miniers apparaît nécessaire, tant sur le plan de la prévention que sur celui d’une indemnisation qualifiée de « rapide et équitable » ou encore d’ « efficace et fiable ». Il est d’ailleurs souligné que l’existence d’un tel dispositif pourrait être une condition importante de l’acceptabilité de nouvelles exploitations – je pense ici notamment à l’exploitation des gaz et huiles de schiste qui fait actuellement débat.

En terme de responsabilité, le document réaffirme celle de l’exploitant et la substitution de l’Etat en cas de défaillance ou de disparition de ce dernier. A ce propos, il est intéressant de noter qu’au chapitre intitulé Les voies de progrès, on s’arrête sur l’utilité de réexaminer, dans le bon sens, la position de l’Etat sur les conditions suffisantes pour faire jouer sa garantie, étant convenu qu’une intervention après que toutes les procédures et recours judiciaires aient été achevés, condamnait les victimes à une procédure longue, parfois de plus de 15 ans, voire interminable.

Il est ainsi apparu, durant l’étude, que du fait de la complexité et de la longueur des processus engagés, l’intervention du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) était perçue positivement par les victimes. On note ainsi que les propositions de la mission continuent de s’articuler autour de celui-ci.

Les rapporteurs préconisent, en effet, de maintenir opérationnel un dispositif d’intervention, s’appuyant sur le FGAO, afin de faciliter l’indemnisation des dégâts miniers. Celui-ci resterait un préfinancement d’une indemnisation de droit commun par l’exploitant, sans venir se substituer aux interventions de l’Etat (solidarité nationale). Son financement serait pris en charge par l’Etat sur les crédits de l’Après-mines et devrait cesser d’être assuré au moyen d’un prélèvement, jugé discutable par les rapporteurs, sur les contrats d’assurance automobile. Enfin, la volonté des sinistrés et des élus d’obtenir une plus grande cohérence entre les actions de l’Etat et celles du FGAO a été soulignée.
Les rapporteurs préconisent également de renforcer l’effectivité du principe de responsabilité de l’exploitant, en exigeant notamment de ce dernier des garanties financières pour l’indemnisation future d’éventuelles victimes. Une telle mesure serait effectivement des plus importantes afin de sécuriser les situations de toutes les exploitations en cours et futures.

Par ailleurs, si nous pouvons constater à la lecture du rapport que nos différentes demandes et revendications ont bien été entendues et reprises, toutes n’ont pas été suivies de propositions satisfaisantes.
Ainsi, concernant le champ d’intervention du Fonds de Garantie, il est certes proposé de l’élargir, je cite, « aux victimes qui sont les plus démunies », à savoir les particuliers et les PME, quelle que soit la nature des dommages. Mais, si cela représenterait en effet une avancée, quid des collectivités locales par exemple ? Elles sont considérées, dans le rapport, comme étant plus à même de gérer par leurs propres moyens la recherche des responsables et l’obtention d’indemnités, mais nous savons bien qu’il n’en est rien et que toutes les collectivités ne sont pas égales devant la lourdeur de ces procédures. Il est évident que ce sont les enjeux financiers qui dictent avant tout ces préconisations. Par ailleurs, si nous pouvons admettre qu’une généralisation du préfinancement par le FGAO n’est pas réaliste, pourquoi ne pas imaginer un organisme unique qui serait en mesure de rechercher les responsables et faciliterait ainsi les démarches des sinistrés ?

Ensuite, élus et associations demandent que soit revue la date du 1er septembre 1998 pour la prise en compte de l’indemnisation des dommages par le FGAO. Or, les rapporteurs excluent d’emblée la possibilité de réouverture des dossiers antérieurs, se déchargeant sur le seul principe de solidarité nationale pour « les situations exceptionnellement graves ». Et ce, même s’ils font état, dans leur rapport, de la situation du bassin de Piennes Landres, avec ses 153 demandes, sur 163, rejetées par le Fonds, les dommages étant jugés non miniers et/ou antérieurs au 1er septembre 1998. La Lorraine n’est pas isolée sur cette question ; la majorité des dossiers du Nord-Pas-de-Calais contiennent également une demande de rétroactivité.

Enfin, la question de l’indemnisation des propriétaires clausés et non-clausés a été tranchée par les rapporteurs. Alors que nous espérons toujours voir les propriétaires clausés être indemnisés au même titre que les autres, il n’est proposé, dans le rapport, qu’une intervention exceptionnelle de solidarité nationale pour des victimes se trouvant, je cite, « dans une situation dramatique ». Ils se situent dans l’aide sociale sans dire combien, comment, selon quels critères...

Ainsi, nous nous rendons compte que de nombreuses difficultés restent à solutionner.
Les points de désaccord que je viens de citer, mais aussi, par exemple, la notion même de « dégâts miniers » qui ne fait pas consensus au sein de l’administration. Une clarification du champ d’application est indispensable pour ne pas exclure certains dossiers du bénéfice du régime d’indemnisation. Mais là où le rapport propose la mise en place d’une commission consultative d’experts pour examiner les difficultés d’interprétation technique, il me semble plus judicieux de mieux coordonner les actions des différents intervenants et ne pas alourdir davantage un processus déjà complexe.
Autre sujet délicat : celui de l’évaluation du bien lorsque la réparation n’est pas envisageable. La formulation législative actuelle, qui est de « permettre au propriétaire (…) de recouvrer dans les meilleurs délais la propriété d’un immeuble de consistance et de confort équivalents », connaît une interprétation différente selon que l’on se place du côté de la victime ou de l’organisme d’indemnisation. Mais aujourd’hui, c’est la valeur vénale d’avant les dommages qui prime. Seule une modification de la loi serait de nature à pouvoir changer cela, nous le savons depuis longtemps.

Pour conclure, nous pouvons être satisfaits d’avoir été entendus. A la lecture de ce rapport, on ne peut remettre en cause le sérieux avec lequel la mission a été conduite. Il s’agit là d’un travail approfondi qui devait être fait et qui pourra, à la fois, servir de témoignage mais aussi de base solide pour les avancées que nous continuerons à demander.
Notre objectif était multiple.
Il s’agissait tout d’abord, pour les sinistrés, de se sentir reconnus. De faire en sorte que le passé soit pris en compte, non pas pour s’y accrocher, mais pour mieux préparer l’avenir et pour éviter que cela ne se reproduise. Il s’agissait aussi d’améliorer la cohérence des décisions prises lors des processus d’indemnisations et enfin, de réaffirmer la responsabilité des industriels. Il semble que sur ces points désormais, nous pouvons espérer quelques avancées, au vu notamment des quatre grands principes à retenir, édictés par ce rapport :

  • disposer des moyens de répondre rapidement en cas de nouveaux dégâts miniers
  • réaffirmer et renforcer le principe de la responsabilité de l’exploitant
  • apporter un soutien particulier aux plus faibles
  • veiller à la stabilité des situations juridiques
    Cependant, les problèmes demeurent, qui ne trouvent pas réponse dans ce texte ou, quand elle existe, une réponse qui ne peut nous satisfaire. Je tiens néanmoins à rappeler ici que ce rapport n’a aucune valeur légale et ne fait qu’apporter des recommandations.

Nous devons trouver un moyen de régler certains cas antérieurs à septembre 1998 ; nous devons aider les victimes clausées à être justement indemnisées. Et nous devons continuer, nous parlementaires, à nous faire entendre dans nos chambres respectives pour qu’enfin la loi reconnaisse à juste titre l’ensemble des victimes de dégâts miniers.

Évelyne Didier

Ancienne sénatrice de Meurthe-et-Moselle
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