Santé publique, seconde lecture

Santé publique, seconde lecture (Cottonbro - https://www.pexels.com/fr-fr/@cottonbro)

par Roland Muzeau

Ce texte s’est considérablement allongé, puisque nous devons examiner soixante articles, dans des conditions plus que déplorables. La majorité est unie sur la rénovation du système de sécurité sanitaire, sur la formation, sur l’évolution des métiers de santé, mais pas sur l’éducation à la santé, ni sur l’encadrement des recherches biomédicales ou l’usage du titre de psychothérapeute, là des divergences de fond demeurent. Mais le débat est sacrifié, pour mettre en place avant la rentrée, conformément au vœu du Président de la République, l’institut national du cancer.

 Le Président du Sénat, constatant l’intensité de la session ordinaire, se demandait s’il fallait s’enorgueillir ou s’inquiéter de ce rythme. Nous savons pour notre part que cette situation, qui témoigne d’une dérive institutionnelle, est préjudiciable à la qualité du travail parlementaire. Le délai limite pour le dépôt des amendements avait été fixé à lundi et nous avons dû viser dans la nuit, plutôt qu’examiner, les 133 amendements déposés ! Avant-hier encore, le rapporteur a auditionné sur le thème de l’alcool et du fœtus : le texte est encore très perfectible ! Le gouvernement s’est même autorisé trente-trois amendements. En première lecture, nous avions une soixantaine de propositions, nous nous limitons aujourd’hui à une simple intervention en discussion générale. Pourtant, ce texte ne nous convient pas ! Nous manquons du recul nécessaire, que nous donnerait l’analyse du rapport de l’I.G.A.S. sur les compétences dans le domaine sanitaire, la loi relative aux responsabilités locales, de la loi sur l’assurance maladie, curieusement silencieuse sur la prévention…

 Le gouvernement avance masqué, dans un éparpillement de réformes ponctuelles, comme le plan canicule, mais ses intentions sont claires : réduire partout la protection sociale, pour ne laisser d’autre choix que la protection individuelle !

 Ce texte n’installe pas les outils d’une politique de prévention à long terme. Chacun sait le manque de médecins du travail et l’exposition des salariés aux risques professionnels. Près du tiers des cancers seraient d’origine professionnelle, l’indemnisation des maladies liées à l’amiante représente près de la moitié du total des indemnités versées par le régime général.

 Le gouvernement, délibérément, dilue la gestion des risques professionnels dans le domaine plus large de la santé environnementale. Chacun sait pourtant que les ouvriers sont bien plus exposés que les autres, que leur espérance de vie est plus faible !

 La prévention, comme l’éducation à la santé, sont des outils pour réduire les inégalités, mais le gouvernement, avec démagogie, affiche des objectifs qu’il contredit aussitôt. Le texte initial, par exemple, ne traitait pas de la nutrition, le gouvernement refusant ce que nous avions proposé pour contraindre l’industrie agroalimentaire à une meilleure information. La navette parlementaire a cependant permis de traiter de l’obésité : un article interdit les distributeurs automatiques dans les établissements scolaires, un autre prévoit une taxe sur la publicité ciblant les enfants. Mais notre rapporteur envisage de les modifier, dans un sens bienveillant pour les industries agroalimentaires ! (Exclamations sur les bancs de la commission.)

 M. ABOUT, président de la commission. - Ce n’est pas vrai !

 M. MUZEAU. - On le verra dans le débat car nous nous opposerons à ces concessions dangereuses lorsque l’obésité toucherait 16 % des enfants en âge scolaire, selon U.F.C.-Que choisir. Même situation dans la lutte contre l’alcoolisme et contre le tabagisme. En mars, un quotidien titrait avec justesse : « Vins et liqueurs : le gouvernement voit double » ! (Sourires.) On le voit pour les boissons « premix » : les lobbies pèsent bien lourd contre la prévention ! On ne peut prétendre à la fois réduire la consommation d’alcool, et sortir le vin de la loi Évin !

 Le gouvernement recule aussi par rapport à la loi Huriet-Sérusclat, en négligeant les droits de ceux qui entrent dans un protocole de recherche.Act-up nous a appelés à la vigilance craignant que la loi se construise non avec, mais contre la société civile.

 Sur tous ces sujets, éducation alimentaire, alcool, tabac, recherches biomédicales, je souhaite vraiment que le Sénat revienne à la raison. En l’état, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi.

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