Modification du statut d’EDF-GDF : explication de vote

par Marie-France Beaufils

En quelques jours, nous avons été contraints d’examiner un projet de loi qui transforme de façon radicale E.D.F. et G.D.F., deux fleurons de notre industrie énergétique, garantes de notre service public de l’électricité et du gaz.

 En quelques jours, vous avez ouvert la voie à la privatisation, abandonné le statut d’E.P.I.C. des opérateurs historiques, mis fin au régime spécial de l’assurance retraites des I.E.G. Demain, les synergies industrielles pourront être détruites et les deux opérateurs se faire concurrence au mépris de leurs services communs.

 Entre l’ouverture du débat à l’Assemblée nationale et sa clôture ici, trois semaines seulement se seront écoulées. Elles auront permis de tirer un trait sur l’organisation du secteur énergétique conçue par la loi de nationalisation de 1946.

 La création de statut d’E.P.I.C. répondait alors à une impérieuse nécessité, pour ces hommes et femmes issus du Conseil national de la Résistance : celle de soustraire à la régulation purement marchande un secteur aussi vital que celui de l’énergie. Au sortir d’une des périodes les plus dramatiques de son histoire, la nation française avait fait le choix du statut d’établissement public afin de se doter d’outils industriels et préserver de la faillite un secteur vital pour l’indépendance du pays. Les enjeux étaient de taille ! Ils sont peut-être différents aujourd’hui, mais de même ampleur ; et la maîtrise de notre secteur énergétique demeure tout aussi fondamentale !

 Les forces politiques de l’époque avaient conscience que l’électricité et le gaz ne pouvaient être considérées comme des marchandises comme les autres - et qu’il fallait, comme le formula Marcel Paul, le 27 mars 1946 « faire en sorte que les intérêts privés n’aient pas la possibilité de s’opposer aux intérêts du pays ». Au cours du débat sur la loi de nationalisation de l’électricité et du gaz, Joseph Laniel s’exprimait ainsi sur le rôle que devait jouer, selon lui l’État : « le ministre de la Production industrielle, détenteur de la puissance publique, est chargé de fixer le programme des travaux d’équipement, d’orienter l’exploitation, d’assurer la répartition de l’énergie suivant les besoins, de fixer la tarification ».

 Nous avons essayé de vous convaincre que l’abandon du statut d’E.P.I.C. et l’ouverture du capital n’étaient en rien nécessaires que ce bouleversement allait mettre ces deux entreprises sous la coupe des marchés financiers et nuire à notre indépendance énergétique.

 Mais tout a été balayé si rapidement que certaines questions brûlantes, comme la réforme du régime des retraites, ont suscité entre les rapporteurs des désaccords tout à fait inédits, prouvant que rien n’était clair quand au sort qui serait réservé aux agents retraités. Adossement ou intégration ? Cela reste trop obscur pour que les salariés n’en fassent pas les frais.

 Avec ce projet de loi, c’est aussi le peuple français qui est spolié !

 Rien ne vous oblige, et certainement pas l’Europe, à ouvrir le capital de ces entreprises, sinon votre logique ultralibérale ! La crise californienne, la faillite de British Energy, les coupures d’électricité à répétition dans certains pays européens, la fulgurante montée des prix auraient dû vous inciter à mettre un terme au démantèlement de ces grandes entreprises de service public.

 Avec l’introduction de capitaux privés, les exigences du court terme l’emporteront sur d’autres considérations !

 Ainsi en a-t-il été de la politique d’expansion à l’international, qui a été si coûteuse, pour E.D.F. et G.D.F. Mieux vaudrait favoriser les coopérations à l’échelle européenne que de se perdre dans des stratégies financières ! L’usager fait évidemment les frais de telles stratégies hasardeuses, ancrées dans le présent. Ce sera d’autant plus vrai lorsque E.D.F. et G.D.F. seront concurrents !

 Tout militait en faveur de la fusion des deux entreprises, ne serait-ce que les 65 000 agents qui sont communs aux deux E.P.I.C. Nous avons défendu cette solution : en vain. Nous vous avons proposé de faire jouer les règles de subsidiarité comme l’a sans doute fait l’Allemagne : encore en vain !

 Nous restons aux côtés des agents d’E.D.F. et de G.D.F. qui ont manifesté cet après- midi contre votre projet de loi et qui vont poursuivre leurs actions pour faire entendre leur inquiétude. Pourquoi ne pas avoir écouté les élus locaux qui réagissent vivement contre ces décisions ?

 Nous voterons donc contre ce texte qui est en totale rupture avec les grands projets sociaux et économiques que notre pays a connus. Cette réforme aura des conséquences désastreuses pour les usagers individuels mais aussi pour les entreprises et les industries gazières et électriques. En dépit de vos dénégations, nous savons qu’avec cette loi, c’est la privatisation qui est en marche

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