La maîtrise publique du secteur de l’énergie est une nécessité

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, il nous faut évidemment encore apporter des améliorations au texte, éclairer les points de vue des uns et des autres et enrichir les dispositions qui restent en débat. Nous voulons aussi réaffirmer des oppositions fondamentales qui ne sont pas des postures, mais sont des alertes sur les dérives d’un système énergétique libéralisé.

Le temps du débat parlementaire ne peut être le temps médiatique. Il n’est pas anormal que la corédaction de projets de loi toujours plus techniques et volumineux prenne de nombreux mois. Je souhaite, madame la ministre, réaffirmer que notre groupe partage les objectifs affichés par votre projet de loi.

Bien sûr, il faut engager notre pays dans la transition énergétique, promouvoir des transports propres, l’économie circulaire, la rénovation énergétique des bâtiments, le déploiement d’énergies renouvelables, décarbonnées. Bien sûr, il faut encourager les comportements vertueux afin d’engager notre pays dans une lutte efficace et résolue contre le réchauffement climatique, poser les bases d’une nouvelle croissance plus économe en énergie ; cela ne fait aucun doute pour les sénatrices et sénateurs du groupe CRC, qui soutiennent une transition énergétique raisonnée et raisonnable. Nous affirmons même, comme d’autres, que c’est une question de survie pour l’humanité et pour la planète.

Si la France a aujourd’hui une électricité parmi les moins chères d’Europe, il faut s’en féliciter et non utiliser cet argument pour légitimer des hausses du tarif du kilowattheure. Si la France a une énergie compétitive, c’est bien grâce aux choix fait à la Libération, avec la maîtrise publique de la production nucléaire dont il y aurait grand danger à sortir sans précaution. À cet égard, pour nous, l’Allemagne n’est pas un modèle, avec sa pollution record due au lignite.

Cela m’amène à une remarque sur l’éolien. Les évolutions législatives se sont multipliées pour en permettre le développement : il nous est proposé, dans ce projet de loi, de ramener à 500 mètres la distance minimale entre les éoliennes et les zones urbanisées. Bref, nous allons vers un mitage anarchique du territoire. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à porter la distance à 1 000 mètres.

Nos autres d’amendements concernent la réponse aux besoins de nos concitoyens, avec la garantie du maintien des tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz, une fixation des prix de vente par l’État, des dispositions concrètes contre la précarité énergétique douze mois sur douze. Par ailleurs, il nous semble important d’afficher la nécessité d’une maîtrise publique du secteur de l’énergie. Nous avions déjà mis en avant la nécessité d’une définition d’une planification énergétique nationale et européenne, qui flèche les moyens financiers alloués par l’État pour chacun des objectifs et chacune des actions de la politique de transition énergétique autour d’un pôle public de l’énergie incluant EDF, GDF, Areva et Total renationalisés. Nous persistons dans ces choix.

C’est ce qui nous amène à dénoncer encore une fois la création d’un marché spéculatif, celui de l’effacement diffus en lieu et place d’un service public de l’effacement.

Nous reviendrons évidemment sur les concessions hydrauliques et sur l’ouverture à la concurrence. Comme le rappellent justement nos collègues de l’Assemblée nationale, les barrages représentent 2,5 millions d’euros d’excédents chaque année et ce qu’on appelle la « rente hydraulique » représente plus de 1 milliard d’euros. La logique de privatisation, sous quelque habillage que ce soit, risque d’entraîner une augmentation des tarifs de l’électricité.

L’acharnement à privatiser est d’autant plus grave que vous reproduisez ce faisant un schéma que nous avons déjà expérimenté lors de la privatisation des concessions autoroutières ou avec les privatisations d’aéroports : ayons en tête le scandale en cours de l’aéroport de Toulouse.

Plus largement, il faut rappeler que le transport routier est l’une des premières sources de pollution, quoi qu’en pense M. Macron, qui a fait le choix de généraliser le transport par autocar. Pour en rester au texte, nous n’y trouvons aucune véritable mesure pour limiter la circulation des véhicules. Ce projet de loi, en particulier, n’aborde pas la généralisation du fret ferroviaire ou le développement du transport fluvial, sujets sur lesquels ma collègue Évelyne Didier a déposé des amendements.

Nous l’avons dit en première lecture, le projet de loi porte en germe un modèle de territorialisation rampante de l’énergie, une mise en concurrence entre les territoires à travers la régionalisation de la production et de la distribution : c’est la péréquation et l’égalité de traitement à l’échelle de l’ensemble du territoire national qui sont mises en danger.

Enfin, nous nous interrogeons sur les moyens financiers pour soutenir les ambitions de votre projet puisque 10 milliards d’euros sont prévus sur trois ans alors que les besoins en investissement sont estimés à 14 milliards d’euros par an, voire à plus de 20 milliards d’euros par l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Le compte n’y est pas ! L’économie participative et l’initiative privée ne pourront pas combler ce manque à gagner !

Enfin, un autre grand sujet est le bâtiment. L’objectif est d’atteindre en 2017 le rythme de 500 000 logements rénovés par an. C’est souhaitable, très ambitieux, mais là encore avec quels moyens ?

Pour les membres du groupe CRC, l’État stratège doit se donner les moyens de ses ambitions et soutenir les collectivités locales qui auront la mission de décliner sur l’ensemble du territoire les objectifs de la transition énergétique. Or ces moyens font défaut. Néanmoins, nous partageons les objectifs que le Gouvernement se fixe.

Retour en haut